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Au cœur du système de santé: ce personnel qui prend soin du patient

C'était la première fois que j'étais hospitalisé durant quatre jours. Ce personnel infirmier, de soutien, ce personnel non-médecin, comment se comportait-il avec les patients? Montrait-il des signes d'épuisement? Était-il en nombre suffisant?
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C'était la première fois que j'étais hospitalisé durant quatre jours. Un jour dans un petit hôpital en transition où l'ambulance m'avait amené. Trois jours dans l'hôpital spécialisé dans les réparations des hanches fracturées.

Je m'en serai passé, bien sûr, mais tant qu'à y être, à souffrir parfois d'atroces douleurs, à attendre mon tour à la salle d'opération, à récupérer après l'intervention chirurgicale, je me suis dit, à défaut de pouvoir lire à mon aise, ou écouter la télévision, que j'allais jeter un coup d'œil à ce monde, l'évaluer comme diplômé en administration publique, incognito au surplus.

Était-ce vraiment aussi mauvais que ce que les médias disent parfois? Ce personnel infirmier, ce personnel préposé aux patients, ce personnel de soutien, ce personnel non-médecin, comment se comportait-il avec les patients? Montrait-il des signes d'épuisement? Était-il en nombre suffisant? Méritait-il plus ou moins de rémunérations? Je vous donne tout de suite ma conclusion: un mot, un seul mot pour tout résumer: «humain»!

Ce qui m'a le plus frappé, c'est que ce personnel n'est pas au service des médecins et pas davantage au service des gestionnaires. Mais pas du tout. Il évolue dans un autre monde, celui du patient, ce patient qui à la fois souffre et attend la délivrance, qui attend ce petit geste de réconfort. Qu'il fait du bien ce tout petit geste, comme cette débarbouillette froide sur le front, comme le remplacement du piqué mouillé, avec sourire et ce «ça va être plus confortable», cet arrêt à la porte de la chambre pour savoir si tout va bien, comme ce petit mot d'humour, comme ce verre d'eau inattendu, comme tous ces petits gestes qui disent qu'on prend soin de vous, même si vous voyez bien qu'un tel préposé est épuisé, que telle infirmière a prolongé son quart de travail.

Avant de poursuivre, je voudrais détruire un mythe qui, entre autres, interdit la dénonciation de malversation dans les organismes publics, celui qui découle, faussement, de la responsabilité ministérielle érigée en système de contrôle des gens au pouvoir. Si le personnel aux soins dans les hôpitaux n'est pas, en soi, au service du corps médical, il en va de même dans les fonctions publiques. En me basant sur mes 25 années de service dans l'administration fédérale, le fonctionnaire n'est pas le messager du ministre et des gestionnaires supérieurs. C'est la raison pour laquelle il s'appelle «civil servant» au Canada anglais! On aurait dû utiliser cette expression au Québec, «serviteur du citoyen» plutôt que fonctionnaire! Évidemment, il doit livrer les services décidés par les politiciens et la haute fonction publique, mais, - car il y a un mais - il doit aussi se préoccuper de justice, d'adaptation aux circonstances, etc. Combien de fois ai-je été témoin de résistance, de dénonciation et même de coulage aux médias! Car, voyez-vous, parfois les politiciens et les hauts fonctionnaires sont carrément injustes, voire malhonnêtes ou carrément inhumains. Il y a une déontologie propre au personnel qui livre les services aux citoyens, et aux patients dans les hôpitaux. Et contrairement à ce qu'on peut en penser, le personnel le sait d'instinct!

Je reviens à mon séjour à l'hôpital pour l'illustrer de façon convaincante. La nuit suivant ma chirurgie à la hanche, je me suis réveillé dans un état second, comme si j'étais un zombie.

Dans un court moment de lucidité, j'ai appelé à l'aide. Une infirmière est venue à mon chevet. Je la regardais, elle me regardait. «Ça ne va pas, vous». Elle m'a demandé mon nom, pourquoi j'étais à l'hôpital. J'ai répondu: « Je pense que je, etc.» «Bon, ça va mieux, là, je pense», dit-elle, en regardant un cadran qui alimentait un soluté en calmant. Après quelques minutes elle m'a quitté en disant revenir. L'infirmière avait compris qu'on m'avait administré trop de calmants.

J'étais «drogué» quoi! Elle est revenue me voir à plusieurs reprises. Quand j'ai commencé à avoir de l'humour, elle s'est mise à rire. «Et oui, Monsieur, vous étiez devenu un zombie »! C'est alors que je me suis rappelé que ma conjointe, infirmière à domicile, avait carrément envoyé promener un médecin sur une médication: «La dame va mourir si je lui administre ce médicament. Il n'en est pas question».

«Humain». Je ne vois pas d'autres mots pour décrire l'attitude du personnel hospitalier non médical -remarquez que je suis plutôt gêné de classer les infirmières dans cette catégorie.

Il faudra bien un jour briser ce monopole des médecins! Ce personnel est au cœur du système de santé, puisque c'est le patient qui est, légalement, au cœur de ce système. Pas les médecins, pas les gestionnaires. En disant cela, je ne rabaisse pas pour autant médecins et gestionnaires, tout simplement qu'il ne saurait y avoir, entre autres, d'élite médicale. Oui, nos médecins sont en général très compétents, en mettant cependant un bémol sur la surmédicalisation et le surdiagnostic. Les spécialistes sont des as du traitement des maladies, des blessures et insuffisances. Imaginez remplacer une hanche... transplanter un cœur, etc. Faut le faire, non? Mais ces tours de force, remarquables, transforment-ils ces médecins en élite médicale? À ce compte. Mon médecin de famille devrait en faire partie...

Comment expliquer que nos médecins ont doublé leurs revenus ces dix dernières années, mais pas le personnel hospitalier? Ah! Oui, le rattrape avec les médecins canadiens... qui eux-mêmes réclament le rattrapage avec les médecins américains. Sauf que les médecins américains ont pris le risque du privé. Si nos médecins, dont les revenus sont garantis à 100%, veulent la même rémunération, et bien qu'ils pratiquent au privé avec tous les risques que cela comporte. Point.

Dernier point. Un département d'hôpital m'appelle pour savoir si j'ai oublié mon rendez-vous avec un spécialiste. Je réponds que non puisque mon médecin a demandé à un autre spécialiste du même département, et du même bureau, d'assurer le suivi de mon cas. La préposée me répond que chaque spécialiste a sa propre liste de... «clients». Clients? Non, excusez, je suis un... «patient». Voilà qui dénote bien d'une culture propre aux entreprises et non aux hôpitaux publics. Une autre raison de changer cette culture élitiste, tout comme le statut d'incorporation de médecins comme s'ils étaient des entreprises privées.

Ce blogue se voulait un hommage à ce personnel hospitalier imprégné d'humanisme, à l'écoute du patient, et ce, même si leurs conditions de travail les poussent au surmenage. Le ministre Barrette a déjà qualifié les médecins de groupes de médecine familiale de Mère Teresa.

Insultant! Ils sont, comme ce personnel hospitalier, proches du patient, dédié aux patients, tout simplement!

Nous sommes des dizaines de milliers au Québec à vouloir un changement de culture en santé. Et si le prochain ministre de la Santé venait des rangs du personnel hospitalier non médical?

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Mai 2017

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