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ASPA: un levier de sortie de crise économique pour l'Amérique du Sud

L'Amérique du Sud aurait beaucoup à gagner à consolider ses relations commerciales avec les pays arabes et à attirer leurs investissements.
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Les 10 et 11 novembre 2015, la capitale de l'Arabie saoudite, Riyad, a accueilli la quatrième édition du sommet de l'Amérique du Sud et des pays arabes (ASPA). Lancé en 2005, l'ASPA constitue un important cadre de dialogue birégional sur différents sujets et un espace de coopération commerciale qui offre de nombreuses opportunités aux pays des deux régions. Les pays arabes disposent de capacités d'investissement dont les pays sud-américains ont besoin, et ces derniers sont de grands producteurs de produits agroalimentaires, qui représentent une grande partie des importations des pays arabes. Pour contrer la récession qui la frappe depuis 2010, l'Amérique du Sud aurait beaucoup à gagner à consolider ses relations commerciales avec les pays arabes et à attirer leurs investissements.

ASPA: la première initiative brésilienne de coopération sud-sud

Dès son arrivée au pouvoir en 2003, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a défini la consolidation de la coopération sud-sud comme une priorité de la politique étrangère brésilienne. Une des particularités de cette «diplomatie du sud» mise de l'avant par Brasilia est qu'au-delà de son propre rapprochement avec les pays d'Afrique et du Moyen-Orient, le Brésil a aussi milité pour un rapprochement plus large en favorisant les dialogues birégionaux.

C'est notamment ce que permettent le sommet Amérique du Sud - Afrique (ASA), lancé en 2006, ainsi que le sommet Amérique du Sud - pays arabes (ASPA), qui a été inauguré à Brasilia (Brésil) lors du premier sommet des chefs d'État et de gouvernement en 2005.

L'ASPA s'avère ainsi être le premier mécanisme de coopération interrégionale initié par le Brésil. Il regroupe les 12 pays d'Amérique du Sud qui forment l'Union des nations sud-américaines (Unasur) depuis 2008, ainsi que les 22 pays de la Ligue arabe. Le deuxième sommet, qui s'est tenu en 2009 à Doha (Qatar), a été l'occasion de mettre en place la structure décisionnelle de l'ASPA. Les deux premiers niveaux de cette structure sont le Sommet des chefs d'État et de gouvernement, qui se réunit tous les trois ans, et le Conseil des ministres des Affaires étrangères, qui se réunit tous les deux ans. On retrouve ensuite le Conseil des hauts fonctionnaires, et les comités sectoriels (économie et commerce ; science et technologie ; environnement ; social ; culture et éducation). Il y a, enfin, le groupe exécutif de coordination, composé des présidents temporaires de la Ligue arabe et de l'Unasur, de même que des secrétaires généraux de ces deux organisations régionales. En 2012, c'est à Lima (Pérou) que s'est tenu le troisième sommet de l'ASPA, qui a notamment été marqué par la création de la fédération des chambres de commerce arabes et sud-américaines, dont l'objectif est de renforcer les échanges commerciaux entre les deux régions.

C'est justement dans le secteur économique et commercial que résident les principaux intérêts des deux régions. Dans leur quête de croissance, les pays sud-américains ont besoin des investissements des pays arabes, en particulier ceux du Moyen-Orient. Ces derniers, dont les produits agricoles représentaient en 2013 51,6 % de leurs importations de produits primaires, souhaitent pouvoir compter sur la production agroalimentaire sud-américaine.

Un partenariat commercial à consolider

Généralement, la création d'un cadre de coopération entre États ou entre régions répond à des objectifs principalement politiques, économiques et commerciaux ; l'ASPA n'y fait pas exception. Le renforcement des relations bilatérales, la question palestinienne, la crise syrienne, la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies (chère au Brésil) sont autant de sujets politiques qui ont été abordés lors des différents sommets de l'ASPA. Cependant, au-delà du renforcement des relations diplomatiques, des déclarations et des condamnations, l'ASPA n'a pas (encore) une importante marge de manœuvre ou une influence significative sur des enjeux majeurs, notamment au Moyen-Orient. La guerre en Syrie en est une parfaite illustration en raison de la difficulté pour les pays arabes (et par conséquent ceux de l'ASPA) d'adopter une position commune quant à la résolution de la crise.

En outre, l'ASPA constitue un cadre offrant de nombreuses occasions commerciales et d'investissement, et c'est dans ce domaine que des pays sud-américains comme le Brésil et l'Argentine, confrontés à une récession, auraient avantage à travailler en synergie. Entre 2004 et 2014, le commerce entre les deux régions est passé de 11 milliards $ US à plus de 30 milliards $ US. Les principaux produits exportés par l'Amérique du Sud vers les pays arabes sont les produits alimentaires comme la viande, le sucre, les céréales, tandis que les principaux produits importés par les pays sud-américains sont les combustibles minéraux. Il existe donc une complémentarité entre les économies des deux régions qui gagnerait à être mieux exploitée.

S'il est difficile d'établir un lien de causalité directe entre cette augmentation du commerce birégional et la mise en place de l'ASPA, on peut cependant supposer qu'il existe une forte corrélation, car l'ASPA constitue un cadre favorable à la hausse des échanges commerciaux et à la signature d'accords entre les pays des deux régions. À titre d'exemple, on peut citer la signature, à l'occasion du Sommet de Brasilia de 2005, d'un accord économique prévoyant, entre autres, la création d'une zone de libre-échange entre les pays du Marché commun du sud (Mercosur) et les pays du Conseil de coopération du Golfe (Arabie Saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar). C'est également dans ce contexte de rapprochement entre l'Amérique du Sud et les pays arabes que des pays comme le Brésil, l'Argentine et le Pérou ont défini une véritable politique de consolidation de leurs relations commerciales avec les pays arabes.

L'investissement constitue un autre secteur porteur d'opportunités à approfondir pour les pays sud-américains. En octobre dernier, le Système économique latino-américain et caribéen (SELA) indiquait qu'entre 2009 et 2013, la part des investissements directs étrangers (IDE) des pays arabes destinés à l'Amérique latine et aux Caraïbes était passée de 0,4 % à 1,1 %.

Les pays sud-américains, et plus globalement les pays latino-américains, auraient ainsi avantage à renforcer leur attractivité afin de promouvoir les investissements des pays arabes dans la région. L'agriculture, les infrastructures, le tourisme, l'énergie et les mines sont autant de secteurs dans lesquels les pays sud-américains peuvent attirer les investisseurs des pays arabes. Ceci ne peut se faire sans la participation du secteur privé, qui est présent depuis le début de l'ASPA et qui a organisé des forums sur l'entrepreneuriat lors des sommets de Brasilia en 2005 et de Doha en 2009.

Perspectives d'ici le prochain sommet en 2018

Lors du dernier sommet, seuls les présidents du Venezuela et de l'Équateur ont été présents. Cette absence de la grande partie des chefs d'État sud-américains illustrerait-elle déjà une marginalisation de cette coopération avec les pays arabes ? Chose certaine, l'Amérique du Sud a tout intérêt à tirer profit de son partenariat économique non négligeable avec les pays arabes pour l'aider à sortir du marasme économique actuel. Par ailleurs, les dirigeants de l'ASPA ont réitéré leur volonté d'insuffler une nouvelle dynamique institutionnelle à l'ASPA avec, entre autres, la création d'un secrétariat permanent. Ce dernier pourrait permettre une meilleure coordination de la coopération entre les deux régions. Il sera donc intéressant d'analyser l'orientation qui sera donnée à l'ASPA par les deux régions d'ici le prochain sommet, prévu en 2018 au Venezuela.

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