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Solidaire de toutes les nations sans État, j'ai fait mon choix pour le Bloc

Cela fait des années que je m'intéresse au Québec, d'abord en tant que critique de bandes dessinées, puis comme visiteur acharné, et enfin comme analyste politique sur un blogue dédié. C'est un peu étrange, sans doute, de voir un Français prendre part au débat politique québécois, mais je le fais en camarade et non en colon.
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Cela fait des années que je m'intéresse au Québec, d'abord en tant que critique de bandes dessinées, puis comme visiteur acharné, et enfin comme analyste politique sur un blogue dédié. C'est un peu étrange, sans doute, de voir un Français prendre part au débat politique québécois, mais je le fais en camarade et non en colon.

Quand j'ai choisi de rejoindre Québec solidaire en 2008, c'était pour soutenir un projet global - mettant à égalité social, écologie et indépendance - pour un pays que je rêve de voir exister, quand bien même je n'y résiderai pas. Je voulais aider un petit parti qui n'avait alors qu'un député, et je ne le regrette pas.

J'ai pris ma carte du Bloc plus tardivement, parce que je voyais mal l'utilité de députés fédéraux indépendantistes et parce que l'attitude méprisante du parti envers d'autres formations que le PQ me déplaisait. Aussi parce que le parti était ultra-dominant, et n'avait pas besoin de moi. En 2011, la sonnette d'alarme a été tirée. La sévère défaite du Bloc - pour tout un tas de raisons déjà bien analysées - m'a poussé à m'y intéresser, jusqu'à rejoindre le parti en 2013. Car quand on se penche sur les travaux des députés bloquistes, on voit l'importance qu'ils ont eue pour le Québec, on voit le sérieux de leur travail, leur volonté progressiste et que la violence du rejet était assez injuste. J'avais donc envie de soutenir ce Bloc-là.

La course à la chefferie, créée par la démission-surprise de Daniel Paillé, a longtemps failli ne pas avoir lieu. André Bellavance, ultra-favori, voyait ses concurrents potentiels se désister et semblait courir droit vers le poste. Ses qualités sont indéniables et il les prouve chaque jour, à la Chambre des communes comme ailleurs. Mais après de nombreux événements douloureux - du départ de Mme Mourani au retour des libéraux après un an de péquisme -, le débat semble plus que jamais nécessaire. Pas un débat juste pour brasser de l'air, mais un vrai débat, stratégique, mettant en valeur les propositions du Bloc et certaines divergences qui existent en son sein. Accepter des opinions différentes à partir d'un corpus commun n'est pas un défaut, c'est signe de santé démocratique, pas de division, et c'est ce qu'a offert la candidature de Mario Beaulieu.

Militant de longue date pour la cause indépendantiste, M. Beaulieu a expliqué s'être lancé dans la course pour éviter que le Bloc ne fasse la même erreur que le PQ : celui de la « bonne gouvernance ». Et ce ne sont pas des paroles en l'air, le risque est là, et l'on trouve d'étonnants parallèles à ce sujet entre le Québec et la France.

Au Québec, le PQ a décidé depuis longtemps de ne pas porter haut l'indépendance, se cachant derrière une politique du petit pas, excluant avec frayeur tout référendum, préférant créer les conditions d'un pays. Pourquoi pas ? Mais outre que cela semble dire que les conditions ne sont pas là - or, elles y sont - , force est de constater que la recette ne fonctionne pas. Élue sur la détestation de Jean Charest en 2012, Pauline Marois n'a pas réussi à transformer l'essai dans une campagne qui s'est transformée en jeu de massacre quand les candidats péquistes ont commencé à expliquer qu'ils voulaient un pays. Mais n'est-ce pas normal quand on est dans un parti indépendantiste ? Loin d'attirer les personnes réticentes quant à l'indépendance, cette position tiède ne fait qu'en repousser les militants.

On trouve un peu la même chose en France où le Parti socialiste s'est fait élire en 2012 sur un programme de lutte contre la finance et de réorientation de l'Europe, sans oublier, là aussi, une détestation du sortant. À peine élu, le président Hollande enterra ses promesses, se posant en gestionnaire devant les marchés financiers, en solitaire de gauche dans une Europe de droite, ne pouvant rien faire d'autres que de suivre une ligne libérale en acceptant du bout des doigts quelques réformes sociétales. Bref, en impuissant, en tiède. Le résultat ne s'est pas fait attendre : aux municipales les socialistes ont subi une défaite historique, pas tant que la droite ait progressé en voix, mais les électeurs de gauche ne voyaient pas pourquoi voter pour un parti menant la même politique que le précédent gouvernement, tandis que ceux de droite préféraient l'original à la copie.

La réponse de Hollande à cette sanction du peuple de gauche fut de nommer comme premier ministre le plus à droite de ses cadres, accentuant encore ce fossé et confirmant la chute aux européennes où le PS obtint le pire score de son histoire et où le Front national, parti d'extrême droite xénophobe, se pavana en première place.

Quand j'entends M. Bellavance appeler les non-indépendantistes à voter pour le Bloc car c'est pour lui le meilleur moyen de servir le Québec, je ressens le même non-sens. Alors que les électeurs ont sévèrement sanctionné le flou de madame Marois sur la question du référendum, André Bellavance prône la même stratégie. Mais nous connaissons son résultat : on ne peut qu'échouer en reniant son ADN.

Mario Beaulieu, alors que tous les sondages montrent un décrochage de l'option souverainiste, propose de remettre ce débat au cœur. « Hérésie ! », crient certains, mais c'est pourtant ce qui semble la seule solution logique. Si les partis indépendantistes renoncent à porter fièrement ce combat, qui pourra le faire ? Si l'option souverainiste baisse, n'est-ce pas justement parce que plus personne ne la porte fièrement, en expliquant pourquoi c'est non seulement possible, mais aussi souhaitable ? Mario Beaulieu propose d'investir dans l'avenir, en reprenant le grand travail de réflexion et de pédagogie sur le sujet. Il souhaite faire du Bloc le porte-voix des nombreuses initiatives citoyennes sur l'indépendance, fructueuses, riches, mais peu audibles. Il souhaite tout simplement mettre les moyens du parti au service de son but premier. Une évidence me direz-vous ? Je suis d'accord, mais ce n'est malheureusement pas ce que propose son adversaire.

C'est d'abord dans l'imaginaire collectif qu'un pays s'impose. C'est en s'affirmant comme peuple qu'on le devient et ce n'est pas en cachant ses convictions qu'on peut les partager. J'ai décidé de soutenir Mario Beaulieu dans la course à la chefferie du Bloc québécois parce que je ne veux pas voir le pays Québec disparaître des esprits, et que je veux revoir des citoyens de tous âges porter avec enthousiasme cet espoir. Français, mais solidaire de toutes les nations sans État, en amour avec le Québec depuis des années, mon choix est fait pour que le Bloc et ses idées résonnent à nouveau.

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