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On s'éclate à la Tohu

Je rends ici hommage aux deux spectacles des finissants de La Tohu. Il y a un sacré travail là-dedans pour prendre ces talents bruts et les guider vers leur réalisation. On sent l'urgence de vivre, le don complet de soi de la part de ces jeunes gens qui se retrouveront bientôt sur d'autres scènes. Drôles ou graves, grâce à leurs mentors, ils se seront approprié ces territoires où ils ont cherché leurs affinités électives en posant les gestes parfaits.
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Avec Pour le meilleur et pour le pire, les finissants de l'École nationale du cirque invitent le public à une noce plutôt échevelée. Tout y est: les cadeaux de mariage, du grille-pain à la bouilloire en passant par la friteuse, déposés en bordure de la scène au début du spectacle, le gâteau de noce, la table où mangent les convives et cette faune hétéroclite qu'on retrouve à une noce. On reconnait sans peine le mononcle fatiguant, les jeunes gens excités et les parents qui essaient de contrôler tout cela, en pure perte d'ailleurs. Et bien sûr il y a les mariés. Tout cela avec comme trame sonore un choix éclectique de musiques dont la plupart, pour mon plus grand bonheur, étaient chères à mon cœur.

C'est là un merveilleux prétexte pour un show de cirque. Et, franchement, le résultat est délirant. Un seul numéro m'a semblé manquer d'unité, il se passe trop de choses en même temps et on perd le fil conducteur. Mais le reste est un splendide chaos organisé où le dernier bastion de bon sens n'a visiblement pu trouver refuge. L'atmosphère est électrique et fantasque, on est ébloui, on rit souvent, on sort de là super content.

Le premier numéro met en vedette Francis Perreault, qui fait des choses proprement époustouflantes avec sa roue Cyr, un accessoire qui semble faire corps avec lui, devenant littéralement un appendice. Le ton est donné et les numéros suivants vont tous être de ce très haut calibre. On va donc réinventer ce qu'on peut faire avec le double mât chinois et ajouter des dimensions nouvelles à l'utilisation de la corde lisse. Et à travers tout cela sur la musique de Où sont les femmes on nous propose un incroyable délire qui mêle la claquette à des performances dignes du Club 281 suivi d'une réinvention de Paroles de Dalida.

On fera aussi un clin d'œil à Carbone 14 en utilisant une longue table à d'autres fins que celles imaginées par son concepteur. Et je m'en voudrais de ne pas mentionner les clowns, la grande asperge Ty Vennewitz et la petite boulotte Olivia Weinstein qui sont hilarants. En fin de spectacle, Kyle Driggs utilisera ses anneaux et un parapluie de façon incongrue, biscornue et saugrenue et Maude Parent donnera un numéro de cerceau aérien rempli d'une grâce sauvage de jeune pouliche. Et nous aurons droit à la nuit de noce en duo trapèze-danse avec Pierre-Antoine Chastang et Morgane Tisserand à qui il manque juste une dose de sensualité pour rendre leur numéro complètement inoubliable.

Le lendemain soir, on remet ça pour La vie en swing . Cette fois-ci le thème est bien différent: la guerre, les usines d'armement, la vie des soldats, celle des jeunes femmes qui les attendent, les bombardements, et les camps sur fond de musique des années quarante, ce swing si entraînant qui devait contribuer à faire oublier un peu ce qui se passait en Europe.

Il y a de belles trouvailles dans ce spectacle, dont le numéro de Maxime Poulin qui tente de séduire les filles en faisant d'incroyables acrobaties sur sa bicyclette et la séance de main à main de Renaldo Williams et Naomie Zimmermann-Pichon qui est à couper le souffle. Jimmy Gonzalez, pour sa part, jongle avec des balles tout en dansant, alliant ainsi deux arts qui vont, ma foi, très bien ensemble. Mais le soir de la première, il y a eu quelques faux pas, des hésitations et une quasi-collision qui m'ont donné à penser que, mise à part la nervosité normale pour les circonstances, le spectacle n'était peut-être pas suffisamment rodé. Et le thème, sombre et à l'occasion lugubre, ne permettait pas à ces finissants de l'École nationale de cirque de s'éclater comme ils l'auraient pu. Beaucoup des numéros souffraient aussi selon moi d'une surabondance de tout: Ô génération Y, il y a tellement de choses qui se passent en même temps qu'on est incapable de se concentrer sur quoi que ce soit et l'impression qui demeure est la confusion. Il est parfois souhaitable de se concentrer sur un seul objet et de laisser au spectateur la possibilité d'en extirper toute la substance.

Je rends ici hommage aux concepteurs et créateurs de ces deux spectacles, il y a un sacré travail là-dedans pour prendre ces talents bruts et les guider vers leur réalisation. On sent l'urgence de vivre, le don complet de soi de la part de ces jeunes gens qui se retrouveront bientôt sur d'autres scènes à gagner leur vie avec leurs cabrioles et leurs pirouettes. Drôles ou graves, grâce à leurs mentors ils se seront approprié ces territoires où ils ont cherché leurs affinités électives en posant les gestes parfaits.

Pour le meilleur et pour le pire et La vie en swing sont présentés en alternance à La Tohu jusqu'au 9 juin 2013.

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