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Panama Papers: l'Amérique latine face à l'évasion fiscale

Au-delà des nombreuses réactions et des ouvertures d'enquêtes à travers la région, les Panama papers rappellent que l'évasion fiscale demeure un important problème pour les pays latino-américains.
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Les révélations des « Panama papers » en avril dernier ont secoué le monde entier et l'Amérique latine n'a pas été épargnée. Du Mexique à l'Argentine, en passant par le Brésil et le Chili, les noms de politiciens, de gens d'affaires et de leurs proches sont apparus comme des actionnaires ou des propriétaires de sociétés offshore dans ces documents confidentiels du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca. Au-delà des nombreuses réactions et des ouvertures d'enquêtes à travers la région, les Panama papers rappellent que l'évasion fiscale demeure un important problème pour les pays latino-américains. Pour ces derniers, la lutte contre l'évasion fiscale constitue une priorité pour consolider le développement et lutter contre les inégalités qui caractérisent encore aujourd'hui l'Amérique latine.

Que nous apprennent les Panama papers?

Un des enseignements des Panama papers réside dans l'image du Panama à l'échelle internationale. Le pays d'Amérique centrale est souvent cité comme un paradis fiscal et il pourrait aboutir sur la liste noire de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), qui fait référence aux pays qui ne respectent aucune règle de l'OCDE en matière de coopération fiscale. Aucun pays du monde ne figure actuellement sur cette liste noire, contrairement à la « liste grise » qui fait référence aux pays qui se sont engagés à respecter les règles de l'OCDE sans les appliquer et dans laquelle on retrouve des pays comme le Guatemala et Trinité-et-Tobago. Ces nouvelles révélations, qui placent le cabinet panaméen Mossack Fonseca au cœur d'un vaste système d'évasion fiscale internationale, n'aident évidemment pas les autorités panaméennes qui avaient pris des engagements en matière de transparence auprès de l'OCDE dans la lutte contre l'évasion fiscale. Par ailleurs, la France, qui avait retiré le Panama de sa liste noire des paradis fiscaux en 2012, a décidé de le réintégrer dans cette liste suite aux révélations d'avril dernier.

Un autre point saillant des révélations porte sur les nombreuses personnalités latino-américaines citées dans les Panama papers. Un des cas les plus intéressants est celui de l'actuel président de l'Argentine, Mauricio Macri. Il est pour le moment le seul président latino-américain en exercice cité; ils sont six au niveau mondial. L'ancien homme d'affaires et maire de Buenos Aires a reconnu l'existence entre 1998 et 2008 d'une société familiale fondée par son père et basée aux Bahamas, la Fleg Trading Ltd, en prenant soin de souligner que ceci était légal et qu'il n'en a jamais été actionnaire. La famille Macri détient aussi une société au Panama, la Kagemusha SA. La justice argentine a d'ores et déjà sollicité les autorités bahamiennes et panaméennes pour déterminer si le président argentin est actionnaire de ces deux entreprises.

Au Brésil, de nombreux membres du Congrès ont été cités, dont le président de la chambre des députés, Eduardo Cunha. Ce dernier, qui est à l'origine de la procédure de destitution contre la présidente Dilma Rousseff, détiendrait des comptes bancaires dans des paradis fiscaux. Eduardo Cunha, qui fait face également à des soupçons de blanchiment d'argent dans l'affaire Petrobras, a réfuté les informations des Panama papers. Au Chili, le président de Chile Transparente -- la branche chilienne de Transparency International -- Gonzalo Delaveau Swett a dû démissionner après des révélations sur ses liens avec des sociétés offshore dans les îles Vierges britanniques. Les révélations touchent également des pays comme le Mexique avec des proches du président Enrique Peña Nieto, l'Équateur avec l'ancien gouverneur de la Banque centrale et cousin du président Rafael Correa, Pedro Miguel Delgado Campaña, le Pérou avec l'ancien ministre de l'Économie et des Finances et actuel candidat au second tour de l'élection présidentielle, Pedro Pablo Kuczynski, le Venezuela avec l'ancien directeur de la compagnie pétrolière nationale, Jesús Villanueva, de même que l'ancien chef de la sécurité d'Hugo Chávez, Adrián Velásquez.

Il faut vraisemblablement s'attendre à ce que davantage de gens soient nommés au fur et à mesure que d'autres révélations sortiront des Panama papers. Cependant, au-delà des noms des personnalités cités, cette affaire rappelle toute la problématique de l'évasion fiscale en Amérique latine.

La lutte contre l'évasion fiscale, un véritable problème en Amérique latine

Les révélations des Panama papers ne font que confirmer les difficultés des systèmes fiscaux des pays de la région et le manque de culture fiscale qui y règne, comme le souligne la Commission économique des Nations unies pour l'Amérique latine et les Caraïbes (Cepalc). Dans un rapport publié en mars 2016, la Cepalc indique qu'en 2014, l'évasion fiscale a coûté plus de 320 milliards $ US, soit 6,3 % du produit intérieur brut (PIB) de la région. Ceci s'est accompagné d'une détérioration du déficit fiscal, qui est passé de 2,5 à 3,1 % du PIB entre 2014 et 2015, alors que sur la même période, la dette publique de la région a évolué de 33,2 à 34,7 % du PIB. Selon la Cepalc, le principal problème auquel sont confrontés les systèmes fiscaux latino-américains est l'évasion fiscale -- que ce soit sur l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés ou sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) --, ce qui a évidemment des conséquences sur les recettes fiscales qui constituent une des principales sources de revenus des États.

Ces dernières années, la région n'a pas réussi à augmenter significativement ses recettes fiscales, estimées à 21,4 % du PIB en 2012, 21,5 % en 2013 et 21,7 % en 2014. Par comparaison, en 2014, la part des recettes fiscales dans le PIB des pays de l'OCDE et celle des pays de la zone euro s'élevaient respectivement à 34,4 % et 41,5 %. Si on ajoute à cela la récession économique qui frappe la région, on saisit mieux l'état précaire des finances publiques des États latino-américains. Ceci a logiquement des conséquences sur la capacité des États en matière de financement des services publics, des programmes sociaux, et plus globalement, dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités. Au-delà de ses effets sur l'économie, l'évasion fiscale constitue un obstacle à la justice sociale d'un État, en particulier dans la région la plus inégalitaire de la planète.

En définitive, il appert qu'à l'image de nombreuses régions du monde, l'Amérique latine est fortement touchée par le phénomène de l'évasion fiscale. Depuis des décennies, diverses solutions, dont l'informatisation du processus de déclaration fiscale ou l'approfondissement de la coopération internationale en matière d'échanges d'informations liées à la fiscalité, sont énoncées pour lutter contre la fraude fiscale. Toutefois, le phénomène persiste et n'est pas prêt de prendre fin, à moins d'un réel engagement de tous les États à lutter contre ce fléau, en particulier ceux considérés comme des paradis fiscaux.

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