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«Des promesses, des promesses» tenues

est une excellente pièce, admirablement jouée et mise en scène, qui nous rappelle, entre autres choses, que la plus belle des ces promesses, c'est l'engagement face aux enfants de les amener vers la connaissance et le savoir et d'ainsi déjouer l'obscurantisme.
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Des promesses, des promesses, la pièce du dramaturge écossais Douglas Maxwell présentée à La Licorne, explore les arcanes les plus âpres et les plus prenantes de l'expérience humaine. De cette enseignante sévère mais dévouée qui ne peut plus fonctionner sans la béquille de l'alcool à cette petite fille somalienne qu'on lui amène et qui subira un douteux et pénible rituel devant toute la classe, un lien étroit existe et c'est ce que ce texte très fort traduit de main de maître par Maryse Warda et livré avec panache et aplomb par Micheline Bernard nous fera découvrir.

Micheline Bernard porte sur ses épaules toute cette production. Elle incarne cette mademoiselle Brodie, une enseignante vieillissante et j'ai aimé les références dans le texte au roman de Muriel Spark, The prime of miss Jean Brodie dont on a tiré un film en 1969 mettant en vedette une jeune Maggie Smith. Et cette femme, dont le moins qu'on puisse dire c'est qu'elle n'a pas la langue dans sa poche, méprise et juge, tout en sachant très bien qu'elle est elle-même méprisée et jugée. Elle dit des choses énormes, elle clame qu'elle porte sa sexualité comme un étui de revolver et qu'elle rêve d'être Montgomery Clift dans un western, elle s'insurge parce qu'on a dépensé une grosse somme pour des ordinateurs portables plutôt que d'acheter des livres et elle ne porte que des souliers rouges. Et puis, paradoxalement, mais peut-être pas tant que ça après tout, elle prône le décorum, se plie aux contraintes des institutions et fonctionne selon des conventions qui peuvent sembler désuètes. Et avec la proximité de la salle de La Licorne, on saisit toutes ses expressions, tous ses regards obliques, tous ses rictus, toute la rébellion et la révolte qui habitent le cœur de cette femme.

Mademoiselle Brodie est ce qu'on appellerait une femme difficile. Mais c'est à cause de la flamme qui l'habite et de sa passion pour son travail. Elle vibre lorsqu'elle dit qu'enseigner c'est se montrer à la hauteur d'une promesse. Et pour paraphraser Henry de Montherlant dans Le maître de Santiago, elle désire plus que tout que ces enfants dans la classe devant elle respirent à la hauteur ou elle respire. Lorsque surgit cette petite Rosie, cette petite somalienne, c'est devant un miroir que mademoiselle Brodie se retrouve, miroir douloureux qui fera surgir des souvenirs enfouis depuis très longtemps. Cette fillette avec personne dedans va réveiller chez l'enseignante des émotions et une combativité endormies depuis longtemps.

Et Rosie? Elle n'est pas là physiquement et pourtant sa présence est palpable tout au long de la pièce, grâce à la mise en scène impeccable de Denis Bernard et dans le décor minimaliste et totalement plausible de Marc Sénécal. Micheline Bernard nous fait sentir le regard de cette fillette, son silence qui en dit plus que bien des discours, sa souffrance et son angoisse qui ne seront jamais totalement apaisées. Et les deux, la femme et la petite fille, possèdent la lucidité de ces personnages qui ont été privés de leur enfance.

Avec des gestes, des expressions, des modulations de sa voix (aaaah! Le pouvoir de la voix..), la comédienne nous entraîne à sa suite dans les sphères de l'espoir, du regret, de l'attente, des souvenirs indicibles à travers ce texte à la fois intime et factuel. Grâce à son immense talent, elle devient l'émissaire du dramaturge. Occupant tout l'espace, elle exprime la puissance et le pouvoir des femmes, la possibilité du recours à la violence pour tenter de se débarrasser de tous ces démons.

Cette pièce appartient à Micheline Bernard et c'est l'occasion pour cette talentueuse comédienne de nous montrer de quoi elle est capable: entre autres d'installer dans nos têtes la conscience de ces blessures tristes et terrifiantes qui sont le lot de bien des femmes et de bien des petites filles. Des promesses, des promesses est une excellente pièce, admirablement jouée et mise en scène, qui nous rappelle, entre autres choses, que la plus belle des ces promesses, c'est l'engagement face aux enfants de les amener vers la connaissance et le savoir et d'ainsi déjouer l'obscurantisme.

Des promesses, des promesses : Une production La manufacture, à La Licorne jusqu'au 19 novembre 2016.

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