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Les deux bords de la Clôture de l'amour

Comme l'écrivait la romancière anglaise Kate Atkinson, les sujets des romans ou des pièces de théâtre s'avèrent immuablement être l'amour, la guerre ou l'argent. Et parfois une baleine., présenté au Théâtre de Quat'Sous, ne déroge pas à ce canevas.
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Comme l'écrivait la romancière anglaise Kate Atkinson, les sujets des romans ou des pièces de théâtre s'avèrent immuablement être l'amour, la guerre ou l'argent. Et parfois une baleine. Clôture de l'amour, présenté au Théâtre de Quat'Sous, ne déroge pas à ce canevas. C'est l'autopsie d'une relation entre un homme et une femme où se mélangent l'amour, la guerre et l'argent. Et il n'y pas de baleine.

Il s'agit d'un texte de Pascal Rambert, un dramaturge et metteur en scène français, qui a été joué pour la première fois au Festival d'Avignon en 2011. Pendant deux heures, à tour de rôle, un homme et une femme vont faire état de leur couple. Le coup d'envoi est donné par le mari, Stan, qui annonce sans ménagement à Audrey, sa femme, qu'il la quitte. Au cours de l'heure que dure son monologue, Stan va justifier sa décision et énumérer tout ce qu'il reproche à Audrey. Mais le grief le plus important, c'est qu'il la tient responsable de son incapacité à lui de pouvoir continuer à l'aimer.

Le problème avec cette première partie c'est qu'elle donne une impression de redites très rapidement. Christian Bégin, avec ses cheveux mi-longs et son foulard autour du cou, est parfaitement exaspérant et triture chaque détail de la relation avec un luxe de détails et un vocabulaire intello qui, à la longue, sont parfaitement insupportables. Pascal Rambert ne donne pas le beau rôle au mâle dans sa pièce. Il le dépeint appartenant à cette race des gens qui croient savoir ce qui se passe dans la tête et le cœur de la personne en face d'eux. Ce qui lui confère, pense-t-il, la science infuse et la prérogative d'analyser chaque geste et chaque parole avant d'en proposer une interprétation qui, quoique hautement spéculative, semble pourtant le satisfaire. Ajoutez à cela un côté mesquin qui se révèle dans la dernière partie du monologue où il proclame vouloir la garde des enfants en plus de s'arroger une chaise à broderies roses ainsi qu'un petit dessin du XVIIIe d'une tête d'enfant et vous avez là tous les ingrédients pour une médiation longue et douloureuse.

Pendant tout ce temps, Audrey (Maude Guérin) écoute et réagit sans dire un mot avec ses yeux, son visage et son corps, tout en demeurant stoïque. Et lorsqu'elle prend la parole à son tour, éclatante de fiel et de colère, ce sera pour mettre en pièces de façon systématique le discours que Stan vient de tenir. Franchement, c'est jouissif.

Maude Guérin est sensationnelle dans ce rôle. Elle donne à Audrey une substance et une sensibilité qui nous font nous questionner sur le choix qu'elle a fait de ce conjoint qui se révèle, somme toute, médiocre. Elle règne en souveraine dans son discours et nous livre une performance que je n'oublierai pas de sitôt. Mais il y a aussi le fait que même silencieuse au cours de la première heure, elle assume une puissante présence qui attire le regard du spectateur. Au contraire de Christian Bégin qui réagit, dirait-on, avec embarras, loin d'être convaincant en protagoniste qui, à son tour, prête l'oreille. J'ai eu l'impression qu'il s'est dit: «Bon j'ai fait ce que j'avais à faire, maintenant je pense à autre chose, tiens je vais préparer ma liste de cadeaux de Noël». En fait, médusée que j'étais par Maude Guérin, j'en suis venue à oublier complètement qu'il était toujours là.

Clôture de l'amour confirme, je suis ravie de le dire, le talent considérable de Maude Guérin. Que ce soit en Sainte Carmen, en Maud Graham ou dans cette récente incarnation, cette comédienne nous tétanise avec son visage et sa voix pour nous faire connaître une Audrey attachante et bien armée pour remettre sur pied un monde sur le point de s'écrouler. Je ne sais pas si l'intention de l'auteur était aussi tranchée au départ mais ce qui ressort de ces deux discours, c'est que Stan est un con fini alors qu'Audrey est investie d'une audace et d'une intelligence qui lui permettront de tout conquérir. C'est un texte sans concession pour les hommes et qui donne tout le crédit aux femmes. Et ça fait plaisir à voir.

Clôture de l'amour est présenté au Théâtre de Quat'Sous jusqu'au 6 décembre 2013

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Avril 2018

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