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Les «mandats tremplin» et le respect des électeurs

C'est au Canada que j'ai découvert une pratique innovante, visant à démissionner de son poste quand on se présente à un autre mandat.
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J'admire cette règle non officielle, mais récurrente, qui semble répondre à un impératif simple.
Walter Bibikow via Getty Images
J'admire cette règle non officielle, mais récurrente, qui semble répondre à un impératif simple.

Le cumul des mandats est une vieille tradition française, souvent incomprise à l'extérieur du pays. Ce système, qui permet à une personne d'accaparer de nombreux postes, a été timidement régulé au fil des ans. La dernière fois aura été sous François Hollande, qui a interdit d'être parlementaire (député, sénateur ou député européen) et maire d'une commune. Cette loi a été appliquée en juin 2017 pour la première fois, mais permet toujours d'être parlementaire et conseiller municipal ou, plus grave, parlementaire et conseiller départemental ou régional, deux postes loin d'être bénévoles.

J'ai souvent envié le Canada pour son intolérance au cumul, les seules possibilités étant d'être maire et de siéger dans des regroupements de municipalités (ou des MRC), où les représentants sont forcément des élus. On notera qu'en France, le même système existe avec, avant la réforme, de très nombreux maires, députés et présidents d'agglomération, tout en même temps.

C'est au Canada que j'ai découvert une pratique innovante: démissionner de son poste quand on se présente à un autre mandat.

Mais plus que le non-cumul strict, qui existe dans la plupart des démocraties occidentales, c'est au Canada que j'ai découvert une pratique particulièrement innovante visant à démissionner de son poste quand on se présente à un autre mandat.

C'est ce qu'avait fait Gérard Deltell en 2015, démissionnant de l'Assemblée nationale du Québec pour se présenter à la Chambre des communes ou la députée fédérale Olivia Chow, qui démissionna en 2014 pour se présenter aux municipales de Toronto. Si le premier a conquis son nouveau siège, la seconde a perdu et s'est retrouvée sans mandat.

J'admire cette règle non officielle, mais récurrente, qui semble répondre à un impératif simple: si vous êtes élu à un mandat, c'est qu'il vous convient, si vous en courez un autre, c'est que celui que vous occupez ne vous plaît plus et vous ne pouvez sérieusement vous y consacrer en menant une autre campagne.

En France, les «mandats tremplin» sont récurrents, un élu se présente souvent au maximum à d'autres mandats plus «importants», ce qui en dit long sur la manière dont ils voient celui qu'ils occupent. Quelqu'un qui est adjoint au maire, ou conseiller régional, affirme ainsi sa légitimité à devenir parlementaire. Il ira ensuite chercher ce nouveau mandat en conservant celui qu'il occupe déjà, où il sera forcément moins présent. En cas de défaite, il pourra rester tranquillement dans son ancien poste, et aura occupé la place en empêchant un renouvellement.

J'ai constaté, il y a quelques mois, que cette spécificité canadienne n'était qu'un usage et nullement une règle.

J'ai toutefois constaté, il y a quelques mois, que cette spécificité canadienne n'était en fait qu'un usage et nullement une règle. Pour les élections provinciales québécoises d'octobre, plusieurs candidatures vedettes sont déjà des élus: Chantal Rouleau, mairesse de l'arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles depuis moins d'un an, s'est lancée pour la députation au nom de la CAQ, quand le conseiller municipal de Montréal Frantz Benjamin a été annoncé pour les libéraux. Aucun n'a indiqué vouloir quitter son mandat, même si la presse relevait que les électeurs goûtaient peu ces sauts.

Parmi les réformes possibles dans nos deux pays, je trouve que concrétiser cette idée permettrait une pratique plus saine de la politique. Ce n'est, bien sûr, pas la seule, mais serait une indication claire de ce qu'exercer un mandat veut dire, et un simple respect des électeurs.

[Une chronique parallèlement publié sur le blogue La Politique québécoise vue de France]

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