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Quand la pilule du désir pour les femmes fait débat

Les laboratoires pharmaceutiques travaillent d'arrache-pied depuis plus d'une dizaine d'années sur LA «pilule miracle» qui redonnerait du désir aux femmes... Cette pilule fut autorisée voilà quelques jours aux États-Unis, sous le nom commercial d'Addyi.
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Tu veux ou tu veux pas... ?

Selon différentes études menées aux États-Unis et en Europe ces dernières années, le trouble du désir hypoactif (baisse de libido) toucherait entre 10 et 40% des femmes, tous âges confondus. Au regard de ces chiffres les laboratoires pharmaceutiques travaillent d'arrache-pied depuis plus d'une dizaine d'années sur LA "pilule miracle" qui redonnerait du désir aux femmes... Cette pilule fut autorisée voilà quelques jours aux États-Unis, sous le nom commercial d'Addyi.

Pilule du désir= nouvelle révolution sexuelle?

Mais qu'en est-il de l'état du désir? Existe-t-il une réelle demande de nouveau traitement au sein de notre société? Pour nombreux spécialistes et labos pharmaceutiques, a priori oui. De là à décréter une solution unique et universelle pour traiter la baisse générale de la libido féminine, c'est à voir. En tout cas, en cabinet de consultation, il apparaît quasi quotidiennement que des femmes se plaignent d'un manque de désir et d'une libido sinon en berne du moins poussive, et ce, quel que soit l'âge ou le statut socio-économique observé.

Il est à noter aussi que les causes du trouble du désir diffèrent en fonction de chaque patiente: pour certaines ce sont les effets secondaires de leurs médicaments (antidépresseurs et pilules contraceptives par exemple) qui induisent une chute de libido et pour d'autres, des causes plus psychiques vont entrer en jeu: le stress, la mésentente dans le couple, la lassitude envers le partenaire ou encore la maternité, la ménopause, le manque d'estime de soi... autant de facteurs qui peuvent expliquer les variations du désir. Car les arcanes de ce dernier sont "toujours-déjà" mouvantes, multifactorielles et relèvent tantôt du corps, tantôt de l'esprit. C'est pourquoi, si le recours à la pilule "miracle" de flibansérine peut représenter un starter pour une reprise de confiance en soi, il ne saurait cependant être la panacée féminine universelle qui résoudrait tous les problèmes en matière d'appétences sexuelles.

Disons que la mise sur le marché de ce nouveau médicament incarne simplement une nouvelle option dans l'offre thérapeutique existante. Par ailleurs, ce médicament peut-il modifier la sexualité féminine? À vrai dire, s'il est délivré uniquement sur ordonnance (et c'est bien le cas), cela signifie qu'il peut agir sur de nombreux aspects. La flibansérine (ou le flibanserin) met en jeu des actions neurochimiques qui agissent au niveau du cerveau pour désinhiber l'anxiété d'une part et permet d'améliorer d'autre part certaines particularités physiologiques comme la lubrification vaginale. Mais de là à penser (comme certaines personnes non averties) que les femmes vont devenir esclaves de leur désir à cause de la pilule rose, je vous rassure tout de suite: quelle que soit la posologie observée, les femmes resteront toujours libres d'adopter le comportement qu'elles souhaitent déployer en matière de sexualité!

Petit rappel historique de ce nouveau "booster de la libido"

Le 18 août 2015, les autorités médicales américaines ont donc validé l'autorisation de mise sur le marché de ce nouveau médicament. Mais l'histoire de l'Addyi fut chaotique et source de nombreux conflits durant plus de cinq ans aux États-Unis. En 2010 puis en 2013, deux interdictions de mise sur le marché américain ont été votées pour des raisons attenantes à l'éthique (la surmédicalisation du sexe) d'une part, mais essentiellement en raison des effets secondaires notoires, notamment en matière d'hypotension, d'autre part.

Pour vous expliquer rapidement son fonctionnement, la flibansérine agit spécifiquement sur les neurotransmetteurs telles la dopamine et la noradrénaline, en lien direct avec le désir. En cela, on pourrait dire que c'est un "booster de libido". D'autre part, elle fait baisser le taux de sérotonine impliquée dans plusieurs fonctions comme l'agressivité, l'angoisse, le sommeil, mais aussi la dépression. Pour l'anecdote, la découverte des effets aphrodisiaques de la flibansérine relève de ce que l'on pourrait appeler un "principe de sérendipité", c'est-à-dire d'une découverte médicale fortuite (car accidentelle et inattendue) puisque ce médicament devait être au départ un antidépresseur, lequel n'a pas apporté les résultats escomptés, mais a dévoilé au final bien d'autres atouts! Tout comme le viagra d'ailleurs qui était destiné à traiter certaines maladies cardiaques à l'origine. Ce sont les non-retours des boites tests auprès des médecins ainsi que les descriptions positives des effets du Viagra sur la capacité érectile des patients qui ont ensuite poussé les labos pharmaceutiques à développer les recherches vers d'autres fins que leur vocation première...

Une appellation hasardeuse...

Toutefois, parler de "viagra féminin" pour ce nouveau médicament est un raccourci inapproprié. En effet, le Viagra est essentiellement un vasodilatateur au niveau des corps caverneux chez l'homme et il permet donc de mettre en correspondance l'excitation sexuelle et sa manifestation physiologique. Mais il ne déclenche pas le désir masculin. Même en prenant du viagra, un homme qui n'a pas de stimulation sexuelle, n'aura pas d'érection. En revanche, la prise de flibansérine chez les femmes va venir activer les centres cérébraux du désir et provoquer une réaction chimique qui va stimuler l'excitation sexuelle. La flibansérine agit sur les inhibitions et permet aux femmes de se relaxer plus facilement, d'être plus détendues. Ce qui explique aussi le risque notoire d'effets secondaires de type: chute de la tension artérielle, somnolence voire même de syncopes dans les cas les plus graves. Il s'avère donc nécessaire de rappeler que ce médicament, comme tout médicament, comporte des risques et des effets secondaires avérés. Seul un diagnostic précis avec un médecin généraliste ou sexologue permet d'évaluer les situations au cas par cas.

Quelle échéance pour une mise sur le marché?

Un avenir proche, tout proche, semble déjà faire l'objet de nombreuses discussions... Quoi qu'il en soit, je souhaite rappeler qu'une baisse de désir peut provenir de causes multiples et variées (relationnelles, psychologiques, professionnelles, physiologiques, etc). Penser qu'un médicament pourra résoudre tous les troubles du désir est donc un leurre. La pilule rose à base de flibansérine incarne une piste de traitement supplémentaire à utiliser au cas par cas, en complément de l'offre sexothérapeutique existante. Ce qui marche pour les uns ne fonctionne pas forcément pour les autres. C'est pourquoi les sexologues sont là pour informer, conseiller et accompagner les patients dans leurs questionnements et cheminements personnels face aux avancées de la science et à l'actualité.

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