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Le très Honorable Jacques Parizeau... ce nobody

En écoutant la radio mardi dernier, j'ai réalisé que Jacques Parizeau est unpour bien des gens. Undont l'opinion vaut autant que celle de n'importe qui. Est-ce simplement une extension du peu de reconnaissance sociale que l'on témoigne envers nos aînés? Il y a quand même quelque chose d'indécent là-dedans. On devrait collectivement accorder plus de mérite aux interventions de nos anciens premiers ministres (péquistes). D'abord parce qu'il est sain et souhaitable qu'ils participent toujours au débat public. Mais aussi parce qu'ils disposent d'une incroyable expérience politique et publique qui ne peut être que bénéfique.
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PC

Mardi, en syntonisant la radio, je tombe (le mot est de circonstance, vous verrez) sur une ligne ouverte portant sur la sortie publique de l'ancien premier ministre Jacques Parizeau au sujet de la réaliste gratuité scolaire universitaire. Actualité oblige. «Êtes-vous d'accord avec les propos de M. Parizeau?», demande-t-on aux auditeurs. Tour à tour, courriels, appels et interventions partagent les ondes. On se dit en faveur de la gratuité. On se dit contre. Les raisons sont nombreuses de part et d'autre. Je suis intéressé par le sujet. Voilà que j'éternue spontanément.

En reprenant mes sens, comme si le monde venait tout juste de basculer, il me prend alors de percevoir la question au second degré: «Accordez-vous de l'importance aux propos de M. Parizeau?», ou encore «Trouvez-vous son intervention légitime et souhaitable?». Les multiples commentaires des auditeurs prennent soudainement un tout autre sens. Je réalise que pour bien des gens, Jacques Parizeau est un nobody. Pis, que bien des gens s'estiment plus ferrés, sinon intelligents que lui sur un sujet tel que celui de la gratuité scolaire universitaire. Un nobody. Dont l'opinion vaut autant que celle de n'importe qui.

Pas qu'il l'ait toujours été un nobody (quoique pour certains, ça ne semble pas clair). On dirait qu'il l'est devenu par la force du temps. Un vieux, et dans le sens tellement péjoratif du terme. Tellement qu'on l'a consacré, il y a quelques années déjà, première «belle-mère» du PQ. Notons que le terme n'est pas anodin. Dans l'imaginaire collectif québécois, la belle-mère est niaise, grincheuse, redoutable, envahissante... détestée? À tout le moins ridiculisée.

Puis je songe naturellement à Bernard Landry, également ancien premier ministre, qui y va à l'occasion de sorties publiques similaires sur des enjeux de société variés. Récemment par exemple, il commentait la situation entourant l'exploitation du pétrole gaspésien par la compagnie Pétrolia. Il fallait entendre, dès le lendemain, le maire de Gaspé François Roussy s'en prendre à M. Landry, déclarant que «l'ancien premier ministre aurait dû mieux s'informer avant d'intervenir sur le sujet». M. Landry, un autre vieux. Une autre belle-mère. Qui critique toujours tout. Qui n'est plus dans la partie. Qui devrait se taire (pour plusieurs péquistes). Que peut-il bien connaître sur le sujet?

J'aurai pu citer Lucien Bouchard aussi. Les exemples seraient tout aussi pertinents. Mais il n'a pas défrayé la manchette très récemment.

N.B. J'aurais bien aimé citer un exemple ancien premier-ministrable du côté des Libéraux (parmi les deux encore vivants: Daniel Johnson fils et Jean Charest), or ceux-ci tendent mystérieusement à disparaître prestement dans le privé après services rendus. Quoique Pierre Marc Johnson a, lui aussi, rejoint le groupe...

Le billet de Marc-André Robert se poursuit après la galerie

Pourtant, et c'est ce qui étonne le plus, ces deux hommes (Parizeau et Landry) en plus d'avoir occupé le plus haut poste public au Québec, ils ont contribué à bâtir l'État québécois tel qu'on le connaît aujourd'hui et depuis la Révolution tranquille.

M. Parizeau: conseiller économique des gouvernements Lesage et Johnson (père), il a contribué à la fondation de la Société générale de financement (SGF) et de la Caisse de dépôt et de placements (CDP), il a d'ailleurs siégé aux conseils d'administration de ces organismes, ministre des Finances dans le cabinet Lévesque, et j'en passe. Et je ne parle pas de sa carrière de professeur aux Hautes études commerciales (HEC) de 1955 à 1976, puis 1985 à 1989, directeur de l'Institut d'économie appliquée des HEC de 1973 à 1976.

M. Landry: conseiller au cabinet Lévesque, adjoint au directeur général de la planification du ministère des Richesses naturelles, coordonnateur québécois du Conseil canadien des ministres des Richesses naturelles, ministre des Relations internationales et ministre des Finances, puis vice-premier ministre. Lui aussi professeur, en sciences administratives à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM (1986 à 1994, et depuis 2006). Entre autres.

On est loin des nobody décriés par monsieur et madame tout le monde! Pourtant, l'expérience et les compétences n'y font rien tant le culte de la première personne surpasse aujourd'hui le savoir et la sagesse de ceux que l'on ne reconnait plus qu'aux rides et cheveux blancs. Chez nos voisins étatsuniens, la réalité est diamétralement opposée. Chaque sortie publique de l'ancien président démocrate Bill Clinton (devrais-je plutôt écrire président Clinton, puisqu'aux États-Unis, un président le demeure jusqu'à sa mort) est critiquée oui, mais respectée, considérée, analysée. Indépendamment des allégeances idéologiques et partisanes, les Américains reconnaissent l'intelligence et la sagesse de leurs (précédents) présidents. Même s'ils baignent dans la même tragédie télé-réalitaire et réseau-socialisée du me, myself and I que nous.

Est-ce simplement une extension du peu de reconnaissance sociale que l'on témoigne envers nos aînés? Ceux que l'on est si preste à condamner à l'isolement des CHSLD. Que l'on va visiter seulement quand et si on trouve le temps. Ces malades qui nous coûtent cher. D'ailleurs, pas besoin de regarder bien loin pour trouver des exemples de cette représentation condescendante et trouble du rapport que l'on entretient avec nos aînés. Sur nos téléviseurs. Dans la série Unité 9 cette année, le grand-père est malade, désaxé, abuseur par-dessus le marché. Dans 19-2, le vieux père est alcoolique, borné, criminel. Tiens, pour compléter le trio radiocanadien, dans Les Bougon (2004-2006), Pépère Bougon était paralysé en chaise roulante, pratiquement sourd, muet et aveugle. Tout un portrait de notre troisième âge!

Il y a quand même quelque chose d'indécent là-dedans. Il me semble qu'on devrait peut-être, collectivement, accorder plus de mérite aux interventions de nos anciens premiers ministres (péquistes). D'abord parce qu'il est sain et souhaitable qu'ils participent toujours au débat public, mais aussi parce qu'ils disposent d'une incroyable expérience politique et publique qui ne peut être que bénéfique. Que l'on soit d'accord ou pas avec eux, pouvons-nous le reconnaître au moins?

Bernard Landry

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