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Attentat de Boston: comment j'ai vécu l'horreur

Tous les ans, j'y assiste depuis Boylston Street, la rue où se trouve la ligne d'arrivée. Le marathon de Boston est un événement que j'aime beaucoup. Je suis toujours impressionné par les personnes qui peuvent courir un marathon! Il est 14h20, j'arrive sur Boylston Street...
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AFP

Lundi 15 avril 2013: c'est Patriots' Day dans le Massachusetts, jour férié. Un jour pas comme les autres, car c'est le jour où se déroule le marathon de Boston. Évènement très populaire et très attendu.

Tous les ans, j'y assiste depuis Boylston Street, la rue où se trouve la ligne d'arrivée. Le marathon de Boston est un événement que j'aime beaucoup. Je suis toujours impressionnée par les personnes qui peuvent courir un marathon! Il est 14h20, j'arrive sur Boylston Street, au niveau de Exeter Street, en face du Lenox Hotel, à moins d'une centaine de mètres de l'arrivée. À ma gauche, les drapeaux des différentes nations représentées flottent au vent, et en face de ces drapeaux, les tribunes VIP. Il fait beau, frais mais le ciel est bleu, et le soleil brille. Un jour magnifique et le temps parfait pour courir un marathon. Mieux que l'année dernière où il faisait presque 30 degrés et une humidité insoutenable.

Je trouve une place d'où j'ai une bonne vue sur les coureurs. Je suis juste derrière une famille: deux enfants, leur maman et leur grand-mère, qui attendent de voir passer le Papa. Beaucoup de spectateurs attendent "leur" coureur. La plupart sont là depuis plusieurs heures. L'une de mes amies doit arriver d'ici quarante-cinq minutes. En attendant, je profite de cette ambiance incroyable et entrainante. La foule encourage les coureurs il y a des signes "Go Untel", des cloches, des drapeaux, une vraie fête dans les rues de Boston. C'est un évènement populaire, qui regroupe toute la population: il y a des enfants, des parents, des personnes du monde entier. Je profite donc du spectacle comme tous les gens autour de moi. Je vois passer des gens déguisés en hamburger, une femme en tutu, des parents poussant leur enfant malade en poussette, des militaires avec leur sac sur le dos et des coureurs de tout âge, et de tous horizons. Certains portent le drapeau de leur pays. Parmi les coureurs, certains ont récolté beaucoup d'argent pour l'association de leur choix depuis des mois, pour pouvoir courir aujourd'hui. Nous encourageons ceux qui ont besoin d'un dernier coup de pouce pour finir la course.

Je regarde le site internet du Marathon de Boston, pour savoir où mon amie est. Il doit lui rester encore quelques miles, mais je ne sais pas exactement, car le site n'est pas très précis. Donc j'essaie de regarder chaque coureur, en espérant l'apercevoir. Mais dans la foule de coureurs, c'est compliqué. À ce moment-là, les coureurs arrivent par dizaine.

Tout à coup, sur ma gauche, ce spectacle est interrompu par un gros boum, comme un gros coup de canon. Au fond de moi, je sens que c'est différent. Ça résonne comme si quelque chose avait explosé. Je tourne la tête, comme tout le monde, vers la ligne d'arrivée et à une cinquantaine de mètres à peine de l'endroit où je me trouve, je vois un épais nuage de fumée qui s'élève et vient assombrir le ciel bleu. Des débris volent dans le ciel. Et avant de comprendre vraiment ce qui se passe, peut-être 10 secondes plus tard, j'entends une autre explosion sur ma droite. Même son, même bruit assourdissant, même résonance. À une centaine de mètres. Et là, plus de doute, je comprends qu'il y a vraiment quelque chose qui ne va pas, que ce n'est pas normal et qu'il ne faut pas rester là. La panique commence. Les gens crient, cherchent leurs proches, les parents attrapent leurs enfants et commencent à courir.

AVERTISSEMENT: LES PHOTOS CI-DESSOUS PEUVENT CHOQUER

Le billet de Marie Amélie se poursuit après la galerie

Boston Marathon Explosion

Boston Marathon Explosion (GRAPHIC PHOTOS)

Heureusement, je me trouve au coin d'une rue perpendiculaire à Boylston Street. Il m'est donc facile de courir, de m'enfuir. Loin. Je cours. La peur au ventre. Une peur que je n'ai jamais ressentie avant. Et que je ne souhaite à personne. La peur pour sa vie. J'envoie un texto à mon mari "bombs in Copley - omg". Je l'appelle de suite, pour le rassurer et pour l'informer. Les explosions ont, à ce moment-là, eu lieu il y a à peine une minute, donc il ne sait rien du tout. Il allume la télé mais bien évidemment, aucune chaine n'en parle encore. Je lui explique rapidement ce qui s'est passé et que je ne sais pas où est notre amie. Je suis perdue. Je ne sais pas où aller. Je ne sais pas quoi faire. La seule chose que je sais est qu'il faut que j'aille à un endroit où il n'y a pas de bâtiment, car à ce moment-là, qui sait s'il ne va pas y avoir d'autres explosions.

Je cours tout droit, car je sais que je vais tomber sur Commonwealth Avenue, une rue parallèle à Boylston Street, très large et où il y a un parc au milieu. Mon mari me dit de le rejoindre à son bureau, dans Downtown Boston, à environ 1.5 miles. Il me dit de ne pas prendre les transports en commun. Je continue à courir dans sa direction. Sur le chemin, j'explique ce qui s'est passé à plusieurs personnes qui m'arrêtent et les informe qu'il est préférable qu'elles restent chez elles. J'envoie des textos à mon amie pour qu'elle me rassure, pour qu'elle me dise qu'elle va bien. Mais ça passe mal. Brouillé ou surchargé, je ne sais pas, mais en tout cas le réseau cellulaire marche mal. Je tape sur Google "bomb Copley" pour en savoir plus, pour connaitre l'étendue des dégâts humains et ne trouve aucun résultat. Environ dix minutes après les explosions, la nouvelle n'a pas encore été publiée. J'arrive dans les deux grands parcs de Boston, situés en plein centre. Et là, le contraste avec ce que je viens de vivre il y a à peine quelques minutes est frappant. Personne n'a l'air au courant de la tragédie qui vient de se dérouler à seulement quelques pâtés de maisons de là. Il y a des familles avec des poussettes, des joggeurs, des touristes qui prennent des photos des magnifiques cerisiers en fleur, des gens assis près du petit lac et qui profitent de cette magnifique journée. Tout comme moi, et le reste des spectateurs du marathon, il y a seulement encore quelques minutes. La scène en est presque surréaliste pour moi.

À plusieurs reprises, je pense à informer tous ces gens autour de moi de ce qui s'est passé, mais à ce moment-là, je préfère les laisser profiter encore quelques instants de ces moments d'insouciance. Ils apprendront bien assez vite ce qui s'est passé... Je continue à courir. Dans une rue, un livreur décharge son camion, il fait tomber une caisse, je me surprends à sursauter et à avoir peur. Peur d'une autre explosion. Je continue à envoyer des textos à mon mari, pour le tenir informer. Il me faudra une vingtaine de minutes pour le rejoindre enfin. Vingt minutes qui m'ont paru une éternité. Il me retrouve dans la rue près de son bureau. On tombe dans les bras l'un de l'autre. Les larmes coulent. Les passants autour ne comprennent pas. Pendant de longues minutes, nous restons la, plantés au milieu de cette rue passante, dans les bras l'un de l'autre. En silence. Puis nous nous dirigeons vers son bureau, où nous resterons une demi-heure à regarder les premières images et vidéos de cette tragédie. Je revis ce que j'ai vu il y a une demi-heure de cela. Je prends peu à peu conscience de ce qui vient de se dérouler sous mes yeux. Mon amie qui courait le marathon me rassure enfin. Elle se trouvait à un mile environ des explosions. Pendant les heures qui suivent, les Bostoniens se regroupent et s'organisent. Les coureurs qui n'ont pu finir le marathon s'entraident pour retrouver leurs proches, les spectateurs non blessés courent donner leur sang, les réseaux sociaux mettent en place une liste de proposition d'hébergement par des particuliers pour les coureurs.

On a beau critiquer le patriotisme des Américains, mais dans ces moments-là, ils m'impressionnent. Ils ont cette capacité de s'associer, de se regrouper et de montrer au monde entier que personne ne peut détruire leur unité. Et surtout, qu'ils ressortiront plus forts de cette épreuve. "Boston United", "I love Boston", "Long Live Boston" peut-on lire sur les réseaux sociaux. En rentrant à la maison, je rassure mes proches en France, avant qu'ils n'apprennent la triste nouvelle.

Mardi 16 avril 2013: La nuit fut courte et en me réveillant, je me rends compte que les événements de la veille n'étaient malheureusement pas un cauchemar. Mais le ciel est encore plus bleu que la veille, le soleil brille encore plus fort. Et chacun tente de reprendre sa petite vie. Mais, Boston est changé à jamais. Le marathon ne sera plus jamais ce qu'il était avant ce 15 avril 2013. Et c'est bien triste. Et au-delà du "comment?" et "par qui?" la question qui est sur toutes les lèvres ce matin est: "Pourquoi?".

Les Unes des journaux américains après les événements de Boston

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Les unes de la presse américaine après les explosions de Boston

Les Unes de la presse internationale

Les Unes de la presse française et internationale

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