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Fidel Castro et «l'Homme nouveau cubain»

Enfin. Nous réaliserons bientôt, avec l'arrivée ou le retour des Américains, si le rêve de Castro, de créer une société nouvelle tient la route. Pour reprendre le titre d'un de ses livres,, on peut se demander ce que l'histoire lui réserve.
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Le projet de société de Fidel Castro manifeste une tendance de la nature humaine basée sur les grands mythes qui ont façonné l'Occident depuis la préhistoire. Il est repris ici au Québec, par Québec Solidaire et la gauche traditionnelle. Il a influencé les excités du «Printemps Érable». La révolution cubaine constitue un autre exemple d'ingénierie sociale.

Indépendamment de ce que les quidams pensent de Castro, sur les réseaux sociaux, je suis convaincu qu'il faut se rappeler son projet de société. Dès 1959, avec l'aide de Che Guevara, les révolutionnaires cubains, guidés par l'élite éclairée du peuple sous l'égide du Parti communiste, va promouvoir un « Homme nouveau cubain ».

D'autres groupes politiques avaient eu la même intention au 20e siècle. Le Parti communiste de l'Union soviétique et Lénine, en 1918, Hitler et les Nazis, en 1930, Mao Zedong en 1935, Pol Pot et les Khmers Rouges en 1980 au Cambodge, etc. Ce projet constitue une des grandes utopies inventées par les idéologues. Pour approfondir ce concept de ''l'Homme nouveau'' on peut consulter le très beau catalogue de l'exposition «Les années 1930. La fabrique de L'Homme nouveau » publié en 2008, par le Musée des beaux-arts du Canada. Cette exposition présentait à Ottawa, plusieurs œuvres d'art d'URSS et d'Allemagne, pour illustrer ce thème.

A Cuba, cet « Homme nouveau » se nommait « l'Homme socialiste ». Des stimulants moraux, à l'instar des «Samedis Rouges» de Lénine, voulaient remplacer l'argent et promouvoir le travail volontaire, non rémunéré. Les dirigeants du Parti voulaient abolir les stimulants matériels en changeant les mentalités pour motiver les Cubains à travailler gratuitement pour l'État. Selon Fidel Castro, cité dans l'Encyclopaedia Universalis : « l'ardeur au travail d'un homme ne doit pas dépendre de la plus ou moins grande rémunération qu'on lui offre. » C'était une nouvelle version de la devise communiste : « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins. » Il fallait dissocier le travail et l'argent en créant une conscience communiste. Castro voulait remplacer le taylorisme à la base du capitalisme pour augmenter l'exploitation des ouvriers par le stakhanovisme soviétique qui visait à motiver les travailleurs à fournir un rendement maximum. L'émulation devait remplacer la compétition.

Pour aider à implanter ce nouvel esprit égalitariste, l'État cubain offrait gratuitement l'enseignement, les livres, les soins médicaux, les médicaments, les logements, l'eau, l'électricité, le téléphone et une bonne partie du transport, etc. En contrepartie, les citoyens devaient accepter le rationnement de la nourriture et des biens d'usage courant.

Il fallait dissocier le travail et l'argent en créant une nouvelle vision du monde communiste. Les dirigeants du Parti voulaient réduire les inégalités sociales, en espérant les faire disparaitre totalement à long terme. En abolissant à court terme les bonus et les primes individuelles ils voulaient en en arriver au salaire unique pour tous.

Le principal outil pour former « l'Homme nouveau » et élever les valeurs de classe communistes, sera l'enseignement. L'État cubain met en place une pédagogie révolutionnaire basée sur l'autonomie des étudiants, l'abolition de la division entre travail manuel et le travail intellectuel. Pour aider les étudiants et les fonctionnaires à acquérir ces fameuses nouvelles notions, l'État les oblige à travailler 45 jours par année à ramasser la canne à sucre. C'est ce que fera Mao avec sa « Grande révolution culturelle prolétarienne » en 1966.

Dans cette économie socialiste, qui veut former « l'Homme nouveau », l'État contrôle presque tous les secteurs de l'économie, de l'agriculture jusqu'aux salons de coiffure. Pour augmenter le degré de conscience révolutionnaire du peuple, l'État contrôle la culture. Pour arriver à leurs fins, les Cubains copient les principes du « Réalisme socialiste » développé en URSS. À ce sujet, Fidel Castro prononcera une phrase célèbre : « Les écrivains et les artistes, qu'ils soient révolutionnaires ou non ont-ils des droits ? Pour aider la révolution, ils les ont tous; contre elle, ils n'en ont aucun. » Les droits de propriété intellectuelle sur les livres sont abolis en 1967. Tous les livres écrits à Cuba sont publiables sans payer de droits à leurs auteurs.

Si Fidel Castro avait connu les réflexions sur le rôle de l'État et la nature humaine de Jacques Parizeau, un social-démocrate, il n'aurait peut-être agi autrement. Parizeau écrit dans « La souveraineté du Québec. »

« Il n'en reste pas moins qu'un gouvernement qui fait presque tout est inefficace. S'il doit tout gérer, il gérera mal et même très mal. ... On ne changera pas la nature humaine. Il faut, évidemment, s'en accommoder, mais il faut, lorsqu'il s'agit d'organiser un État, chercher une formule qui donne quelque assurance d'efficacité. »

Le grand philosophe canadien Charles Taylor, a abordé dans ses écrits le problème qui consiste à vouloir changer les valeurs morales et politiques d'un peuple sans tenir compte de la résistance de la nature humaine. Il affirme : « Aristote adresserait aux morales modernes ... les mêmes critiques que Nietzsche : vous n'avez pas approfondi le nature humaine qui sous-tend votre éthique, vous proposez un rêve impossible. L'oubli de la dimension anthropologique de la morale ou le refus d'en parler ... sont en effet très répandus dans nos sociétés. » Cet oubli de tenir compte de la nature humaine a-t-il empêché Castro de mener à bien sa révolution ?

C'est en lisant « Les vies parallèles des hommes illustres » de Plutarque, écrites il y a plus de 2000 ans, que l'on constate que l'humain change peu. La lutte des classes, la corruption, les privilèges pour les riches, les exemptions de taxes, les vices et les vertus des hommes, etc. marquaient la société antique comme nos sociétés actuelles. Pour expliquer la conduite humaine en société, on constate que l'influence du déterminisme est beaucoup plus grande que celle du libre arbitre.

Enfin. Nous réaliserons bientôt, avec l'arrivée ou le retour des Américains, si le rêve de Castro, de créer une société nouvelle, tient la route. Pour reprendre le titre d'un de ses livres, « L'Histoire m'acquittera », on peut se demander ce que l'histoire lui réserve. Je peux prophétiser que d'autres révolutionnaires, comme Castro, reprendront le flambeau de « l'Homme nouveau ». N'oublions pas que l'État cubain est toujours incapable, même après 57 années de révolution, de nourrir quotidiennement les Cubains et dépend des importations des USA. L'embargo ne s'applique pas sur la nourriture !

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