Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

«J'aime Hydro», ou le complexe du castor

J'aime cette nouvelle façon de faire du théâtre où l'information n'exclut pas un côté ludique et une bonne dose d'humanité.joue avec tous ces aspects et nous laisse, sciemment, sur notre faim puisque les volets 4 et 5 seront présentés au printemps 2017.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Quelle joie, une nouvelle saison de théâtre! Guillerette et primesautière, je me rends à la Licorne pour J'aime Hydro, dont les trois premiers volets ont été présentés en juin dans le cadre du FTA et sont maintenant repris en ouverture de saison par le théâtre de la rue Papineau. Christine Beaulieu, que rien ne préparait à cela, nous livre les résultats d'une recherche exhaustive sur les tenants et aboutissants de notre société d'État chérie, Hydro-Québec.

Dans sa candeur et son ignorance initiales, Christine Beaulieu est désarmante. Mais elle possède la plus belle qualité qui soit : la curiosité. Et lorsqu'elle s'y met, elle s'y met. Elle lit, interroge, rencontre des gens, apprend, décortique la complexité de cet immense dossier et en nous faisant part de ce qu'elle a trouvé au fil de sa recherche, elle contribue à ce que l'on sorte du théâtre pas mal moins idiots. Moi j'ai appris des tas de choses que je ne savais pas : que l'électricité avait été nationalisée sous Adélard Godbout dans les années 1940 sur l'île de Montréal, ça s'appelait déjà d'ailleurs Hydro-Québec et plus tard René Lévesque ne fit qu'étendre au reste de la province ce qui existait déjà sur une plus petite échelle; qu'il existe encore au Québec des compagnies privées (amies du gouvernement libéral, quelle surprise) qui exploitent des barrages et qu'Hydro-Québec se trouve dans l'obligation d'acheter la production de ces dites compagnies pour qui c'est infiniment rentable évidemment. Et que le harnachement de la Romaine pour produire encore davantage d'électricité n'est peut-être pas la meilleure idée du monde. Le travail de recherche abattu par Christine Beaulieu me laisse sans voix. Ça prend de la passion et de la détermination, ça madame.

Mais Christine Beaulieu intègre aussi sa vie personnelle dans la trame de ses découvertes : ses déconvenues amoureuses, son goût immodéré pour Dans l'œil du dragon, Homeland et House of cards; sa relation avec son père; sa vie de comédienne qu'il faut bien gagner au théâtre ou au cinéma. Ce qui donne lieu à des passages plutôt hilarants. Mathieu Gosselin incarne, de son côté, tous les personnages avec qui Christine s'entretient, d'Anabel Soutar à Roy Dupuis en passant par le vice-président d'Hydro-Québec, Pierre-Luc Desgagné. Mathieu Gosselin, homme aux multiples facettes et aux mille talents.

Le spectacle est très vivant avec ses projections vidéo, ses tableaux noirs sur roulettes, son bruiteur/narrateur sur scène (Mathieu Doyon), des démonstrations efficaces qui dynamisent le propos et évitent le côté scolaire. Et je m'incline devant cette mise en scène de Philippe Cyr qui a su amalgamer la personnalité attachante de la comédienne à une livraison d'informations considérable. Genre : c'est quoi l'électricité, quelle est la différence entre le courant continu et le courant alternatif, quels rôles ont joué Thomas Edison et Nicolas Tesla et comment produit-on de l'électricité lorsqu'on n'a pas la Baie-James?

Anaïs Barbeau-Lavalette s'est aussi lancée dans le théâtre documentaire le printemps dernier avec Pôle Sud. J'aime cette nouvelle façon de faire du théâtre où l'information n'exclut pas un côté ludique et une bonne dose d'humanité. J'aime Hydro joue avec tous ces aspects et nous laisse, sciemment, sur notre faim puisque les volets 4 et 5 seront présentés au printemps 2017. Cela veut dire que Christine Beaulieu poursuit sa quête, qu'elle va réfléchir, apprendre encore, rencontrer d'autres acteurs du milieu et nous communiquer le résultat. Il s'agit là de quelque chose d'assez unique au théâtre : remettre en question les vaches sacrées, se demander si les acquis et les projections de la société d'État sont vraiment au service des Québécois et nous amener peut-être à une réflexion commune sur ce que nous voulons vraiment d'Hydro-Québec. Sommes-nous vraiment maîtres chez-nous? Pourrions-nous l'être davantage ou différemment? C'est comme ça lorsqu'un individu décide de s'inscrire dans le collectif et de questionner l'une des profondes racines de notre identité.

J'aime Hydro : Une production de Porte Parole et Champ gauche, à La Licorne jusqu'au 10 septembre 2016. Également disponible pour écoute en direct sur le web.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

<strong>DANS LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON</strong>

Théâtre: 5 pièces à voir à l'automne 2016

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.