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Le défi que nous avons est collectif : assurer l'harmonie en favorisant le maintien et l'appropriation de valeurs qui fondent la cohésion de la société. Il est aussi individuel, à savoir que chaque personne a la responsabilité de s'y conformer dans sa vie publique.
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« Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon, nous allons mourir ensemble comme des idiots » - Martin Luther King

Dans les années 80, je vivais à Vincennes; non loin de l'un des macabres théâtres des événements qui ont secoué toute la France, ainsi que l'ensemble des nations démocratiques, dont bien sûr le Québec. Nous avons tous été profondément attristés par ces pertes de vies et choqués par cette atteinte brutale à la liberté d'expression.

En France, les années 80 ont été celles de l'émergence de débats politiques passionnés sur l'immigration, mais également sur les thèmes relatifs à la citoyenneté et à la nationalité, avec notamment la montée de la droite extrême et ses slogans du genre « Être français ça se mérite ». Ambiance tendue, message de marginalisation et d'exclusion perçu alors... Avec un groupe d'amis artistes, écrivains, médecins et juristes de toutes origines, animés par l'héritage humaniste français, nous militions pour faire entendre nos voix afin d'éveiller les consciences... Nous avions le soutien de personnalités comme Jack Lang et Pierre Cardin.

Cette décennie 80 a aussi été dans les banlieues, celle de l'émergence de l'islam, devenue pour plusieurs, le visage religieux de l'immigration, et ce dans une société laïque aux valeurs républicaines historiques. Parallèlement à cela, les problématiques reliées à la pauvreté, au chômage, à la délinquance et à la ghettoïsation dans les banlieues françaises viendront exacerber les tensions et mèneront notamment aux émeutes de 2005.

Mais comme l'a écrit le sociologue Robert Castel (Le Nouvel Observateur, 2007), en dépit de cet électrochoc national de 2005, rien n'a vraiment changé dans les banlieues. Les jeunes issus de l'immigration, dit-il, y sont toujours assignés à résidence et accumulent les mêmes contre-performances sociales : échecs scolaires, absence d'avenir professionnel. Ils s'insurgent contre les discriminations dont ils sont victimes pour l'emploi ou le logement. « D'où la tentation pour ces populations stigmatisées de retourner le stigmate, de s'affirmer arabe, noire ou musulmane, à défaut de pouvoir être reconnues comme membres à part entière de la nation française ». Ambiance tendue, message d'auto-marginalisation et d'auto-exclusion perçu alors... La posture victimaire est réelle, la fracture sociale consommée.

Un terreau fertile se développe pour les islamistes radicaux qui trouvent là, une pépinière inépuisable de jeunes désœuvrés qu'ils recrutent, manipulent et envoient au front, que ce soit au Proche-Orient, dans les locaux de Charlie Hebdo ou dans une épicerie juive de la porte de Vincennes... Avec l'Internet et les réseaux sociaux, sans oublier l'endoctrinement radical dans le milieu carcéral, ces jeunes deviennent l'une des armes secrètes, et peu dispendieuse, des puissantes organisations terroristes en guerre contre l'Occident. On estime qu'entre 3000 et 5000 Européens, principalement des jeunes hommes, sont partis faire le djihad dans des pays comme la Syrie et qui pourraient bien représenter une menace une fois de retour chez eux.

Comme cela a été souligné ces derniers jours, parmi les 4 millions de personnes qui ont marché pour exprimer leur indignation face aux attentats commis en France, plusieurs ont également manifesté pour un changement profond des politiques d'immigration et d'intégration. Tout cela met en relief un débat de fond, en France avec la montée des communautarismes, mais également dans d'autres pays européens qui ont adopté la politique du multiculturalisme qui, de l'aveu même de leurs dirigeants, britanniques et allemands notamment, est un échec et, dans le contexte actuel, une invitation au fondamentalisme religieux.

Sans littéralement comparer la situation en France à celle du Québec, il est bon, voire prudent, d'en prendre acte. Ce qui est comparable, jusqu'à un certain point, ce sont les profils de ces jeunes terroristes à Paris, Ottawa et Saint-Jean-sur-Richelieu. Pour le neuropsychiatre français Boris Cyrulnick, ces jeunes ne sont pas des fous, ni des monstres, « ce sont des enfants normaux et en détresse, façonnés intentionnellement pour une minorité qui veut prendre le pouvoir. Ces enfants sont abandonnés, en difficulté psychosociale et éducative, et il faudrait d'abord les éduquer. Ils le sont par les réseaux sociaux qui sont une arme pour les façonner». Les chefs d'État réunis à Paris le 11 janvier dernier commencent d'ailleurs à prendre sérieusement la mesure de ces outils de propagande terriblement efficaces.

Deux visions

Au Canada, il est utile de rappeler que c'est en 1971 que l'ancien premier ministre Pierre-Elliot Trudeau annonce vouloir faire adopter une politique de multiculturalisme (la Loi sur le multiculturalisme canadien a été adoptée en 1988- et le principe enchâssé dans la Loi constitutionnelle de 1982). Elle vise quatre objectifs : aider les groupes culturels à conserver et à affirmer leur identité; favoriser leur participation à la société canadienne; promouvoir les échanges entre tous les groupes culturels dans l'intérêt de l'unité nationale (les majorités d'ascendances britannique et française étant considérées comme des groupes ayant le même statut que les autres); aider les immigrants dans l'apprentissage d'au moins l'une des deux langues officielles du Canada.

À l'évidence, la politique du multiculturalisme mène tout droit à la ghettoïsation, à un communautarisme de repli où les cultures, plutôt que de converger pour aboutir à l'édification d'une nation québécoise, viable et durable, se cloisonnent dans leur coin. De cette perspective, nous sommes très loin de remplir les conditions d'une dynamique d'intégration effective. Cette vision canadienne va complètement à l'encontre de toute idée d'intégration au sein de la nation québécoise. Nous avons du pain sur la planche...

Le défi que nous avons est collectif : assurer l'harmonie en favorisant le maintien et l'appropriation de valeurs qui fondent la cohésion de la société. Il est aussi individuel, à savoir que chaque personne a la responsabilité de s'y conformer dans sa vie publique.

Pour mieux intégrer les personnes immigrantes venues des quatre coins du monde, qui ont leur savoir-faire, leurs compétences, leur culture et leur religion, il faut aller à leur rencontre afin de bâtir ensemble une société dans laquelle il faut à la fois respecter et partager l'identité québécoise et intégrer l'identité individuelle dans un projet de société commun. Pour ce, il ne faut surtout pas définir ou interpeller les citoyens de la diversité à travers l'unique dimension religieuse. Brisons donc la multitude de « solitudes » engendrée par le multiculturalisme en construisant des ponts, comme l'ont si bien fait jadis les Gérald Godin et tant d'autres. Une société d'accueil digne de ce nom a le devoir impérieux d'intégrer les nouveaux arrivants dans toutes les sphères de l'activité humaine et de valoriser leur apport, social, économique et culturel.

Au Québec, l'intégration des immigrants doit donc s'incarner par le partage de valeurs communes et du français comme langue publique commune. Nous partons du principe que la diversité culturelle est souhaitable, qu'elle vient enrichir la société québécoise. Les immigrants ne sont pas encouragés à demeurer à part, mais plutôt à se joindre à la nation québécoise.

Nous ne répèterons jamais assez que le français est au Québec un facteur majeur d'intégration, la porte d'entrée de la culture québécoise, du travail et du dialogue interculturel. La primauté de la langue française comme langue commune et de convergence est une valeur fondamentale que les nouveaux arrivants se doivent d'adopter, en plus de celles de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la séparation de la religion et de l'État et de la recherche d'une meilleure justice sociale, sans oublier la culture québécoise, partie intégrante de cette volonté d'affirmer notre modernité. Autrement dit, s'intégrer à la société québécoise, c'est être prêt à connaître, à respecter et à partager ses valeurs communes. Des valeurs qui doivent rimer avec la liberté, l'égalité et la fraternité!

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