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«Comment je suis devenu Musulman»: l'art de se convertir, mais pas vraiment

On rit beaucoup devant Comment je suis devenu Musulman ce qui n'exclut pas des moments de tendresse et de réflexion.
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Patrick Lamarche

On reconnaît toute de suite la touche unique de Simon Boudreault lors de la représentation de Comment je suis devenu Musulman à La Licorne. Tout comme pour As is et En cas de pluie, aucun remboursement on retrouve dans son écriture cette appropriation du sitcom, de la scène courte, vignette ou tableau, servant à nous faire pénétrer un univers. Encore ici, ça fonctionne très bien. On rit beaucoup devant Comment je suis devenu Musulman ce qui n'exclut pas des moments de tendresse et de réflexion.

La mise en scène fluide de Simon Boudreault et la scénographie versatile de Richard Lacroix sont au service de cette histoire autobiographique, où Jeff, jeune homme bien de sa personne interprété avec justesse et ce qu'il faut de candeur et de lucidité par Benoît Drouin-Germain, apprend qu'il sera papa avec sa blonde marocaine (Sounia Balha, qui n'est évidemment pas blonde) et que les parents de cette dernière (Nabila Ben Youssef et Manuel Tadros), relativement tolérants devant la cohabitation de deux jeunes gens, mais beaucoup moins lorsqu'un enfant entre dans le décor, insistent très, très fortement pour qu'ils se marient. Lors d'une cérémonie musulmane, il va sans dire, ce qui implique la conversion de Jeff.

Les parents de Jeff (Marie Michaud et Michel Laperrière) sont divorcés depuis pratiquement toujours. Les deux familles vont se rencontrer avec ce que cela comporte d'incompréhension mutuelle, mais aussi d'efforts de part et d'autre, de petits bouts de chemin qui s'accomplissent afin d'unir les destinées de leurs enfants dans une relative harmonie. Se mêle à tout cela le cancer dont souffre la mère de Jeff. Et ici Marie Michaud grâce à son immense talent sait nous émouvoir sans jamais tomber dans le pathos. Un peu à l'image des enjeux de la pièce, il y a un goût doux-amer qui ressort de ces péripéties parfois humoristiques et parfois tristes qui se déroulent devant nous.

Un peu à l'image des enjeux de la pièce, il y a un goût doux-amer qui ressort de ces péripéties parfois humoristiques et parfois tristes qui se déroulent devant nous.

Je parlais de vignettes, il y a un très révélateur quiz «Connaissez-vous votre religion» qui est non seulement follement drôle, mais aussi terriblement instructif et un passage sur le Frère André complètement désopilant. Les échanges entre les parents musulmans et leur fille est une leçon dans l'art d'instiller la culpabilité très, très subtilement, mais j'ai souvenir que le catholicisme tire bien aussi son épingle du jeu dans ce domaine. La rencontre avec l'Imam de la rue Bellechasse est un morceau d'anthologie sur l'art de dire les vraies affaires et il y a également des discussions sur l'utilité de se convertir à une religion qui n'a pas très bonne presse ces temps-ci. Mais grâce à quelques repères historiques intégrés à la pièce, on se rend bien compte que les talibans n'ont pas le monopole du massacre au nom de la croyance.

Les comédiens sont très bons et jouent tous dans un registre très étendu qui leur demande d'endosser divers personnages, ce qu'ils font avec brio. Chapeau à Manuel Tadros qui, de père à Imam en passant par un vendeur de robes de mariées plus gai que gai excelle dans tout. C'est lui qui nous fera le plus réfléchir en disant que lorsqu'il retourne au Maroc, il n'est plus chez lui et qu'ici il sera toujours un étranger. Ce qui demeure important pour lui ce sont les rituels, à peu près tous évacués dans notre société, des rituels qui contribuent à forger l'identité et à ne pas oublier d'où l'on vient. Il y a quelques leçons à prendre là-dedans, je trouve.

Ce sont des familles de fous, contrariants, fatigants, exaspérants, aimants, comme toutes les familles. Mais j'ai particulièrement apprécié que le texte ne tombe jamais dans le piège de la morale ou de la pédagogie. De plus, Simon Boudreault a cette facilité de définir ses personnages colorés en quelques répliques et de leur donner une épaisseur psychologique dans laquelle on croit immédiatement. C'est un merveilleux conteur d'histoires qui sait allier la mélancolie à la fantaisie. Le résultat est infiniment aimable et tout à fait irrésistible.

Comment je suis devenu Musulman : Une production Simoniaque Théâtre et La Manufacture, à La Licorne jusqu'au 21 avril 2018.

Avril 2018

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