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Endométriose: les mots ne font pas peur, la réalité si!

Nous aurons tous gagné - soignants et soignées - quand les femmes atteintes d'endométriose seront considérées, accompagnées, aidées et respectées. Voilà pourquoi nous nous battons.
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Endométriose : maladie gynécologique méconnue malgré sa fréquence puisqu'elle touche 1 à 2 femmes sur 10.

Depuis peu, - principalement grâce au travail de communication des associations et de médecins, chercheurs et industriels engagés - les médias s'y intéressent. Et à chaque article, les malades se sentent un peu mieux. Pourquoi? Parce qu'enfin on brise le silence. Enfin, on s'inquiète de leur sort et surtout on explique à tous ce que signifie vivre avec l'endométriose. Ces articles sont autant d'éclairages qui vont leur permettent d'être mieux comprises, notamment par leur entourage personnel et professionnel. Au-delà, elles sont soulagées parce qu'elles savent que ça contribue aussi à faire baisser une autre statistique édifiante : celle du délai moyen de diagnostic de l'endométriose, qui est aujourd'hui de 7 à 10 ans.

Or, ces articles ne sont pas tous bons. Et on peut même parfois déplorer des approximations ou des mises en exergue d'expériences personnelles alors qu'elles sont, par nature, non applicables à toutes. Pourtant, malgré ça, ils servent la prise de conscience générale dont nous, malades, avons tant besoin.

Aussi, quelle ne fût pas ma surprise en découvrant la tribune du Plus Nouvel Obs intitulée "Les patientes ne sont pas des martyres". Car enfin, son auteur, le Professeur Canis, est un grand nom de la gynécologie et connaît par cœur le problème. Alors pourquoi cet article? Non, c'est vrai : nous ne sommes pas des martyres, le terme est fort. Mais nous ne sommes pas mieux traitées : nous sommes, la plupart du temps, ignorées et méprisées.

"Les mots font peur", dit M. Canis dans sa tribune. Nous sommes bien d'accord. Lorsqu'un patient apprend qu'il souffre d'un cancer, d'un diabète, ou encore d'une MST, que la maladie soit maligne ou bénigne d'ailleurs, il éprouve de l'angoisse, parce qu'il devine ce que ça implique. Mais son médecin prendra le temps de parler avec lui de son cas particulier, lui permettra de comprendre le degré de gravité de ses atteintes et les possibilités thérapeutiques qui s'offrent à lui.

Ce travail d'information, d'explication, d'apaisement et de rationalisation, chaque personne qui souffre d'une maladie en a besoin. Et nous nous efforçons, en tant qu'association, de l'accompagner au mieux, sans empiéter sur le rôle médical des spécialistes. Mais nous voulons aussi sensibiliser, faire sortir la maladie du silence, car le silence est un facteur de retard de diagnostic et qu'il alourdit encore le fardeau des malades. Cela implique de marquer les esprits. Nous sommes vigilantes : notre objectif n'est pas de dramatiser.

Si certains articles le font, au risque d'imprécisions médicales et scientifiques (et personne ne niera que vu la complexité de la maladie, les raccourcis sont faciles), nous voulons quand même nous réjouir qu'ils se fassent l'écho d'un sujet jusque-là ignoré. Car cette médiatisation est essentielle à la prise de conscience. Et je voudrais d'ailleurs ici souligner un point : n'est-il pas révélateur que nombre de journalistes, qui souvent découvrent l'endométriose, soient choqués par la violence des situations vécues par les femmes atteintes?

Le Professeur Canis "redoute les décisions irréversibles que certaines femmes pourraient prendre [...] en lisant des phrases aussi noires". Monsieur le Professeur, rassurez-vous: ce ne sont pas ces articles qui les angoissent, ni les mots que les témoins ou les médias utilisent. Ce qui angoisse les femmes atteintes d'endométriose, c'est le manque d'informations, d'explications, d'espoir concret.

Ce n'est pas ce qu'on explique de l'endométriose dans les médias, avec plus ou moins de justesse j'en conviens, mais ce qu'elles en vivent. Être privées de prise en charge adaptée. Faire face à l'absence de traitements curatifs efficaces. Endurer qu'un soignant les examine sans délicatesse, remettant en cause la véracité de leurs douleurs. Qu'il leur recommande - je cite - de "prendre un Doliprane et un Spasfon et de retourner travailler" alors même qu'elles ne peuvent pas tenir debout ou assises sans être percluses de douleurs violentes.

Ou qu'il sous-entende qu'elles sont trop grosses pour pouvoir être opérées, en sachant pertinemment que, si elles ont pris du poids, c'est essentiellement à cause des traitements hormonaux prescrits qui ont complètement détraqué leur métabolisme. C'est pourquoi je partage amplement votre opinion quand vous dites "c'est de notre responsabilité à tous de faire attention aux mots et à leurs conséquences".

Comme souvent en matière d'endométriose, la radicalité n'a pas sa place et le corps médical, bien formé et à l'écoute, reste le plus légitime pour orienter les patientes. C'est intenter un faux procès à la médiatisation de l'endométriose que de lui faire porter la responsabilité des angoisses des patientes, voire de leurs choix thérapeutiques.

C'est vrai : toutes les femmes atteintes d'endométriose n'endurent pas toutes les situations que je décris dans mon livre et elles ne vivent pas toutes un calvaire au sens précis du terme. La maladie peut être presque indolore (sans pour autant être légère, puisque l'endométriose a aussi ceci de charmant que l'intensité des symptômes n'est pas relative à l'importance de son développement). Et c'est tant mieux!

Mais faut-il pour autant minimiser les conséquences importantes qu'elle peut avoir sur la santé, la vie personnelle, sociale et professionnelle ou la fertilité des femmes qui sont touchées? Et renoncer à favoriser et accélérer la connaissance médicale, la reconnaissance sociale de l'endométriose et la recherche? Certainement pas.

Nous aurons tous gagné - soignants et soignées - quand les femmes atteintes d'endométriose seront considérées, accompagnées, aidées et respectées. Elles le seront quand elles pourront bénéficier d'un parcours de soin normalisé; quand le corps médical sera correctement formé à détecter et prendre en charge la maladie dans sa globalité; quand le délai moyen de diagnostic sera de quelques mois; quand la recherche sera suffisamment financée pour permettre de comprendre comment se développe la maladie et comment la traiter efficacement; quand les malades pourront au besoin avoir accès aux aides sociales dédiées aux maladies chroniques et invalidantes; lorsqu'on arrêtera de leur répondre ou de penser que c'est normal d'avoir mal. Car non, ce n'est pas normal d'avoir mal, et surtout pas d'avoir très mal.

Voilà pourquoi nous nous battons, pourquoi ces articles paraissent : faire que les générations futures n'aient à connaître ni ces angoisses ni ces douleurs.

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