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Soigner la dépression professionnelle

La dépression est parmi les maladies fréquentes celle qui est la moins connue du grand public. Ses modalités de traitement, son étiologie, sa fréquence, ses comorbidités, sa gravité, son risque de récidive sont ignorés.
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À l'horizon 2020, la dépression sera la deuxième cause d'invalidité dans le monde après les troubles cardio-vasculaires ; elle est probablement d'ores et déjà la première cause d'arrêt de travail en Europe. Les tentatives d'explication de ce phénomène sont, le plus souvent, stéréotypées. Le monde du travail est devenu très dur, la mondialisation, le chômage, l'irruption des nouvelles technologies sont les causes dénoncées tant par les syndicats que par les employeurs ou les soignants. Cette pensée unique s'affranchit de la logique la plus simple, les conditions de travail du XIX° siècle étaient-elles si paradisiaques? Assurément non bien que le salariat fût une condition difficile -si ce n'est misérable avant la révolution industrielle- nul ne s'en plaignait. Il est vrai, en revanche, que nous avons assisté ces dernières années à des modifications importantes du travail et de l'emploi.

La dépression est parmi les maladies fréquentes celle qui est la moins connue du grand public. Ses modalités de traitement, son étiologie, sa fréquence, ses comorbidités, sa gravité, son risque de récidive sont ignorés. Sa survenue dans le monde de l'entreprise, quand elle est reconnue, fige le débat autour de deux questions, les circonstances de survenue et qui est touché?

Il est étonnant que les interrogations légitimes concernant les risques psychosociaux négligent la prévention et le traitement des troubles de l'humeur. Il est vrai qu'admettre que la dépression, que son origine soit professionnelle ou non, est un réel facteur de souffrance au travail et la cause la plus probable des suicides au sein des entreprises remet en cause toute la réflexion actuelle sur les difficultés psychologiques au travail. Cette reconnaissance impliquerait de s'interroger sur la place prépondérante donnée au stress et au burnout. Il ne s'agit d'aucune façon de nier qu'il existe des stresseurs, des ambiances de travail délétères, des formes de management indignes, mais bien de sortir d'un modèle qui a montré ses limites.

Cinquante années de gestion du stress en entreprise n'ont pas permis d'améliorer la situation des salariés ou d'affiner notre compréhension des mécanismes psychopathologiques en cause. Ni le stress ni le burn-out ne sont reconnus dans les classifications internationales des maladies et pourtant des officines spécialisées dans la gestion du stress -dont souvent les intervenants n'ont pas d'expérience clinique- proposent des solutions à des problèmes qui nécessitent une réflexion psychopathologique approfondie et des compétences médicales ou en psychologie clinique.

Les troubles cognitifs de la dépression bien que toujours présents et réellement invalidants sont trop souvent méconnus. Ils sont pourtant fortement délétères. Les problèmes de mémoire et de concentration induisent une diminution de l'efficience professionnelle, provoquent des erreurs de jugement et un manque de fiabilité. La méconnaissance de cette dimension à des conséquences graves sur l'insertion professionnelle et le retour au travail après une dépression.

Le refus ou le déni de la dépression dans le monde professionnel est particulièrement marqué. La crainte de voir retenue une causalité professionnelle provoque des réactions agressives et une disqualification de ce diagnostic. Le malade ne bénéficie ni de compassion ni d'empathie. Bien au contraire il est soupçonné de simulation ou de fragilité ; son investissement professionnel est mis en doutes.

Reconsidérer la souffrance au travail en tenant compte de la dépression est incontournable. La vie professionnelle n'est pas l'unique objet de ce tourment, loin s'en faut. L'origine des maladies de l'humeur est multifactorielle et il est difficile de les rattacher à une cause unique. En revanche il parait possible de mener des actions de prévention. L'entreprise est un lieu privilégié pour les réaliser. Diminuer le nombre de salariés souffrant de dépression participe à la nécessité d'assurer des conditions de travail de qualité et d'améliorer le bien-être. Cela permettra aussi de diminuer l'absentéisme et d'améliorer l'efficacité.

La recherche de la cause, de l'origine du trouble est, au mieux, intérêt thérapeutique et conduit le plus souvent à des conflits liés à une quête de responsabilité. L'important ne se situe pas là. Que la dépression ait une cause légitime ou non, elle doit être soignée de la même façon. Ce traitement doit être médical, basé sur les antidépresseurs -dans les cas les plus graves- et les psychothérapies cognitivo comportementales.

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