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Edgar et ses fantômes, mais sans se prendre au sérieux

Le but de ce spectacle, qui a connu et connaît toujours une immense popularité, est de mettre le classique à la portée de tous. C'est justement dans cette idée de démocratisation de la culture que le bât m'a blessée.
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En sortant de voir Edgar et ses fantômes ma complice de ce soir-là me dit d'un ton docte : «Edgar Fruitier est à la musique ce que Jeannette Bertrand est à la vie.» Ben, c'est à peu près ça.

Ne vous méprenez pas. J'éprouve beaucoup de respect et d'admiration pour Edgar Fruitier, dont je me souviens très bien lorsqu'il incarnait le personnage de Loup-Garou dans La Boîte à surprise. Ce qui ne rajeunit personne, j'en conviens. J'ai aussi souvenir de lui lorsqu'il faisait des critiques de musique rock et heavy métal à Télé-Québec, dans les années 80 je crois, et c'était complètement hilarant. Et bien sûr il est toujours connu et reconnu pour son incroyable culture musicale et sa vaste collection de CDs. Edgar Fruitier est un monument et je lui rends ici un hommage bien senti.

Le but de ce spectacle, qui a connu et connaît toujours une immense popularité, est de mettre le classique à la portée de tous. Edgar est dans son salon et écoute de la musique. Surgi de nulle part, un des personnages de La flûte enchantée apparaît et après quelques pirouettes ouvre un rideau qui cachait un orchestre quasi-symphonique. Il va aussi laisser derrière lui une boule de cristal qui contient toute l'histoire universelle. Et une flûte qui permet à Edgar de faire venir du passé Bach (Vincent Bilodeau), Mozart (André Robitaille) et Beethoven (Sylvain Massé). L'orchestre, dirigé par le très charmant et efficace Jean-Pascal Hamelin, va illustrer la musique de ces monuments qui vivent maintenant sous nos yeux, le tout émaillé de dialogues où l'humour le dispute à la candeur, dialogues qui distillent de l'information sur la musique et la vie des trois immortels.

C'est justement dans cette idée de démocratisation de la culture que le bât m'a blessée. La musique qui est jouée est archiconnue, la Quarantième symphonie de Mozart, la Cinquième symphonie de Beethoven, Jésus que ma joie demeure de Bach, et tant d'autres qui ont servi, libres de tout droit, pour des pubs en tout genre et comme paysage sonore pour des films de Disney. Peut-être aurait-on pu s'aventurer sur des terres moins familières et permettre de véritables découvertes...Simon Preston qui interprète une toccata et fugue de Bach, disons. Mais le principal reproche que je ferais c'est de ne pas aborder le processus de création, de ne pas poser la grave et importante question de la nécessité de créer, de ne pas demander aux musiciens où ils allaient chercher tout ça. La seule allusion qui s'en rapprocherait est une phrase d'Edgar qui dit que les grands chagrins, pour les créateurs, sont souvent source d'inspiration. Le génie doit, en effet, être nourri par quelque chose, préférablement le désespoir.

Les comédiens qui incarnent ces géants sont parfaits : ils rendent très bien l'idée que l'on se fait de Bach, bon père de famille un peu bourru, de Mozart, virtuose et hyperactif, de Beethoven, hargneux, pessimiste et malheureux, traits de caractère qui se retrouvent dans leur musique. À travers tout cela, Edgar est plein de flegme et d'ahurissement tranquille, on dirait que tout lui semble naturel et qu'en même temps, il n'en revient pas. Et le fait que l'orchestre soit sur scène et qu'ils jouent, dans tous les sens du mot, permet de sortir de l'ombre des musiciens généralement relégués dans la fosse. Ça se gâte cependant au deuxième acte lorsqu'apparaît Erik Satie (Jean Marchand). Il y a une rupture de ton manifeste et je me suis questionnée sur ce choix de Satie pour incarner l'évolution de la musique au 20e siècle. J'aime beaucoup Satie mais il demeure mineur dans le firmament musical. Pourquoi pas Ravel? Ou Bizet?

Normand Chaurette, qui a écrit le texte, est - je le sais - capable de beaucoup plus. Il y a un petit commentaire social ici et là, sur le pétrole et les loteries qui subventionnent la culture par exemple, mais ça ne va pas vraiment plus loin. C'est bien sûr plein de fraîcheur et cette incursion dans l'imaginaire et le rêve rappelle beaucoup les contes pour enfants, les fables, le merveilleux. Le but pédagogique est évident et je crois, qu'adapté avec des moyens plus modestes, Edgar et ses fantômes devrait être présenté dans toutes les écoles primaires de la province, remplaçant ainsi avec bonheur les défuntes Jeunesse musicales du Canada.

Somme toute, à condition de ne pas désirer davantage, Edgar et ses fantômes est très bien et le public était visiblement ravi et conquis. C'est fait sans se prendre au sérieux, il faut y assister dans le même état d'esprit.

Edgar et ses fantômes sont à la Place des arts les 17, 18 et 19 avril 2014.

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