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Le Coran s'adresse à notre liberté

Le Coran ne peut pas être lu comme si tous ses versets avaient la même portée. Car cela revient à trahir la Parole de Dieu, en attribuant une portée absolue et perpétuelle, à ceux de ses versets que Dieu a voulus circonstanciels. Il ne s'agit pas, pour nous, de décréter que les versets circonstanciels perdent toute portée, une fois que les circonstances ont changé. Le croyant peut toujours y trouver une leçon à méditer, une inspiration à suivre, une réflexion à déployer. Simplement, et cela change tout, il n'a pas à leur prêter une portée obligatoire, en tout temps et en tout lieu.
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Mahmoud Hussein est le pseudonyme commun de Bahgat El Nadi et Adel Rifaat. Nés en Egypte, respectivement en Octobre 1936 et en Mars 1938. Ils ont déjà publié chez Grasset : Al-Sîra, le Prophète de l'islam raconté par ses compagnons (2 volumes, 2005 et 2007) et Penser le Coran (2009).

Depuis plus de 1000 ans, les guides de la pensée musulmane s'enorgueillissent d'être les gardiens d'un dogme qui se veut imparable, celui de l'imprescriptibilité du Coran. Selon ce dogme, le Coran étant la Parole de Dieu, ses versets sont formulés pour embrasser, éternellement, tous les contextes possibles.

Le croyant est alors confronté au syllogisme suivant: est musulman celui qui croit que le Coran est la Parole de Dieu. Celui qui doute de la validité absolue de tous ses versets doute, nécessairement, du fait que le Coran est la Parole de Dieu. Il n'est donc plus musulman.

Ce dogme offre aux chefs religieux un formidable atout: celui de pouvoir faire, parmi les versets, un choix qui épouse leurs préférences idéologiques ou politiques, tout en l'imposant au public comme étant le seul valable. Le choix paraît d'autant plus indiscutable, qu'il est émis par une autorité reconnue, s'appuyant sur des versets qui ont, de toute façon, une validité absolue....

Or, ce dogme, qui se veut une évidence, n'est qu'un trompe-l'œil. Il repose sur un sophisme. Le sophisme selon lequel la Parole de Dieu doit être de même nature que Dieu Lui-même. Dieu étant éternel, chacune de Ses Paroles ne pourrait être qu'éternelle comme Lui.

Or, le Coran ne dit pas cela.

Il dit le contraire de cela.

Mais pour le savoir, il faut fausser compagnie aux guides attitrés. Il faut, consentant à un effort de recherche personnelle, replacer le texte dans son contexte. En reliant les versets du Coran aux circonstances dans lesquelles ils ont été révélés au Prophète.

Alors on découvre ce que le dogme de l'imprescriptibilité du Coran a pour fonction de nous cacher.

On est frappé par une évidence, aveuglante, indiscutable. Le Coran se présente comme la Parole de Dieu, mais Dieu et Sa parole n'y ont pas le même statut. Ils ne sont pas situés sur le même plan. Dieu transcende le temps, Sa Parole est inscrite dans le temps.

A aucun moment, dans le Coran, il n'est permis de confondre Dieu et Sa Parole. A aucun moment, il n'est permis de déduire, de l'éternité de Dieu, l'éternité de Sa Parole.

Tout au contraire, une lecture qui replace le texte dans son contexte, conduit à faire trois constatations fondamentales.

  • La première. Dans le Coran, la Parole de Dieu épouse un langage, une culture, des questionnements, qui sont ceux de l'Arabie du VIIe siècle.
  • La deuxième. Dans le Coran, la Parole de Dieu ne se présente pas comme un monologue, mais comme un échange entre Ciel et terre. Dieu dialogue en temps réel, par l'intermédiaire du Prophète, avec la communauté des premiers musulmans.
  • La troisième. Dieu n'a pas donné à tous les moments de Sa Parole la même portée. Le Coran prononce des vérités d'ordres différents, entrelaçant l'absolu et le relatif, le général et le particulier, le perpétuel et le circonstanciel. Cela est si vrai, qu'il arrive à Dieu de remplacer certaines vérités par d'autres, de décréter l'abrogation de certains versets, par des versets révélés ultérieurement.

D'où ce constat crucial : le Coran ne peut pas être lu comme si tous ses versets avaient la même portée. Car cela revient à trahir la Parole de Dieu, en attribuant une portée absolue et perpétuelle, à ceux de ses versets que Dieu a voulus circonstanciels.

Il ne s'agit pas, pour nous, de décréter que les versets circonstanciels perdent toute portée, une fois que les circonstances ont changé. Le croyant peut toujours y trouver une leçon à méditer, une inspiration à suivre, une réflexion à déployer. Simplement, et cela change tout, il n'a pas à leur prêter une portée obligatoire, en tout temps et en tout lieu.

Le croyant découvre ainsi qu'il n'est pas tenu de suivre, telles quelles, des prescriptions que Dieu a destinées à une période désormais révolue. Il retrouve sa liberté intérieure. Et avec elle, la nécessité de choisir, dans le secret de sa conscience, entre les versets qui l'obligent et ceux qui ne le concernent plus.

Il est alors disponible pour l'aventure personnelle, spirituelle et humaine, à laquelle le Coran le convie.

Le Coran, qui cesse de lui apparaître comme un ensemble de commandements et d'interdits, à suivre partout et toujours. Qui redevient ce qu'il fut, durant vingt deux ans, pour le Prophète et ses compagnons. Une guidance ouverte sur un monde à refaire. Une incitation à penser et à agir en pleine responsabilité. Une chance offerte, à chacun, de retrouver la voie de Dieu sur les chemins de la vie.

style=Depuis plus de 1000 ans, les guides de la pensée musulmane imposent aux croyants ce postulat : le Coran étant la Parole de Dieu, ses versets ne sont tributaires ni du temps ni de l'espace. Ils embrassent, pour toujours, tous les contextes possibles.

Ce postulat repose sur le sophisme selon lequel la Parole de Dieu doit être de même nature que Dieu lui même.

Dieu étant éternel, chacune de ses Paroles ne pourrait être qu'éternelle comme lui.

Or, le Coran ne dit pas cela. Il dit même, et très précisément, le contraire de cela.

Ce que le Coran ne dit pas - Pour une révolution théologique, de Mahmoud Hussein, paru chez Grasset.

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