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Le quatrième mur

Le programme de formation doit être suivi, mais il offre à l'enseignant une pléthore d'occasions d'en sortir momentanément pour explorer l'inattendu.
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J'ai toujours été un admirateur d'Eddie Vedder. Sa prose, sa voix, sa personnalité font de lui un personnage mythique. Ses prestations musicales toujours passionnées m'impressionnent depuis longtemps. Je me souviens de l'avoir vu se lancer dans la foule à plusieurs moments et je me suis toujours demandé pourquoi il faisait cela. Qu'en était-il de sa sécurité? Et si le monde se tassait et qu'il tombait par terre?

La zone de confort

Tout cela m'est revenu à l'esprit en lisant David Usher, auteur-compositeur-interprète bien connu. Dans Laissez courir les éléphants, l'auteur démystifie la créativité pour encourager ses lecteurs à la développer et l'assumer. Il fait également référence au «quatrième mur». Ce concept, bien connu dans le monde du spectacle, désigne l'espace invisible séparant les artistes sur la scène de leur auditoire. C'est la bulle des artistes, leur environnement sécuritaire qui, bien souvent, est protégé par des gardiens. Il est d'ailleurs rare que la zone de confort prenne une forme aussi tangible et qu'elle soit perçue aussi facilement.

Mais qu'arrive-t-il lorsque l'artiste brise cette barrière invisible? Usher réfère aux plongeons qu'il a pris de la scène vers la foule, ou lorsqu'il se juche sur une barrière pour prendre un bain de foule alors qu'il chante. Cela change complètement l'ambiance: la foule s'excite, l'atmosphère s'électrise et de nouveaux liens se créent. Il abandonne la protection que lui confère le quatrième mur et accepte que sa sécurité, dans tous les sens du mot, soit compromise.

Découvertes par sérendipité

C'est là que, selon ses dires, cette imprévisibilité ouvre un monde de possibilités. Ni lui, ni personne ne sait ce qui se produira loin des lumières et de la mise en scène. C'est l'éloge du fortuit dans le processus créatif et celui de la communication. Les risques d'erreurs se multiplient, certes, mais d'un autre côté, le lien tissé avec le spectateur est enrichi.

Le but n'est pas de comparer le monde du spectacle à celui de l'éducation, mais vu que plusieurs enseignants perçoivent leur travail en tant que performance livrée quotidiennement devant leurs élèves et que, par ailleurs, nous critiquons souvent l'élève qui joue un rôle de «spectateur» dans sa démarche scolaire, l'analogie vaut la peine d'être explorée.

Ne négligeons-nous pas souvent le lien avec l'élève et les vertus de l'imprévisibilité dans notre pédagogie? Bien évidemment, le programme de formation doit être suivi, mais il offre une pléthore d'occasions d'en sortir momentanément pour explorer l'inattendu. Ainsi, tout comme le fait un artiste de la scène, lorsque l'enseignant se permet de franchir le quatrième mur pour descendre de sa tribune et se mêler à ses étudiants, d'extraordinaires expériences éducatives peuvent être vécues, et ce, autant pour les élèves que pour l'enseignant.

Voilà exactement où la sérendipité s'invite dans le processus d'apprentissage: elle permet d'heureuses découvertes alors qu'en fait, on cherchait autre chose.

En brisant le «quatrième mur», l'enseignant permet l'établissement de meilleurs liens en se rapprochant de l'élève. Il se donne droit à l'erreur via la valorisation de l'impromptu au sein de sa pédagogie. Il participe directement et efficacement à l'apprentissage des élèves. Il se place en situation vulnérable et, par son exemple, il incite l'élève à faire de même.

Les enseignants réclament, avec raison, plus d'autonomie professionnelle. La pédagogie active est un pas en ce sens, car elle permet l'exploration au-delà du programme de formation en donnant des perspectives d'enrichissement et d'approfondissement de la matière en touchant à des aspects qui intéressent et mobilisent les élèves. Mais pour ce faire, il faut briser le quatrième mur pour écouter les élèves, les suivre de près dans leur démarche et les inciter à collaborer sur une base quotidienne.

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Avril 2018

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