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Pourquoi le mouvement antinataliste fait-il à nouveau les manchettes?

Le désir d'enfanter ne provient que du désir des gènes de se copier à l'infini, sans raisons autre que se copier.
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Même si le mouvement fait parler de lui de nos jours à cause des changements climatiques, en vérité, la logique du mouvement n'a que très peu à voir avec des considérations environnementales et une empathie pour la planète.
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Même si le mouvement fait parler de lui de nos jours à cause des changements climatiques, en vérité, la logique du mouvement n'a que très peu à voir avec des considérations environnementales et une empathie pour la planète.

Le bonheur est vide, le malheur est plein.

Victor Hugo

Récemment dans les médias, pour qui a porté un tant soit peu attention à certaines déclarations de personnalités publiques, il semble que le mouvement antinataliste soit sorti du garde-robe.

Je retiens surtout la recommandation (à reculons) de Dominique Paquin de l'organisme Ouranos, dédié à la lutte aux changements climatiques. Lors de l'émission de Tout le monde en parle du 14 octobre, questionnée par Guy A. sur les solutions aux changements climatiques, Mme Paquin a nommé «ne plus faire d'enfants». Déclaration qui, évidemment, a semé l'émoi et la consternation sur le plateau, alors que dans la même émission, un autre invité voulait se «crisser le feu après». L'inexistence semblait à l'honneur dans cette émission.

Encore plus récemment, Josée Blanchette a créé un autre mini-scandale (rappelez-vous la charge contre la chimiothérapie) en révélant à l'émission radiophonique Gravel Le Matin du 22 octobre que'à la suite de l'écoute du documentaire Anthropocene, portant sur l'impact de l'humanité sur la planète, elle désirait ne plus faire d'enfants. Si c'était à refaire, elle n'aurait pas eu son fils.

Encore là, une déclaration qui a absolument horrifié Alain Gravel et possiblement la totalité du studio. Mais pourquoi donc? Quelle est cette réaction viscérale que nous avons à la pensée que la civilisation devrait s'arrêter?

Le mouvement antinataliste n'est pas apparu récemment

Même si le mouvement fait parler de lui de nos jours à cause des changements climatiques, en vérité, la logique (et c'est une logique implacable) du mouvement n'a que très peu à voir avec des considérations environnementales et une empathie pour la planète. Cette dernière, de toute manière, disparaîtra avec en même temps que la dernière conscience humaine. La planète, elle, n'en a que faire de ce qui se passe sur sa mince croûte.

Cet article de 2009 présentait déjà les préceptes du mouvement, mettant l'emphase sur les craintes environnementales. Mais l'origine du mouvement peut être retracée jusqu'à un philosophe norvégien de l'entre-deux-guerres: Peter Wessel Zapffe. En gros, il prétend que l'humain, avec sa conscience hyperdéveloppée par rapport au reste de la nature, est constamment insatisfait de ses propres questionnements sur celle-ci et, par conséquent, malheureux de cette insatisfaction. Selon lui, l'Humanité s'est affublée de quatre mécanismes de défense pour éviter cette tragédie à la fois individuelle et sociétale:

  • la pensée positive, qui cache toutes les pensées malheureuses;
  • l'ancrage, la foi en un Dieu ou à la science;
  • la distraction, comme être workaholique ou s'adonner à l'hédonisme;
  • la sublimation, la transformation de sa vie dans un but artistique.

Peter Zapffe constate que, malgré ces mécanismes de défense, au mieux, l'humain est dysfonctionnel et donc il serait immoral de mettre au monde une conscience pour participer à ce paradoxe homme-nature. Il n'est pas surprenant qu'il n'a pas enfanté, par choix, malgré qu'il se soit marié.

David Benatar

Entre en scène David Benatar, un philosophe sud-africain né en 1966 (tout comme votre humble serviteur), auteur du livre Better Never to Have Been: The Harm of Coming into Existence, dans lequel il énonce pourquoi il est immoral de mettre au monde une conscience.

Sa logique est comme suit: il y a une asymétrie entre le plaisir et la souffrance.

  • la présence de souffrance est une mauvaise chose;
  • la présence de plaisir est une bonne chose;
  • l'absence de souffrance est bonne, même si personne n'est là pour la ressentir;
  • l'absence de plaisir n'est pas mauvaise, à moins que cette absence soit une privation pour un individu.

Si on applique ceci à mettre un enfant au monde, on obtient le tableau suivant:

  • un individu est né:
  1. Il vit de la souffrance, c'est mauvais;
  2. Il vit du plaisir, c'est bon.
  • un individu n'est jamais né:
  1. Il ne vivra jamais de souffrance, c'est bon;
  2. Il ne vivra jamais de plaisir, ce n'est pas mauvais et ce n'est pas une privation, car il n'y a pas d'individu pour ressentir cette privation.

Autrement dit, c'est pire d'être né et vivre de la souffrance que de n'être jamais né et ne pas vivre du bonheur. Pour cette raison, c'est immoral de mettre une conscience au monde, car elle risque de souffrir dans la vie, surtout si on considère les théories de Peter Zapffe.

L'évolution au secours de la procréation

Cette logique semble parfaite et pourtant, on peut trouver toutes sortes de défaites pour essayer de croire que ça n'a aucun bon sens. Comme «ben voyons, les belles choses de la vie valent la peine d'être vécues», «ce n'est pas tout le monde qui va finir malheureux», «il faut que l'Humanité continue coûte que coûte», «moi je veux des enfants; je ne sais pas pourquoi, mais j'en veux».

Ces affirmations ne résistent pas à l'analyse, car même si sa propre vie est remplie de bonheur, celle du voisin (ou de son enfant) n'est pas assurée du même bonheur. Pour ce qui est de l'Humanité, la Terre s'est très bien comportée dans le temps des dinosaures et personne ne se plaignait de l'absence des humains tout comme nous ne nous plaignons pas maintenant de l'absence des futures créations de la nature.

Alors d'où vient cette répulsion de l'antinatalisme?

De la machine à copier.

Hein? La machine à copier: la première entité (molécule) qui a réussi à se répliquer et à se multiplier. Déclenchant le mécanisme de l'évolution des espèces. Qui croyez-vous a réussi à s'imposer? La molécule qui a appris à se copier ou la molécule qui ne savait pas comment se copier?

Et le bal est parti et la machine à copier a découvert (par hasard) d'innombrables manières de se copier plus efficacement et surtout de se copier mieux que l'espèce voisine. Triomphante toujours: celle qui s'est le mieux adaptée à son environnement, c'est-à-dire l'Évolution.

Donc, oui, le désir d'enfanter ne provient que du désir des gènes de se copier à l'infini, sans raison autre que se copier. À moins d'être solipsiste...

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