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Cours de danse à moitié prix pour les garçons: publicité sexiste?

Montrer des danseurs magnifiques pour toucher la sensibilité et l'imaginaire des jeunes garçons, voilà le bon moyen de les convaincre de pratiquer la danse. Pas un rabais de 50% sur un cours de ballet.
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Ce matin, ma fille lisait le journal municipal, probablement pour trouver une opportunité de sortie en ce samedi de février, alors que la température s'obstine à rester sur le -10°c et que nous commençons à manquer d'imagination en la matière (resto, cinéma, bowling, cinéma, bowling, resto). Effectivement, nous n'aimons pas le froid, mille excuse aux amateurs de pêche blanche, de raquette, de ski de fond, de patin et autres glissades polaires.

Elle était donc bien tranquillement assise, sur le canapé du salon, à lire « Laval en Famille », lorsqu'elle m'a crié un « Maman! » à déchirer l'âme. Étant habituée à ce genre d'exagérations émotionnelles (vive l'adolescence), j'ai placidement continué ma partie de candy crush (satané niveau 1740!), assise à la table de la cuisine, écoutant d'une oreille attristée les horreurs du journal télévisé tournant en boucle : attentat de Québec, Trump, immigration, verglas, Trump, verglas, attentat de Québec, immigration.

« Maman, regarde! Les cours de danse sont à 50% de rabais pour les garçons! »

J'ai sursauté. Elle a jubilé. J'ai abandonné mon casse-tête de bonbons et guimauve pour lire le papier qu'elle me plantait fièrement sous le nez : l'Académie de Danse Italia offre « 50% de rabais sur un abonnement familial et sur l'abonnement d'un garçon ».

Mon radar à discrimination s'est aussitôt affolé. Oh la belle publicité sexiste! Mais pourquoi donc les garçons paieraient-ils deux fois moins cher que les filles pour pratiquer un sport? Ceci m'a paru être, de prime abord, une sacrée injustice et l'envie d'écrire s'est de nouveau imposée, comme une pulsion irrésistible, un besoin essentiel de dénoncer l'inacceptable (lire aussi Publicités sexistes, on commence bien l'année).

Cette publicité est-elle sexiste?

L'attitude discriminatoire fondée sur le sexe, à la base des inégalités entre les hommes et les femmes, définit le sexisme. En ce sens, cette publicité, parce qu'elle propose aux garçons de payer moins cher que les filles, est sexiste.

Mais, comme l'a fait remarqué ma fille : « C'est vrai qu'ils doivent avoir du mal à trouver des garçons pour leurs cours de danse. » Cette promotion viserait donc à rétablir un équilibre, dans un domaine où les stéréotypes sociétaux pèsent lourd. En effet, l'image du danseur en collants pratiquant l'entrechat est la plupart du temps, encore, associée à l'homosexualité. Les petits gars attirés par la discipline risqueraient de se faire insulter. Ils préfèrent donc faire ce qu'il est attendu: courir après un ballon ou frapper la rondelle.

Faire payer les filles deux fois plus cher que les garçons n'est alors plus justifié. C'est injuste et discriminatoire.

Cette tarification spéciale pour les garçons aurait donc été initiée par la volonté de faire de la danse un sport moins genré, une forme étonnante de discrimination positive, envers une catégorie de la population en général dominante. Surprenant, mais louable, du moins, à première vue.

L'égalité des genres ne s'achète pas au rabais

Là où le bât blesse, c'est que cette école ne propose pas que des cours de danse classique. Elle offre aussi, entre autres, des cours de hip-hop, de claquettes et de flamenco. De plus, on peut y apprendre le chant, la peinture et même l'italien, autant d'activités qui ne souffrent pas des mêmes représentations stéréotypées que le ballet. Les clichés qui entourent l'homme italien ou le danseur espagnol ne penchent, en effet, absolument pas, du côté de la féminité, bien au contraire. Et le hip-hop est plus souvent associé à l'homophobie qu'au mariage gai.

Faire payer les filles deux fois plus cher que les garçons n'est alors plus justifié. C'est injuste et discriminatoire.

Avant de conclure, je m'interroge sur l'efficacité de cette promotion. Je me demande si l'argument financier est suffisant pour convaincre les garçons de pratiquer un sport ou une activité vers laquelle ils n'iraient pas d'eux-mêmes. Les parents pourraient, éventuellement, se laisser tenter par le prix, mais comment alors présenter cela à leurs p'tits gars : « pour la rentrée, tu feras de la danse, un rabais de 50%, je ne vais pas manquer ça! »

La valeur de l'exemple

Pour combattre les clichés et faire progresser les sociétés, rien ne vaut l'exemple. Les enfants doivent pouvoir s'identifier à des figures emblématiques qui deviennent leurs héros, leurs héroïnes et les incitent à prendre le même chemin. Montrer des danseurs magnifiques pour toucher la sensibilité et l'imaginaire des jeunes garçons, voilà le bon moyen de les convaincre de pratiquer ce sport. Il faut leur expliquer que la danse n'est pas un sport réservé aux filles, mais une discipline qui nécessite de la force physique et beaucoup de travail. C'est un art merveilleux qui transcende les corps et touche l'âme.

J'ai une proposition pour l'Académie Italia : si vous voulez attirer des garçons, montrez-les dans vos publicités, affichez-les en train de danser, prouvez-leur qu'ils peuvent tirer un grand plaisir à pratiquer la danse... Et ils viendront. Ils viendront sans rabais ni promotion.

En ce froid samedi de février, une publicité a suscité un débat féministe dans notre famille et encore une fois, nous n'avons pu que nous affliger.

Et vous, pensez-vous, comme nous, que cette publicité est sexiste?

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