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Protéger Radio-Canada contre les idéologues...et contre elle-même

La SRC alimente la critique en associant de trop près ses émissions d'information, d'affaires publiques et même de variétés à l'empire de la famille Desmarais. Il ne se passe pas une journée, au Québec, sans que des journalistes du groupe Gesca (Power Corporation) ne soient présents sur les ondes de la radio et de la télévision de la SRC. C'est ce que certains appellent Radio-Gesca.
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Cela a été démontré trois fois plutôt qu'une ces dernières années; les Québécois jugent que Radio-Canada est le média d'information le plus crédible. Mais cela ne va probablement pas empêcher le gouvernement de Stephen Harper de faire plaisir à ses fidèles alliés, en sabrant le financement de la SRC.

On peut formuler bien des reproches à l'endroit de Radio-Canada, de ses dirigeants, de ses journalistes et de ses créateurs. Il est vrai, par exemple, que la SRC hésite à se soumettre à la même transparence que ses journalistes exigent des acteurs sociaux, politiques et économiques. Il est également vrai qu'elle est parfois réfractaire à admettre ses erreurs et à s'excuser.

Il faut surtout souligner qu'elle alimente la critique en associant de trop près ses émissions d'information, d'affaires publiques et même de variétés à l'empire de la famille Desmarais. Il ne se passe pas une journée, au Québec, sans que des journalistes du groupe Gesca (Power Corporation) ne soient présents sur les ondes de la radio et de la télévision de la SRC. C'est ce que certains appellent Radio-Gesca.

La compétence des journalistes de Gesca n'est pas en cause ici. Au contraire, ils sont généralement excellents. C'est plutôt l'utilisation de fonds publics afin de faire la promotion d'une entreprise privée qui pose problème; tellement privée que Power Corporation est allée devant les tribunaux pour ne pas divulguer les états financiers de Gesca aux actionnaires qui en faisaient la demande.

De plus, malgré son mandat de neutralité politique, la SRC s'associe à un empire médiatique dont les propriétaires ne cachent pas leur option fédéraliste pure et dure; au point d'inscrire le respect de son idéologie dans les conventions collectives de ses quotidiens. En ce qui concerne les chroniqueurs, il est notamment stipulé qu'ils ne doivent pas se montrer hostiles à La Presse.

Ce devoir de loyauté existe implicitement ou explicitement dans chaque média. Mais importer cette loyauté sur les ondes de Radio-Canada est une autre affaire. Les médias sont de puissantes institutions qui ne doivent pas échapper au regard critique. Comment croire qu'une saine critique, mutuelle et nécessaire, entre les journaux de Gesca et Radio-Canada, peut s'exercer en toute liberté et en toute intégrité avec autant de proximité?

Cela est davantage nécessaire dans le contexte de concentration et de convergence des médias qui sévit au Québec; gracieuseté des gouvernements successifs, plus sensibles au lobby des entreprises de presse qu'au respect du pilier de la démocratie qu'est le droit du public à une information de qualité.

Dans un contexte d'oligopole médiatique, il est impératif que Radio-Canada soit indépendante des autres conglomérats. Il n'y a aucune justification à ce que la SRC devienne la partenaire d'affaires d'une entreprise privée, encore moins qu'elle serve d'amplificateur à certaines voix qui, inévitablement, se substituent à d'autres intervenants. Il est très difficile de croire que la SRC serait incapable de trouver son lot d'intervenants, d'analystes et de commentateurs compétents parmi les millions de francophones du Canada.

C'est en ce sens que Radio-Canada doit être protégée contre elle-même et contre ses fréquentations d'affaires et idéologiques, compte tenu de son statut de société d'État, financée par tous les contribuables.

Malgré ces reproches, et bien d'autres sans doute, Radio-Canada conserve une réputation enviable en matière d'information et d'affaires publiques. Cela a de quoi étonner, car cette réputation, qui est l'âme de toute entreprise de presse, a été attaquée férocement et injustement ces dernières années. Radio-Canada a en effet subi les assauts répétés d'une droite structurée, sinon concertée, principalement au Canada anglais.

Au Québec, la charge est venue de Quebecor Media, dont les dirigeants ont attaqué sans relâche Radio-Canada, grâce à la collaboration, libre ou contrainte, de bon nombre de ses chroniqueurs et journalistes.

D'une certaine façon, il y a quelque chose de paradoxal à voir Quebecor s'attaquer à une société d'État. Il faut savoir que 45% des actions de Quebecor Media appartiennent aux Québécois, via la Caisse de dépôt et placement. D'une certaine façon, les dirigeants de Quebecor utilisent l'argent du public pour nuire à une société d'État, financée, elle aussi, par le public.

Il y a, par ailleurs, des alliances idéologiques indéniables entre le gouvernement conservateur de M. Harper et les journalistes/commentateurs/propagandistes de Sun Media (qui appartient à Quebecor Media). C'est en ce sens que Radio-Canada doit être protégée contre les attaques des idéologues.

Quant aux amis de Radio-Canada, qui se mobilisent déjà contre les coupes budgétaires anticipées, ils seraient avisés d'exiger une réelle indépendance de la SRC s'ils veulent la défendre avec plus de crédibilité.

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