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«Chansons pour filles et garçons perdus»: j'en appelle à la poésie!

On passe de nos classiques à nos contemporains sans qu'il ne se produise de fêlure, tout coule et s'harmonise dans un résultat combinant le trivial à la tendresse, la violence à la douceur.
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Je ne peux pas parler de tous les textes, de tous les créateurs qui prêtent leurs mots et leur âme à ce spectacle, il y en a trop, mais le choix m'a semblé à la fois éclectique et judicieux.
Yves Renaud
Je ne peux pas parler de tous les textes, de tous les créateurs qui prêtent leurs mots et leur âme à ce spectacle, il y en a trop, mais le choix m'a semblé à la fois éclectique et judicieux.

C'est à un spectacle bruyant, coloré et festif que nous convie Loui Maufette avec ces Chansons pour filles et garçons perdus présenté au Théâtre d'Aujourd'hui. Quinze comédiens et musiciens s'éclatent devant nous pendant plus de trois heures en récitant, slammant et chantant de la poésie.

Je vous préviens tout de suite: le ton n'est pas du tout confidentiel. Nous ne sommes pas ici dans un cénacle rempli de bruits étouffés et de paroles chuchotées.

Les textes qui ont été choisis avec soin racontent des histoires, sont remplis de sentiments, d'émotions et d'humour. Dans une mise en scène endiablée signée Benoît Landry et Loui Maufette avec des comédiens formidables, le résultat apporte énormément de satisfactions, pour la première partie du moins.

Dès le début avec l'extraordinaire J'en appelle à la poésie de David Goudreault, on sait à quoi s'attendre. Avec une verve incomparable, les comédiens vont livrer cet hymne post-moderne qui réclame que La soirée du hockey s'ouvre avec un poème de Bernard Pozier, et qui demande que les caissiers de la SAQ récitent La romance du vin aux clients qui achètent pour plus de 20 dollars.

Ça parle haut, ça crie des fois, ça hurle comme L'afficheur, ça chante aussi avec le piano de Benoît Landry et le violon de Guido Del Fabbro. En plus, il y a l'incomparable Marie-Jo Thério qui va prêter sa voix unique à des chansons qui sont, bien entendu, aussi des poèmes: comme le Beau grand bateau de Denise Boucher chanté par Gerry Boulet et repris ici.

On a droit aussi à l'irrésistible Kraft Dinner de Lisa Leblanc et ne passons pas sous silence le Comme des chiens de Luc Plamondon et François Cousineau, interprétée dans les années 1970 par Diane Dufresne et rendu magistralement par Kathleen Fortin. J'en avais des frissons d'entendre cette chanson qu'on a oubliée et qui est d'une dureté et d'une lucidité qui sied toujours à notre époque.

Roger Larue, toujours excellent, se livre à un hilarant numéro de claquettes en récitant du Jean-Paul Daoust, résumant parfaitement ce poète pour qui la dérision est une façon comme une autre d'annihiler (presque) la souffrance.

Suivront des moments émouvants et tendres: Macha Limonchik, cette merveille venue sur Terre juste pour nous, chante Les deux vieilles de Clémence Desrochers en même temps que deux petites filles sur scène se déguisent en vieilles dames: longs manteaux, chapeaux et sacs à main des années cinquante. Je ne peux pas parler de tous les textes, de tous les créateurs qui prêtent leurs mots et leur âme à ce spectacle, il y en a trop, mais le choix m'a semblé à la fois éclectique et judicieux. On passe de nos classiques à nos contemporains sans qu'il ne se produise de fêlure, tout coule et s'harmonise dans un résultat combinant le trivial à la tendresse, la violence à la douceur. Et j'ai particulièrement aimé qu'on nomme chacun des auteurs après les prestations.

La première partie, qui dure presque deux heures, est vivante, animée, élégiaque, pleine d'enthousiasme. La deuxième partie cependant ne se révèle pas tout à fait à la hauteur.

Les textes sont plus sombres, plus pessimistes, l'accent est davantage mis sur la sensualité et la volupté et le contraste avec ce qui a précédé qui était si coloré et joyeux se fait cruellement sentir. On sent une baisse d'énergie et peut-être que deux heures auraient suffi.

La poésie couvre le spectre de nos préoccupations, la vie, la mort, l'amour. Chansons pour filles et garçons perdus a été conçue avec passion et livrée de même. Les chemins de la poésie dessinent des arabesques surprenantes, des labyrinthes, des carrefours et des culs-de-sac et on devrait s'offrir une extravagance comme celle-là de temps en temps. Et, soyez rassurés, comme le dit si bien Lisa Leblanc, c'est pas des poèmes avec des mots qu'on comprend pas.

Chansons pour filles et garçons perdus: au Théâtre d'Aujourd'hui jusqu'au 4 mai 2019. Le spectacle sera aussi présenté à la Cinquième salle de la Place des Arts du 9 au 19 mai.

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