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Théâtre: Danse de mort

Pour dire la vérité, s'il y avait eu un entracte lors de cette pièce, je serais partie. Et j'aurais manqué les dernières cinq minutes du spectacle où se joue une sorte de rachat, tant pour les personnages que pour les spectateurs et ce moment-là vaut vraiment la peine.
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Pour dire la vérité, s'il y avait eu un entracte lors de cette pièce, je serais partie. Et j'aurais manqué les dernières cinq minutes du spectacle où se joue une sorte de rachat, tant pour les personnages que pour les spectateurs et ce moment-là vaut vraiment la peine.

Sauf qu'il faut se taper ce qui précède, ce qui risque de ne pas être au goût de tout le monde.

Strinberg n'est pas l'auteur le plus facile qui soit. Influencé par Émile Zola et appartenant comme son modèle à l'école naturaliste, Strinberg écrit un théâtre où les thèmes de la lutte des classes et des luttes de pouvoir dominent mais où les interactions entre les personnages remplacent l'histoire ou l'anecdote. Ce sont eux le nœud de la narration, leurs dialogues sont le ressort dramatique et cela donne lieu à des joutes oratoires qui, si elles sont de haut niveau, ne risquent pas moins de dérouter le spectateur. Car il s'agit de dialogues exigeants, ponctués de morceaux de bravoure qui doivent faire le bonheur des comédiens mais qui peuvent sembler rébarbatifs au commun des mortels.

Crédit photo: Matthew Fournier

Un couple qui se déteste, Alice (Danielle Proulx) et Edgar (Denis Gravereaux) se déchirent et se font des reproches sans fin dans cette Danse de mort, aidé en cela si l'on peut dire par Kurt (Paul Ahmarani), celui grâce à qui ils se sont rencontrés et mariés vingt-cinq ans auparavant. Les trois comédiens sont extraordinaires, qu'on se le dise. Ils se lancent des invectives de façon fort convaincante et il y a là-dedans une vision noire du couple qui tourne rapidement au cauchemar. Mais il y a aussi un sous-texte où on décèle une misogynie rampante de la part de l'auteur : le mari est excusé, justifié presque de ses manquements, on lui reconnaît les qualités de ses défauts, de la noblesse dans les sentiments alors que sa femme ne jouit d'aucun échappatoire, apparaissant au contraire comme la harpie qui contamine tout ce qu'il y a de bon chez l'homme qui partage sa vie.

La pièce date du début du XXème siècle. On s'attendrait à la voir jouée dans un salon victorien ou l'équivalent de ce qu'on trouvait en Suède à l'époque. La mise en scène de Gregory Hlady m'a laissé perplexe. Le texte est réaliste, on s'entend. La mise en scène joue plutôt du côté du surréalisme. Stylisée à l'excès avec un décor aux accents futuristes elle semble complètement déconnectée du propos et le contraste donne une impression d'étrangeté qui n'est pas sans provoquer un certain malaise.

Ce qui m'a également frappé dans la pièce ce sont les ressemblances avec Huis-clos de Jean-Paul Sartre. Trois personnages, de nombreuses références à l'enfer qui se révèle bel et bien être les autres, ces reproches stériles qui ne cessent jamais et le dernier mot de la pièce : Continuons.

Bref, je me suis encore posée des questions sur la pertinence de mettre en scène des textes comme celui-là. C'est un bonheur de voir des comédiens de ce calibre sur scène mais j'avoue ne jamais avoir été touchée, n'avoir jamais ressenti l'ombre d'une émotion devant cet étalage d'accusations et de griefs qui ne peut faire autrement que de lasser après une heure 55 minutes. Ingmar Bergman, qui a été influencé par Strinberg d'ailleurs, a procédé je crois à une meilleure radiographie du couple. Ici, ce même couple est une glu mortifère envers qui, hélas, je n'ai éprouvé aucune sympathie.

Danse de mort , une production du groupe La Veillée, est présentée au théâtre Prospero jusqu'au 15 décembre 2012

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