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«En cas de pluie, aucun remboursement»: le pouvoir et la corruption

Simon Boudreault nous force à regarder nos propres turpitudes :démontre que, de la plus petite organisation à la plus grande, le pouvoir est corrompu. Ça ne s'améliore pas, c'est même de plus en plus consternant et nous continuons d'élire les mêmes dirigeants.
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Il y a beaucoup de similitudes entre En cas de pluie, aucun remboursement et As is de Simon Boudreault. Dans les deux cas, on y retrouve une illustration exemplaire du thème de l'étranger dans un lieu clos et dans les deux pièces des personnages issus de classes sociales quelque peu démunies dont les rêves et les ambitions, et également les moyens pour les réaliser, sont plutôt limités. Ça se passe sur la scène du théâtre Jean-Duceppe où Simon Boudreault, qui assure aussi la mise en scène, recrée avec beaucoup d'inventivité les lieux parfois étonnants constituant un parc d'attractions avec des moments complètement fous ou surréalistes. Je pense à cette scène avec les mascottes et à cette autre où deux personnages font un tour de montagnes russes. À voir pour le croire.

As is nous amenait dans l'univers d'un organisme semblable à l'armée du salut en compagnie d'un étudiant en philosophie politique. En cas de pluie... nous entraîne dans le Royaume du super-fun, une espèce de Parc Belmont où se côtoient la plus grande modernité (cellulaires, Facebook, micro-brasseries, etc.) et un certain parfum rétro illustré par la grande roue, les montagnes russes, la barbe à papa et le jeu d'adresse Tape la marmotte. Le roi de ce royaume, Louis LeJuste, joué par un Raymond Bouchard truculent, relève d'un accident cardiaque et voudrait que sa fille, Marie-Jeanne (Catherine Paquin Béchard, pas toujours constante dans son rôle mais prometteuse) prenne la relève et la direction de cette entreprise qui est l'œuvre de sa vie. Sauf que cette fille est complètement nulle dans le domaine de la gestion et que certains des employés louvoient plus ou moins ouvertement pour se retrouver calife à la place du calife. Parmi eux, François, (Sébastien Gauthier) le bellâtre responsable du parc aquatique et Charlotte (Louise Cardinal) grande spécialiste des montagnes russes. Henri Le Bègue (Jocelyn Blanchard), le nono de service, sera le paillasson sur lequel on s'essuie les pieds et Lucille (Mélanie Saint-Laurent) une observatrice de toutes ces dérives. Tous ces comédiens excellent dans leur rôle. Le seul reproche que j'ai est à propos de l'acoustique de la salle. D'où j'étais assise j'ai perdu un certain nombre de répliques et c'est un problème récurrent avec ce théâtre.

Entre en scène Le Bossu : un Lucien Bergeron absolument étonnant affublé d'une coupe de cheveux rappelant Quasimodo, avec une dégaine évoquant Richard III et en se moquant du quatrième mur comme Frank Underwwod dans House of cards. Et avec des propos rappelant aussi ce personnage, car il s'agit ici d'une histoire de pouvoir, de corruption et de machinations. Le résultat est jouissif, à la fois délirant et déprimant à travers la peinture que nous brosse Simon Boudreault de cet univers cheap peuplé de gens sans envergure qui ne visent pas le bien commun mais leur petit avancement personnel. L'habileté de l'auteur réside dans cette façon qu'il a de raconter une histoire vieille comme le monde, connue pour sa brutalité, racontée dans la Bible, traitée par Homère, reprise par Shakespeare et combien d'autres et de susciter encore notre indignation.

Que l'on travaille chez Bombardier, dans un hôpital, pour une Commission scolaire ou un parc d'attractions, il existe une hiérarchie. Dans En cas de pluie, aucun remboursement c'est le préposé au parking, un job réservé aux nerds à lunettes considérés comme la lie de la terre. Au sommet, sous les ordres directs du Roi, les capitaines des différentes équipes travaillant sur le site. Mais l'arrivée inopinée de ce Bossu va bouleverser l'ordre établi et remettre en question cette course au pouvoir un peu prévisible qui se dessinait. Le Bossu, à l'image de ces dirigeants dont les comportements rappellent ceux des psychopathes, va mettre en branle une série de machinations plus surprenantes les unes que les autres afin de se saisir de ce pouvoir tant convoité. Il n'hésitera devant rien, manipulant tout le monde, broyant les destins jusqu'à son triomphe final, mais se moquant aussi des spectateurs à plusieurs reprises avec une ultime pirouette afin que nous conservions, quand même un peu, le désir de vivre. Car Simon Boudreault nous amène quelque part, nous y croyons, et puis il nous montre les ficelles qui animent cet autre mensonge, nous déstabilisant encore davantage.

Cet auteur nous force à regarder nos propres turpitudes : En cas de pluie... démontre que, de la plus petite organisation à la plus grande, le pouvoir est corrompu. Ça ne s'améliore pas, c'est même de plus en plus consternant et nous continuons d'élire les mêmes dirigeants. Et ce n'est pas gratuit que dans la pièce le temps soit scandé de façon très concrète, avec des dates et des heures, pour nous faire prendre conscience, je crois, de notre existence qui s'écoule et de l'énergie que nous perdons à courir à la poursuite de choses complètement inutiles. Et du fait qu'il est peut-être déjà trop tard.

En cas de pluie, aucun remboursement : Une création du Petit Théâtre du Nord, au Théâtre Jean-Duceppe jusqu'au 15 octobre 2016.

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