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Théâtre: Bienveillance de Fanny Britt

Je crois qu'on n'accorde plus assez d'importance aux vertus de nos jours. Les Romains croyaient en leur pouvoir et selon eux, le fait de les inculquer et de les cultiver menait à l'habilité de l'homme à agir bien. Les trois vertus théologales du Christianisme, la Foi, l'Espérance et la Charité relèvent du même esprit même si le contexte est différent et je suis plutôt contente qu'une pièce de théâtre se penche sur cette importante question.
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Flickr: CODYody

Je crois qu'on n'accorde plus assez d'importance aux vertus de nos jours. Les Romains croyaient en leur pouvoir et selon eux, le fait de les inculquer et de les cultiver menait à l'habilité de l'homme à agir bien. Les trois vertus théologales du Christianisme, la Foi, l'Espérance et la Charité relèvent du même esprit même si le contexte est différent et je suis plutôt contente qu'une pièce de théâtre se penche sur cette importante question.

Car ce sont là les interrogations de Fanny Britt: qu'est-ce que la bonté? Nous vient-elle naturellement? Quelle est la part de la culture et de la nature dans son éclosion? Peut-on la feindre? Le personnage de Gilles Jean est en effet aux prises avec un dilemme existentiel lié à l'expression de cette bienveillance à laquelle le titre de la pièce fait allusion. Riche avocat vivant à Montréal, Gilles ne s'est jamais trop embarrassé de scrupules lorsqu'il s'est agi de faire avancer sa carrière, trop souvent aux dépens des plus faibles et des plus démunis. Mais lorsqu'il retourne dans son village natal de Bienveillance, son enfance et son milieu d'origine lui lanceront en plein visage les fractures et les crevasses qu'il dissimule soigneusement, toutes les failles qui font de lui, en somme, un être humain. Sauf qu'il est parfois difficile d'assumer une humanité que l'on renie depuis toujours et qui demanderait des efforts qui semblent insurmontables.

Fanny Britt est toujours la reine du dialogue sauvagement amusant même lorsqu'il est teinté de désespoir. Son texte, desservi par d'excellents comédiens, raconte le désarroi de braves gens : le mari, Bruno (Dany Michaud, super-efficace) et sa femme, Isa (Sylvie de Morais, qui rend de façon sublime l'ex-serveuse sexy qui touche le fond du désespoir et qui n'a que peu de mots pour l'exprimer) ont un enfant dans le coma à l'hôpital. L'ambulance, après une réorganisation des ressources de la région, a pris 46 minutes pour arriver sur les lieux de l'accident et Bruno et Isa poursuivent les responsables. Par un de ces hasards cruels, c'est Gilles (Patrice Dubois) qui défend la cause des responsables du délai et il est bien entendu qu'il ne ferait qu'une bouchée de ces pauvres gens aux ressources matérielles et intellectuelles fort limitées.

Gilles a eu une enfance particulière. Son père est parti et sa mère (Louise Laprade), après la perte tragique de ses trois premiers fils, a couvé plus qu'il n'était nécessaire ce dernier enfant inespéré. Après avoir trouvé son destin dans le syndicalisme et la défense de ceux qui sont sans voix, cette mère a inculqué à son fils les valeurs dans lesquelles elle croyait profondément. Mais on dirait qu'il y a eu un problème dans la réception. Gilles est l'antithèse de cette mère humaniste, il a le portefeuille à droite, les idées aussi et le cœur on ne sait où, pourvu qu'il en ait un, ce qui n'est pas si sûr.

J'ai bien aimé ce moment de théâtre fort bien mis en scène dans un dépouillement assumé par Claude Poissant. Je m'en voudrais de ne pas mentionner l'apport inestimable de Christian E. Roy qui joue les rôles du père inventé par Gilles ainsi que du cynique patron et qui nous fait bien rire. Mais ce qui ressort ultimement est un propos plus grave. Mes récentes relectures de Balzac m'ont fait prendre conscience du fait que l'auteur de La Comédie humaine met principalement en scène des personnages foncièrement méchants et égoïstes qui utilisent les êtres et les événements pour leur propre profit et s'en débarrassent après usage. Gilles est de la même race que les Rastignac et Lucien de Rubempré de ce monde, il y avait une lueur d'espoir pour lui, son ultime décision sera cependant motivée par sa profonde insensibilité face aux autres et si le résultat n'est pas ce qu'il espérait c'est à cause de circonstances qui vont bien au-delà de sa volonté. Une façon pour le destin de prendre sa revanche.

Bienveillance est une production du Théâtre Petit à Petit et est présenté à l'Espace Go jusqu'au 27 octobre 2012

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