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Ramer dans tous les sens

Nous sommes tous en train de manquer l'essentiel de notre implication dans le milieu scolaire: instruire, qualifier et socialiser l'élève.
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La semaine dernière, le Conseil supérieur de l'éducation du Québec (CSE) a publié son Rapport de l'état et les besoins de l'éducation. Ce qui fait que ce rapport est d'autant plus intéressant est certainement que le Conseil qui le publie est un organisme de consultation et de réflexion critique, à l'intérieur des institutions démocratiques et à l'abri des groupes de pression. Bref, il n'est pas associé au MELS, mais il fait partie intégrante de l'appareil gouvernemental et, en plus, il est doté d'un droit de s'exprimer sans ligne de partie ; il est un organe interne de critique constructive qui se permet de réaliser des rapports et de les publier pour susciter un débat social. Autrement dit, le CSE est un comité de réflexion, formé de sages.

Pour en finir avec la Réforme...

Ledit rapport démontre des signes de stagnation du Programme de formation de l'école québécoise (PFÉQ), ce que plusieurs appellent encore et toujours la Réforme. Ces signes s'expliquent prioritairement par le fait que, justement, on réfère au Programme comme étant LA Réforme. Une réforme est un changement en profondeur. S'il était tout à fait justifié d'y référer ainsi à la fin des années 90 ou au début de l'actuel millénaire, il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui, presque deux décennies après son élaboration et presque quinze années après son implantation, on n'a plus à parler d'un changement en profondeur. Ceux qui y réfèrent encore en ces termes y donnent une connotation péjorative qui démontre à quel point ils continuent à résister à ses préceptes en évitant de prendre le virage imposé à l'époque.

Ce que le CSE dénonce cette semaine est en fait l'état de la situation de ces résistances qui se dressent depuis les dernières années. Tel que je l'explique dans mon livre Le changement en milieu scolaire, toute démarche de changement, peu en importe la profondeur ou l'étendue, doit être considéré comme étant un acte essentiellement politique où une croisade doit être entreprise pour convaincre les intervenants sur le terrain, ceux-là mêmes qui en deviendront les émissaires. En ce sens, le leadership mobilisateur et catalyseur du MELS doit être assis sur de solides bases de cohérence et de crédibilité afin d'espérer que ces derniers convainquent la masse.

C'est là que le bât blesse : une grande partie des intervenants de terrain n'ont pas été convaincus et ceux-là continuent à résister. Ce sont des enseignants, des cadres scolaires, des parents et parfois même des élèves qui ne se gênent pas pour critiquer négativement la Réforme sur toutes les tribunes qui s'offrent à eux. Et comme le négatif est particulièrement insidieux, il se transforme en méfiance et cynisme, ce qui justifie ultimement l'inertie. Ce que nous appelons affectueusement du chialage permet aux critiqueurs péjoratifs de se garder une position d'autoexclusion plutôt que de participation à une solution consensuelle. Il semble effectivement en vogue de se plaindre en éducation et cela n'améliore en rien la représentation que le public se fait du domaine de l'enseignement. Bien au contraire, cela contribue à alimenter l'image négative véhiculée du milieu de l'éducation. En fait, existe-t-il un domaine professionnel qui émet autant de critiques face à sa propre fonction ? Comme quoi, pour paraphraser Carl Leblanc, romancier québécois, « certains critiques sont capables de détruire, mais incapables de créer ». Triste constat.

Des pistes de solution

Néanmoins, des solutions existent, et le CSE en offre quelques-unes. Rien de particulièrement miraculeux, mais au moins, il prend l'initiative pour rassembler tous les intervenants en éducation québécoise autour d'un même objet : la nécessité de se parler, de débattre et, ultimement, de tous travailler dans le même sens, ce qui est loin d'être le cas à l'heure actuelle. À travers le rétablissement des canaux de communication verticaux allant du MELS jusqu'à la classe menée par un enseignant, un autre élément de solution apparait incontournable : l'importance de la formation continue des enseignants en poste. Il est navrant de constater à quel point un nombre impressionnant d'enseignants continue de se fier à sa formation universitaire d'il y a des années pour assumer sa tâche d'enseignement. Une chance qu'ils ne sont pas médecins, ingénieurs ou pilotes d'avion ! Tel que le précise le CSE dans son rapport : L'autonomie professionnelle des enseignants doit être préservée, mais elle s'accompagne aussi de devoirs en matière de formation continue et de développement professionnel.

Le CSE évoque également que l'organisation du travail dans les écoles peut nuire à cette autonomie professionnelle des enseignants. En effet, la centralisation des pouvoirs hors des milieux scolaires immédiats demeure un enjeu. Le leadership des cadres scolaires est difficile à exercer et les initiatives locales sont souvent écrasées sous le poids des structures bureaucratiques en éducation. Par ailleurs, il y a fort à croire que la diminution du nombre de commissions scolaires proposée par le ministre ne fera qu'exacerber cette situation en continuant toujours d'éloigner l'élève de l'endroit où se prennent les décisions qui le concerne !

En dernier lieu, une observation émanant du terrain qui est absente du Rapport : les agents de changement présents dans les milieux, ceux-là mêmes qui embrassent le changement et qui ont tendance à vouloir monter la barre, doivent être encouragés et valorisés dans leur profession. À l'heure actuelle, trop souvent ils sont écrasés par des collègues jaloux, mécontents ou blasés et qui ne veulent pas mettre la barre trop haute. Ce sont ces enseignants, cadres, techniciens ou autre personnel de service qui se montrent ouverts et disposés à faire évoluer le monde de l'éducation. On parle souvent des élèves qui se satisfont de peu ou même, on parle souvent de nivellement par le bas chez ces derniers. Il est déplorable de constater que, dans bien des milieux scolaires, les adultes reproduisent eux-mêmes ce comportement qu'ils dénoncent pourtant chez leurs élèves. Exit l'apprentissage par modélisation !

Comment remettre le PFÉQ sur les rails et au cœur des préoccupations des professionnels de l'éducation ? En réduisant le fossé entre la théorie véhiculée dans les documents ministériels et la pratique enseignante. En crevant l'abcès une bonne fois pour toutes, les acteurs doivent débattre, certes, mais surtout, ils doivent accepter de participer à des formations permettant leur actualisation professionnelle. Enfin, les vecteurs de changement doivent être valorisés au lieu d'être, à bien des égards, ostracisés.

Parce que dans l'énorme bateau que sont les onze années d'un élève au primaire et secondaire, il y a plusieurs rameurs qui rament dans tous les sens, il ne faut pas s'étonner que les résultats finaux soient mitigés et, surtout, en dernier lieu, que l'élève en fasse les frais ! En ce sens, nous sommes tous en train de manquer l'essentiel de notre implication dans le milieu scolaire : instruire, qualifier et socialiser l'élève. Nous n'aurons que nous à blâmer.

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