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Au-delà de la rencontre historique entre Raúl Castro et Barack Obama

Il sera intéressant d'analyser la position de Cuba face à la Charte de l'Organisation des États américains, dont les fondements sont le respect de la démocratie et des droits de l'homme.
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Le Sommet des Amériques, qui s'est tenu au Panama les 10 et 11 avril 2015, restera marqué par la rencontre historique entre le président américain Barack Obama et son homologue cubain Raúl Castro.

Après plus de cinquante ans d'opposition, les États-Unis et Cuba ont convenu en décembre 2014 de renouer leurs relations diplomatiques et la rencontre des deux chefs d'État à Panama est venue souligner leur volonté de définir une nouvelle ère entre les deux pays. Au-delà de cette rencontre historique, ce sommet a également été le premier à avoir réuni tous les pays de l'hémisphère et celui lors duquel la volonté de Washington de retrouver son influence dans les Amériques aura été la plus marquée.

Panama 2015 : le « premier » Sommet des Amériques

L'absence de Cuba a été l'une des particularités du Sommet des Amériques, et ce, depuis la première édition, qui s'est tenue à Miami (États-Unis) en 1994. Ces dernières années, l'intégration de la république communiste dans les affaires hémisphériques à travers l'Organisation des États américains (OEA) et le Sommet des Amériques a été le principal point de discorde entre les États-Unis et les pays latino-américains. Pour ces derniers, la coopération interaméricaine ne pouvait être totale et réelle avec l'exclusion de Cuba de l'OEA, en vigueur depuis 1962.

En 2009, cette exclusion est levée, mais La Havane - qui considère l'OEA comme une institution à la solde de Washington - n'intègre pas l'organisation, préférant participer activement à la création de la Communauté des États latino-américains et caribéens (Celac). C'est dans un contexte de rapprochement avec les États-Unis initié en décembre dernier que Cuba a participé pour la première fois au Sommet des Amériques d'avril 2015. Il est évident que les divergences restent nombreuses entre Washington et La Havane, notamment sur la question des droits de l'homme, mais la présence de Raúl Castro à Panama constitue un fait marquant de la participation et de l'implication de tous les pays à la rencontre continentale.

Lors de ce sommet, dont le thème principal était «Prospérité avec équité: le défi de la coopération dans les Amériques», aucun engagement fort n'a été pris concernant les principaux enjeux qui affectent la région comme la corruption, la lutte contre les inégalités, la criminalité et les droits de l'homme. La rencontre entre les présidents cubain et américain a éclipsé les autres enjeux de ce sommet, qui aura été une occasion pour le gouvernement américain de réaffirmer, s'il le fallait encore, qu'il reste un acteur incontournable de la coopération interaméricaine.

Barack Obama, l'autre gagnant de ce sommet

Si l'on devait désigner un gagnant à la suite de ce sommet, il est évident que le nom de Raúl Castro ressortirait, lui qui a réussi à placer son pays au-devant de la scène de la plus grande rencontre hémisphérique à l'occasion de sa première participation.

Cependant, on ne peut ignorer le capital politique que le président Barack Obama s'est procuré lors de ce sommet. Aux yeux du monde et en particulier de l'Amérique latine, le président Obama est celui qui s'est montré le plus ouvert et le plus disposé à rétablir les relations diplomatiques avec Cuba, et même le président Castro l'a qualifié «d'homme honnête». Si l'on peut remettre en question les réelles intentions - économiques, notamment - qui motivent le président Obama dans son rapprochement avec La Havane, c'est bien sous son leadership que ce rapprochement a été possible et que Cuba a rejoint le concert des États américains.

Barack Obama a également réussi à calmer un différend qui est survenu quelques semaines avant le sommet de Panama avec un pays allié de Cuba: le Venezuela.

En marge de l'actuelle crise vénézuélienne, le président Obama avait déclaré que le Venezuela constituait une menace pour son pays et il avait par conséquent appliqué des sanctions - gels d'avoirs et interdictions de visa - contre sept dirigeants vénézuéliens. Cette décision avait été largement condamnée par les pays latino-américains, et il est évident qu'une augmentation de la tension avec Caracas au moment où Washington souhaite normaliser ses relations avec La Havane s'avérait être incohérente avec la volonté du président américain de réaffirmer le rôle central des États-Unis en matière de coopération continentale. Ainsi, juste avant le sommet, Thomas Shannon, un conseiller du département d'État américain, s'est rendu au Venezuela où il s'est entretenu avec le président Nicolás Maduro et avec la ministre des Affaires étrangères Delcy Rodríguez pour apaiser les tensions entre les deux pays. Lors du Sommet des Amériques, le président américain s'est ensuite entretenu avec son homologue vénézuélien, même si aucune grande décision n'est ressortie de cet entretien.

Les différends entre les deux pays restent importants, mais en se présentant au sommet dans un esprit d'apaisement des relations avec la république bolivarienne, le président américain s'est vraisemblablement attiré les faveurs de pays latino-américains comme le Brésil, qui s'est proposé comme médiateur entre les deux pays. Toutefois, ce modeste rapprochement n'empêche pas les États-Unis de chercher à réduire l'influence du Venezuela dans les Caraïbes. En effet, avant sa venue au Sommet des Amériques, le président Obama s'est rendu en Jamaïque, où il a défendu auprès des dirigeants des États de la Communauté caribéenne (Caricom) l'initiative de la sécurité énergétique des Caraïbes. Cette initiative, qui est présentée par Washington comme un projet visant à aider les pays caribéens à sortir de leur dépendance énergétique, constitue plutôt une alternative à Petrocaribe, qui est une alliance permettant la vente de pétrole vénézuélien à un tarif préférentiel en faveur de 17 pays caribéens, et qui a été lancée par le Venezuela en 2005.

En définitive, le sommet de Panama a permis aux États-Unis de réaffirmer leur leadership dans l'hémisphère. À travers le rapprochement avec Cuba, l'atténuation de la tension avec le Venezuela, la consolidation des relations avec les pays latino-américains et caribéens, les États-Unis cherchent à retrouver une part de l'influence qu'ils avaient autrefois dans les Amériques.

Pour Cuba, cette rencontre a constitué une nouvelle étape dans sa quête de reconnaissance internationale. Toutefois, avec cette première participation de Cuba au Sommet des Amériques, la question de l'adhésion de l'île des frères Castro aux principes de l'OEA se pose désormais avec plus d'insistance. Cuba étant souvent critiqué pour ses manquements démocratiques, il sera intéressant d'analyser sa position face à la Charte démocratique de l'OEA, dont les fondements sont la bonne gouvernance, le respect de la démocratie, des droits de l'homme et des institutions.

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