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«How to disappear completely»: parler de la mort de sa mère

: un brave petit spectacle, plein de courage et de cœur, inhabituel et iconoclaste.
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J'avoue qu'au début de How to disappear completely, je me suis demandée ce que je faisais là et où ce spectacle voulait s'en aller. Il faut dire que comme entrée en matière, Itai Erdal nous fait part candidement du fait qu'il n'est pas un acteur, mais bien un éclairagiste de théâtre et, il faut bien le dire, ça paraît. Je ne sais pas s'il souffrait de laryngite de soir là, mais avec sa voix rauque et qui ne porte pas, son accent, son débit rapide et sa méconnaissance des techniques de base du théâtre dans le domaine de la projection de la voix, il n'est pas évident à suivre. Avec en plus une pléthore de détails sur l'univers plutôt abscons de l'éclairage, le résultat préliminaire se révèle, disons-le, assommant. Ajoutez à cela une personnalité narcissique qui ne craint pas de se mettre en valeur et de se vanter de réalisations aussi futiles que d'être tombé amoureux 23 fois et de connaître toutes les capitales des pays....

Oui mais voilà, Itai Erdal a vraiment quelque chose à dire. C'est de sa mère qu'il veut nous parler, de sa mort plus précisément, en 2000, à Jérusalem, alors qu'Itai a 25 ans et qu'il vient d'émigrer au Canada. Il va retourner l'accompagner pour les derniers mois de la vie de cette femme qui a fait de lui ce qu'il est et c'est de cela qu'il rend compte. Voulant au départ être documentariste, il filme sa sœur, sa mère, son second mari, les différentes étapes de la déchéance physique et mentale que va connaître celle qui lui a donné la vie.

C'est lui qui contrôle l'éclairage sur scène alors même qu'il donne le spectacle. Mais ce qu'il ne peut pas contrôler c'est la mort. Et alors que l'on constate, et il l'admet lui-même, que c'est quelqu'un qui aime s'écouter parler, il s'efface peu à peu devant quelque chose de plus grand que lui et devant le personnage de cette mère aux opinions tranchées (dont certaines, d'ailleurs, m'ont fait sursauter) mais qui n'est qu'une grosse boule d'amour quand il s'agit de ses enfants. Disparue trop tôt, à 57 ans, elle a laissé une marque indélébile sur la psyché de ses descendants, tous deux artistes, tous deux conscients de ce qu'ils lui doivent.

En filigrane, bien que ce ne soit jamais explicite, il y a aussi l'holocauste, des indices de souffrances indicibles, ce retour en Israël de la diaspora, les moments difficiles de la vie. Et au fur et à mesure de cette narration parfois un peu décousue, Itai Erdal devient de plus en plus sympathique et attachant. Il a compris (tiens! Comme dans Maleficent!) que le seul véritable amour sur cette terre est l'amour maternel. Il l'a perdu et veut le retrouver. Ne nous étonnons pas que cela ne marche pas.

La principale révélation de How to disappear completely c'est qu'Itai a aidé sa mère à mourir. Il en parle comme si la chose allait de soi, comme si cela avait fait partie de ses devoirs de bon fils que d'abréger les souffrances intolérables du cancer et de permettre ainsi à sa mère de partir à peu près dignement. Le projet initial était un film documentaire, qu'on lui a fortement déconseillé de concrétiser par crainte de poursuites judiciaires. Mais il dit à la fin : j'ai aidé ma mère à mourir. Et j'espère que quelqu'un fera la même chose pour moi.

Ce n'est pas un show parfait, loin de là, les projections en hébreu dont il fait la traduction simultanée ne sont pas des plus réussies, on perd des grands bouts de la narration, la forme choisie ici gâche souvent la pureté de l'intention mais ce sont ces imperfections mêmes qui révèlent toute l'humanité et la générosité du contenu. C'est un brave petit spectacle, plein de courage et de cœur, inhabituel, iconoclaste que je suis très contente d'avoir vu.

How to disappear completely : une production du Chop Theatre de Vancouver, présentée à l'Usine C les 18, 19 et 20 mars 2015. La représentation est en anglais.

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