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«Des arbres»: doit-on encore faire des bébés?

du dramaturge anglais Duncan Macmillan est une œuvre originale où deux personnages, sans décor, sans accessoires et sans changements de scènes vont vivre devant nous toute une existence.
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D'abord les fleurs: Des arbres du dramaturge anglais Duncan Macmillan est une œuvre originale où deux personnages, sans décor, sans accessoires et sans changements de scènes vont vivre devant nous toute une existence.

Ce couple connaît des hauts et des bas, traverse des tempêtes, discute, se chamaille, s'aime, prend des décisions bref, la vie quoi. C'est avec les répliques du texte, et c'est écrit de façon fort astucieuse, que le spectateur suit cette évolution, ces sauts dans le temps, ces changements de lieux ou de paysages physiques ou émotifs. Il s'agit là d'une écriture qui n'emprisonne pas les personnages, qui les remet plutôt en liberté.

Les deux comédiens, Sophie Cadieux et Maxime Denommée sont admirables et admirablement dirigés par Benoît Vermeulen et les éclairages d'André Rioux, le seul artifice de ce texte qui est livré sans aucune autre fioriture, sont parfaits. La traduction de Benjamin Pradet est indécelable, le signe d'une réussite.

Des arbres raconte l'histoire de ce couple qui hésite à avoir un enfant pour toutes sortes de raisons, principalement semble-t-il, écologistes et environnementales. Ils en discutent en long et en large, se demandant s'ils sont de bonnes personnes, s'ils prennent la bonne décision, s'interrogeant sur ce qui arriverait si tous les gens éduqués et sensés de la planète décidaient de ne plus faire d'enfants. Elle termine un doctorat dont la teneur n'est jamais précisée, lui travaille dans un magasin de musique et va éventuellement trouver un emploi payant avec une importante compagnie.

Je n'ai pas vraiment trouvé que la pièce était traversée uniquement par ce désir ou non de bébé. C'est d'abord et avant tout l'histoire d'un couple. Le titre anglais de la pièce qui est Lungs (Poumons) me semble davantage refléter l'esprit du texte: cette respiration, ce besoin d'espace pour justement être confortable à l'intérieur de ce voyage à deux qui autrement risque de nous étouffer.

Maintenant le pot: le personnage féminin est un composite de tous les clichés qu'on peut entretenir sur les femmes dans la littérature et ailleurs depuis les débuts de l'Histoire de l'humanité. Elle est hystérique, contrôlante, super-fatigante, elle crie, elle a toujours les hormones dans le plafond ou au trente-sixième dessous, elle ne laisse jamais parler son compagnon, c'est une harpie avec des prétentions intellectuelles (elle termine et obtient un doctorat, mais elle ne semble jamais rien faire avec toute cette accumulation de connaissances, par exemple, se trouver un emploi), mais ne se prive pas de sur-analyser tout, de juger et de prêter des intentions à tous ceux qui l'entourent.

J'ai vu la pièce le 8 mars, et pour la Journée des Femmes, disons que ça ne m'a pas enchantée d'avoir devant moi ce personnage féminin antipathique que j'ai trouvé exaspérant d'un bout à l'autre. Elle est la quintessence de Souvent femme varie, bien fol qui s'y fie et je suis désolée de voir que Duncan Macmillan n'a pas vu d'évolution chez les femmes depuis la Renaissance.

Lui est un gentil loser (du moins au début) musicien qui perd son temps à travailler dans un magasin de disques vinyle. Il a de la difficulté à faire valoir son point de vue ou ses idées à côté de cette mégère qui partage sa vie et qui ne lui laisse pas placer un mot. Il demeure son roc, son point d'ancrage, mais, vraiment, je me suis demandé pourquoi ce type si sympathique et ouvert l'aimait, qu'est-ce qu'il trouvait pour son compte dans ce couple où la femme prend toute la place et pique crise après crise. Pour moi c'est un grand mystère.

Donc, un texte intéressant et surprenant avec un personnage de femme insupportable qui ne m'a aucunement gagné à sa cause. J'imagine que c'est une pièce qui doit plaire à certains hommes puisque cela doit les conforter dans l'image qu'ils se font des femmes en éternelles chipies.

Mais pour moi, féministe (eh oui) depuis si longtemps, cela m'a décontenancée. Je trouve ahurissant qu'au 21e siècle un dramaturge dans la trentaine entretienne encore cette image éculée de la féminité. Ici la forme l'a emporté sur le fond, et par fond j'entends l'humanité qui aurait pu faire de ce personnage de femme quelque chose de bien plus grand et de bien plus attachant qu'elle ne l'est sous la plume de Duncan Macmillan.

Des arbres, une production du Théâtre de la Manufacture, à La Licorne jusqu'au 15 avril 2016. Supplémentaires du 20 au 23 avril.

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