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Collection printemps-été: de grandes comédiennes et de grands textes

Rarement sensibilité masculine a été davantage mise à profit que dans ce qui en résulte : un spectacle plein d'humour, d'émotion et de découvertes où de charismatiques charmeuses de serpents se font ambassadrices de contrées pas si lointaines.
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Ce fut un moment de grand bonheur que d'assister à cette Collection printemps-été à l'Espace libre. Christian Vézina, au collage des textes et à la mise en scène, nous invite à un voyage au cœur de la parole des femmes. Et rarement sensibilité masculine a été davantage mise à profit que dans ce qui en résulte : un spectacle plein d'humour, d'émotion et de découvertes où de charismatiques charmeuses de serpents se font ambassadrices de contrées pas si lointaines.

Le choix des textes est parfait : de Joyce Mansour à Ananda Devi, en passant par Hélène Monette, Marie Étienne et Brigitte Fontaine, il y en a pour tous les goûts et il se dégage de l'ensemble une constante unité. Seule la collection de Suzanne Jacob brise un peu l'effet global. On parle ici d'une poésie plus cérébrale, à l'abstraction sensible, plus hermétique. Mais rien ici pour casser le rythme de ces performances où des comédiennes complètement investies nous font pénétrer en leur compagnie dans ces univers, différents certes, mais qui se recoupent tous.

Toute la place est donnée à ces voix de femmes, trop souvent occultées dans l'Histoire de la civilisation. Les thèmes sont universellement les mêmes : la domesticité, le corps et la vision de l'autre, la vie quotidienne et surmenée, la rupture amoureuse, la maternité, l'homme et l'amour. Est-il possible d'exister sans le regard masculin? La femme demeure une passagère clandestine à la merci de tous les dangers.

Ce sont des histoires de femmes, on parle de Collections comme dans la mode, il y a donc des robes. Les trois comédiennes vont en changer fréquemment et leur conférer le rôle d'accessoire principal. Les robes devenant ainsi parties prenantes du discours. Certaines spectaculaires, d'autres rigolotes ou encore toutes simples, démontrant de cette façon le rôle de la séduction et de l'apparence dans les rapports de toute nature qu'entretiennent les femmes avec ce qui les entoure. Et les trois comédiennes semblent y prendre beaucoup de bonheur. Danielle Proulx, Salomé Corbo et Elkahna Talbi sont tour à tour souveraines, hiératiques ou grandioses ou encore jouent de la simplicité en pantoufles de phentex et robes de chambre informes. Qui vont d'ailleurs se transformer en oripeaux flamboyants pour la suite des choses. Danielle Proulx et Salomé Corbo donnent ici la pleine mesure de leur considérable talent. Elles sentent chaque mot, chaque phrase, elles nous émeuvent et nous font rire, elles ne nous lâchent pas une seconde dans cette magnifique intensité où je me suis engloutie, ne voyant pas le temps passer et en redemandant encore. L'apport de la musicienne Marie-Sophie Picard est également à souligner. Accessoiriste masquée et muselée, symbole d'une condition féminine qui perdure toujours, elle laissera tomber masque et muselière, refusant ainsi de n'être qu'une note en bas de page dans un livre écrit par d'autres.

Je suis sortie bouleversée de ce spectacle, à cause des mots d'Ananda Devi qui parle du trafic des femmes, ce dernier poème à la gloire de celles qui ne possèdent plus leur corps. La puissance de ce texte, d'une foudroyante, cruelle et insoutenable beauté, m'a jetée par terre. Il y a là-dedans tout le poids du silence et de la bêtise de l'Histoire et même si la voix est menue, elle se révèle d'une importance capitale. Je suis infiniment reconnaissante à Christian Vézina de m'avoir fait découvrir cette parole unique.

Quelquefois, il fait si beau que tout est pardonné. Cette phrase revient à quelques reprises à la fin de Collection printemps-été. Laissez-moi vous dire qu'il fait beau à l'Espace libre. Trois grandes comédiennes nous convoquent pour l'apprécier, même si parfois la vie est insoutenable pour la moitié de l'humanité.

Collection printemps-été : Une production du NTE, à l'Espace libre jusqu'au 11 avril 2015

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