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«Hamster» de Marianne Dansereau: rencontres improbables

Le public est saisi par la puissance des désirs et des rancoeurs qui servent de ressorts à ces histoires.
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Annie Éthier

Ce sont les petits détails, parfois amusants, parfois glauques, qui rendent compte de toute la profonde humanité des personnages de Marianne Dansereau dans ce Hamster qu'on peut voir sur la scène de La Licorne. Certains sont plus attachants que d'autres, mais ils ont tous en commun d'avoir vu leurs petits et humbles rêves s'écrouler. Et Marianne Dansereau leur confère une dimension qui est bien proche de nous briser le cœur.

Le public est saisi par la puissance des désirs et des rancoeurs qui servent de ressorts à ces histoires. Parce que sous l'apparente banalité de la vie de ces habitants de la Couronne Nord couvent des drames épouvantables nourris par le vide de leurs existences. Que peut-on faire à part attendre la mort et, dans l'intervalle, se morfondre d'ennui et de peine?

Une jeune fille attend l'autobus ou son lift. C'est le week-end de la Fête du travail, les horaires sont chamboulés et elle risque d'être longtemps à poireauter dans cet abribus. Un monsieur passe l'aspirateur sur son gazon et entame la conversation. Et bien qu'elle soit réticente au début elle finira par se laisser gagner par la candeur de cet homme, pétri de bonté qui comprend absolument combien cette jeune fille crève de solitude. Zoé Tremblay et Igor Ovadis sont parfaits dans cet improbable duo, à la fois amusants dans leurs propos, parfois absurdes et touchants dans ce qu'ils laissent entendre en se racontant des moments de leur vie.

De l'autre côté de la rue, dans le dépanneur de Pétro-Canada, deux jeunes employés doivent passer la moppe, nettoyer la salle de bain, servir les clients et satisfaire aux exigences d'une gérante extrêmement gossante. Tommy Joubert est merveilleusement adéquat dans ce rôle d'employé désireux d'en faire le moins possible tout en demeurant dans les bonnes grâces du management. Guillaume Gauthier, lui, oublie de remplir ses tâches. Il est tétanisé par ce qu'il voit de l'autre côté de la rue : cette jeune fille qui parle avec ce monsieur. Pascale Drevillon, la boss, sert de bannière à tous ces superviseurs d'employés au salaire minimum, petits tyrans, médiocres dictateurs en devenir qui s'arrogent des pouvoirs inexistants afin de se donner de l'importance. La comédienne surjoue cependant et en met un peu trop. J'aurais apprécié un peu plus de subtilité dans son approche puisque de toute façon ses deux subalternes sont complètement à sa merci.

Et puis, il y a cette jeune fille (Zoé Girard-Asselin) avec son hamster qui va à L'Aubainerie lui piquer un porte-clé LOVE. Qui prend un feutre et qui écrit FUCK YOU sur tous les t-shirts où on retrouve ce mot de Love. Qui est en grosse, grosse peine d'amour et dont la parole est remplie d'une beauté et d'une tendresse dont elle ne sait que faire.

Le texte de Marianne Dansereau est admirablement structuré. Elle réunit tous les fils et les entrelacs de ces désespoirs individuels pour projeter sur scène une terrible aliénation dont ne sont même pas conscients les personnages. Elle a le sens de l'image percutante, de la formule irrésistible et de la couleur verbale évocatrice. La présence sur scène de la merveilleuse Lydia Képinski, ajoute et transcende musicalement les moments tristes ou douloureux de cette pièce et la chanson qu'elle nous livre à la fin est tout simplement envoûtante. Mon seul bémol concerne la mise en scène, trop statique et qui laisse bien inutilement, il me semble, dominer la pénombre dans ce spectacle au propos déjà sombre.

Mon seul bémol concerne la mise en scène, trop statique et qui laisse bien inutilement, il me semble, dominer la pénombre dans ce spectacle au propos déjà sombre.

Il arrive dans la vie que des gens cessent de nous aimer et que ça nous fasse de la peine. L'idéal serait de pouvoir congeler son amour pour qu'il dure plus longtemps, pour qu'il ne soit jamais périmé. Marianne Dansereau revisite ce concept en mettant l'accent sur la fragilité d'acier des sentiments, sur les fêlures et la souffrance et sur la résonance universelle de cette douleur que nous ne finirons jamais d'explorer. C'est là la force et la beauté grave de ce Hamster.

Hamster : une Production Le Crachoir en codiffusion avec La Manufacture, à La Licorne jusqu'au 24 mars 2018.

Avril 2018

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