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Philippe Couillard et l'art du sexisme économique

Depuis mon élection en avril 2014, il ne se passe pas une journée sans que je constate comment les femmes sont dans la mire des politiques budgétaires sexistes du gouvernement libéral.
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Depuis mon élection en avril 2014, il ne se passe pas une journée sans que je constate comment les femmes sont dans la mire des politiques budgétaires sexistes du gouvernement libéral. Ou bien sans qu'un ministre libéral ne fasse une blague à des hommes d'affaires gaspésiens en leur disant de venir à Montréal et d'amener leurs conjointes « il y a plein de centres d'achats », ou qu'un député de la CAQ banalise les agressions sexuelles en commission parlementaire, ou qu'un député du PQ s'entête à discriminer les femmes musulmanes avec son projet de Charte des valeurs.

Et cela ne fait même pas un an que je suis en poste à l'Assemblée nationale. Je ne fais pas un grand «coming out» ici en vous disant que je suis féministe et qu'avec ce chapeau que je porte depuis 20 ans maintenant, ces constatations quotidiennes me dérangent grandement, encore plus le 8 mars, la Journée internationale des femmes.

En 1995, la marche du Pain et des roses avait lieu partout au Québec. Plus de 800 femmes ont marché des milliers de kilomètres pour dénoncer la pauvreté dans laquelle les choix économiques des gouvernements les maintiennent. C'est en marchant avec ces femmes que j'ai fait mon premier «coming out» de féministe! Déjà en 1995, nous constations toutes le mur devant nous.

Vingt ans plus tard, le gouvernement Couillard fait le choix de l'austérité, mettant volontairement de côté l'égalité.

Les femmes sont moins payées que les hommes pour un même travail et même si elles ont plus d'éducation; elles vivent pauvres plus longtemps que les hommes; elles assument davantage les tâches domestiques et le travail de parent et prennent donc des pauses dans leur carrière qui affectent à la baisse leur revenu; elles occupent les emplois au bas de l'échelle.

Malgré ces faits évidents que nous répétons jour après jour, les gouvernements, avec une majorité d'hommes à la barre, refusent de voir que les politiques budgétaires sont sexistes et discriminent les femmes. Encore plus avec l'austérité, qui n'est pas « une vue de l'esprit » pour les femmes, mais qui a des impacts concrets dans leur vie, à tous les jours. Je le voyais amplement quand je travaillais avec les femmes avant d'être élue et je le vois encore aujourd'hui quand des groupes ou des femmes de mon comté me racontent leur histoire.

L'austérité cible les femmes avant tout. Nous sommes ciblées comme femmes : le gouvernement refuse de reconnaître la discrimination systémique vécue par les femmes en n'effectuant pas d'analyse différenciée selon les sexes de ses politiques et mesures. Mais les femmes sont aussi ciblées comme travailleuses du secteur public: avec les offres patronales dans le cadre des négociations du secteur public, on veut qu'elles travaillent encore plus avec moins de ressources et pour moins cher. Le gouvernement ne reconnaît pas la valeur du travail des femmes, qui forment 75% des employés de l'État.

Nous sommes ciblées comme mères: la fin de l'universalité dans les services de garde forcera des femmes à faible revenu à choisir entre le marché du travail et la garderie.

Nous sommes ciblées en tant que principales utilisatrices des services publics, pour elles et leur famille. Les compressions et hausses de tarifs dans ces services affectent directement leur qualité de vie et les forcent à assumer les services que l'État n'assume plus.

Nous sommes ciblées comme retraitées, puisque le gouvernement a mis la hache dans les régimes de retraite des employé.es municipaux et la même menace plane sur les employé.es du secteur public.

Nous sommes ciblées comme immigrantes: en coupant dans le financement des organismes d'accueil des nouveaux arrivant.es, le gouvernement nuit grandement à leur inclusion. Nous sommes ciblées comme lesbiennes: dans les modifications prévues au programme de procréation assistée dans le projet de loi 20, toutes les personnes nécessitant l'intervention d'une tierce partie, ce qui est le cas de 100% des couples gais et lesbiennes, ont l'obligation d'obtenir un résultat positif à une évaluation psychosociale.

Nous sommes ciblées comme prestataires de l'aide sociale: le gouvernement refuse de cesser la discrimination exercée à l'endroit des mères monoparentales sur l'aide sociale en considérant leur pension alimentaire pour enfants comme un revenu imposable.

De quels autres exemples ce gouvernement a-t-il besoin pour revoir ses politiques sexistes?

Depuis que je suis députée, j'ai bien vu les ministres libéraux prendre quelques notes en chambre ou en commission parlementaire quand on aborde le sujet de l'austérité libérale et son sexisme économique envers les femmes. Mais les discours du Conseil du patronat ou de l'Institut économique de Montréal semblent les captiver bien plus.

Le Québec gaspille encore une formidable occasion de revoir et transformer son modèle économique sexiste ; la crise financière des dernières années nous ouvrait grande la porte pour faire d'autres choix, qui placent les citoyens au centre et pas les grandes entreprises et les banques, pour une fois!

Sourds aux appels, les gouvernements Charest, Marois et Couillard ont continué à mettre de l'avant des politiques sans vision de transformation de ce sexisme économique. Les motivations électoralistes l'emportent trop souvent sur l'égalité.

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