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Cuisiner avec Elvis: de quoi se mettre sous la dent

Dans, le dramaturge Lee Hall démontre une sensibilité face au destin souvent dramatique de gens ordinaires, un peu paumés, aux prises avec des problèmes démesurés en face desquels ils se retrouvent plus souvent qu'autrement démunis.
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L'auteur de Cuisiner avec Elvis, Lee Hall, est aussi le dramaturge derrière le succès planétaire Billy Elliot que j'ai vu au cinéma et en comédie musicale. Cuisiner avec Elvis traite de thèmes complètement différents, quoique Lee Hall démontre la même sensibilité face au destin souvent dramatique de gens ordinaires, un peu paumés, aux prises avec des problèmes démesurés en face desquels ils se retrouvent plus souvent qu'autrement démunis.

Nous découvrons donc une mère et sa fille Gillian qui s'occupent du père et mari, James, tétraplégique depuis deux ans à la suite d'un accident. Dans sa vie d'avant, il incarnait Elvis. Sa femme et sa fille s'en occupent, enfin, surtout la fille alors que la mère amène des amants à la maison tout en professant une obsession malsaine envers la nourriture. Elle ne mange pas, mais elle boit par exemple, et traite sa fille d'obèse. Il y a aussi une tortue, Stanley. Peu à peu on découvre la dynamique familiale de ce trio dysfonctionnel où les sentiments ne s'expriment pas, ou alors de façon complètement inadéquate.

Cette mère (Sandrine Bisson, toujours fabuleuse) qui croit sincèrement que sa vie n'est pas finie à 38 ans, invite un jeune pâtissier, Stuart (Frédéric Lemay, qui joue parfaitement ce doux crétin), à emménager avec eux. D'ailleurs, pâtissier est un bien grand mot pour le travail que Stuart fait dans une usine où on produit des gâteaux de façon industrielle. Gillian (Catherine Leblond, absolument plausible en adolescente brillante, mais sans repères) souligne que jamais Stuart ne va remporter de prix Nobel, mais c'est évidemment pour d'autres raisons que son intelligence très limitée qu'il se retrouve au sein de ce bizarre trio. James, le père (Stéphane Jacques) pour sa part se révèle infiniment surprenant dans ce double rôle d'homme confiné à une chaise roulante avec tout le charisme d'une légumineuse, qui redevient l'Elvis survolté de sa vie antérieure avec costumes, perruque et chansons. Tout cela est bien divertissant.

Mais il y a plus. Lors des incarnations d'Elvis, le discours devient celui d'une Amérique qui est aussi à la recherche de repères. Elvis se transforme en un gourou dangereux dont la religion se matérialise dans les hamburgers et le Coke, qui livre une sagesse de 5-10-15 où il fustige la drogue, les hippies et les sodomites, tous responsables de la décadence de l'Amérique. S'il avait vécu, Elvis Presley aurait facilement pu être récupéré par le Tea Party et devenir leur porte-étendard.

La mise en scène de Philippe Lambert va dans le sens du vent de folie qui habite ce texte. C'est délirant par bouts, cru dans les scènes impliquant la sexualité, ravageur lorsqu'on est mis en face de la solitude vécue par la jeune Gillian et comique comme tout lorsqu'Elvis fait son show. Mais au-delà de tout cela, il y a aussi une dénonciation des messages d'espoir cucul et des cours de croissance personnelle. Non, notre monde n'est pas qu'amour et lumière. Tout ne va pas s'arranger grâce à la pensée positive et parce qu'on a lu The secret. ll n'y a que des gens, la plupart ordinaires, qui cherchent en peu de vérité et des petits bouts de bonheur. Et qui, à travers tout cela, se trompent, disent les mauvaises choses et font des tas de conneries. La merveille ici c'est que Lee Hall nous dit tout cela en ayant l'air de ne pas y toucher. Presque par accident, dirait-on.

Et la tortue? Il lui arrive un malheur, mais soyez rassurés, aucun animal n'a été maltraité lors de cette production.

Cuisiner avec Elvis : une production Urbi et Orbi en collaboration avec La Manufacture, au théâtre La Licorne jusqu'au 8 mai 2015.

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