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Quelle est la portée des sanctions d'Obama contre le gouvernement vénézuélien?

Après les évènements violents survenus en 2014, le gouvernement américain, considérant unilatéralement que les Droits de l'Homme étaient mis à l'épreuve au Venezuela, a commencé à articuler des mécanismes de sanction.
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Les protestations de février à mai 2014 au Venezuela se sont soldées par la mort de 43 personnes. Ce qui a commencé comme un rassemblement d'étudiants contre l'insécurité, a eu un effet catalyseur de tensions dans un pays très polarisé, et a entraîné une autre série de manifestations soutenues par les partis politiques de l'opposition. Des affrontements ont eu lieu entre les manifestants et les forces de l'ordre, auxquelles on reproche une utilisation excessive et non proportionnelle de la force, des détentions arbitraires et des violations du droit à un procès équitable.

Les indicateurs économiques étaient un facteur d'intensification du mécontentement général. On envisageait un déficit budgétaire, dû à la chute du cours du pétrole qui commençait à se révéler et, en même temps, le pays enregistrait 60% d'inflation cumulée en février 2014.

Après ces évènements violents, le gouvernement américain, considérant unilatéralement que les Droits de l'Homme étaient mis à l'épreuve au Venezuela, a commencé à articuler des mécanismes de sanction. Dès juillet 2014, la première action fut la révocation des visas de 24 fonctionnaires du gouvernement vénézuélien, leur interdisant l'entrée sur le territoire américain. Seules exceptions: des laissez-passer ad-hoc pour assister aux réunions des organisations internationales y siégeant.

En parallèle, le législatif étasunien préparait la loi de défense des Droits de l'Homme et de la société civile du Venezuela [1], dans laquelle les sanctions se diversifiaient et devenaient loi. Celle-ci fut signée le 18 décembre 2014 par le président Obama, un jour après l'annonce conjointe de Cuba et des États-Unis de la reprise de leurs relations diplomatiques.

Au-delà de la révocation des visas, cette loi augmente la sévérité des sanctions, avec la possibilité de blocage de tous les biens et actifs financiers. Or une spécificité, selon l'ordre juridique étasunien, le blocage d'actifs internationaux ne peut être fait qu'après une préalable activation des prérogatives spéciales, qui octroie la loi sur les pouvoirs économiques d'urgence internationale - IEEPA [2]. C'est la loi fédérale qui autorise le Président à réglementer le commerce, bloquer des actifs, entre autres ; seulement après avoir décrété un état d'urgence nationale, en réponse à une menace étrangère, inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité des États-Unis:

Moi, Barack Obama, Président des États-Unis d'Amérique, trouve que la situation au Venezuela, incluant le gouvernement du Venezuela... constitue une inusuelle et extraordinaire menace à la sécurité nationale et à la politique extérieure des États-Unis et moi, dès à présent, déclare l'état d'urgence nationale pour faire face à cette menace. [3]

À travers ce décret du 9 mars, le Président Obama s'empare du cadre juridique nécessaire qui lui permettra d'imposer des sanctions à 32 nouveaux fonctionnaires. Ceux-ci viennent grossir la liste des 24 annoncés en juillet 2014, et porte ce nombre à 56 fonctionnaires dont 16 sont des membres de leurs familles directes.

National Emergency: une formalité juridique?

Déclarer l'urgence nationale était une condition sine qua non pour pouvoir bloquer les actifs des non-nationaux, car ce n'est qu'à travers les prérogatives stipulées dans l'IEEPA que le président peut s'engager dans de telles initiatives.

L'affaire se complique lorsque dans ce cadre légal, il est possible d'imposer un embargo et en même temps, grâce aux attributions qui octroie l'USA Patriot Act [4] (créé sous le président George W. Bush [5] et renouvelé par le président Obama en 2011 [6]), l'accès à des manœuvres contre les terroristes est autorisé.

La possibilité d'agir selon les procédés en vigueur dans l'USA Patriot Act, constitue un levier important pour augmenter la force et la portée des sanctions. En même temps, cette loi fait l'objet de critiques, en raison de son caractère transgresseur des libertés individuelles et des droits de l'homme. Dans le cadre du trinôme: loi de défense des droits de l'homme et de la société civile du Venezuela / IEEPA / USA Patriot Act, les mesures de rétorsion dirigées contre le gouvernement vénézuélien peuvent potentiellement acquérir le statut d'agression internationale.

Quelques jours avant le VIIème sommet des Amériques, les États-Unis envoient à Caracas leur conseiller du département d'État, Thomas Shannon, pour signifier au gouvernement vénézuélien qu'ils n'étaient pas considérés comme une menace. Il est probable que Shannon ait été aussi envoyé pour mitiger les imminentes répercussions du décret du 9 mars, sur les discours des présidents latino-américains lors du sommet.

La secrétaire d'État adjointe du bureau des affaires de l'hémisphère occidental, Roberta Jacobson, a déclaré que les États-Unis n'abrogeraient pas cette loi. Céder aux demandes latino-américaines pourrait être interprété comme un signe de faiblesse et accélérer la notoire dissipation que l'influence étasunienne éprouve dans la région latino-américaine, notamment à partir du sommet de Mar del Plata.

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[5] Après les attaques terroristes de 9/11, le président George W. Bush a promulgué le décret 13224 sous l'IEEPA pour bloquer les avoirs des organisations terroristes, un mois plus tard, en Octobre 2001, le Congrès a adopté l'USA Patriot Act, qui entre autres, donnait à ceux agissant sous l'IEEPA, le droit de bloquer les actifs en cours de litige. Cette modification législative a donné au bureau du Trésor, le contrôle des avoirs étrangers et le pouvoir de bloquer les actifs sans avoir à fournir des preuves d'une quelconque faute de l'objet de blocage et annulait le droit de défense auprès des instances judiciaires.

[6] À travers l'initiative du sénateur de Kentucky, Mitch McConnell, les républicains avancent pour renouveler, jusqu'à 2020, la providence 215 de l'USA Patriot Act, qui permet à la NSA de collecter des informations téléphoniques. Cette loi expire le 1er juin prochain.

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