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Coup de chapeau au Misanthrope de Michel Monty!

Le regard posé par Michel Monty sur le texte de Molière est stupéfiant et provoque une belle surprise. Il en va de même pour la prestation des acteurs.
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Le théâtre du Rideau-Vert présente actuellement une époustouflante interprétation du Misanthrope de Molière. Mon épithète est choisie. Le regard posé par Michel Monty sur le texte de Molière est stupéfiant et provoque une belle surprise. Il en va de même pour la prestation des acteurs dont le jeu est prodigieux.

De mon point de vue de professeur de philosophie, le propos de Molière demeure pertinent et actuel. Son texte parle plus fort que les modes passagères, mais encore faut-il mettre son verbe en valeur. Or toute la force du spectacle est là. La version présentée respecte la langue, mais aussi l'esprit de Molière. On est littéralement investi par le génie du texte en alexandrins qui nous est servi sur un plateau contemporain où les jeux de l'amour se déploient au diapason d'échanges technologiquement assistés. Plus encore, la mise en scène offre une contextualisation intelligente et subtile. Même si on a introduit Ipad et téléphones cellulaires, on a su maintenir un lien ténu, mais efficace avec l'espace-temps d'origine. Il s'en dégage une impression d'intemporalité étonnante. Le décor et les vêtements sont modernes, mais nous laissent respirer l'air des salons parisiens sous le règne de Louis XIV. À cette enseigne, on notera l'interprétation prégnante du jeune Mathieu Richard en majordome aux accents d'automate. Son jeu discret, en décalage contrôlé, illustre bien ce pont posé entre les époques.

L'autre point fort du regard de Monty est de respecter la comédie, sa lecture de Molière rend hommage au sous-titre de la pièce. Il s'agit de présenter les déboires d'un atrabilaire amoureux. C'est-à-dire d'un homme en tension entre le scrupule intransigeant et la passion dévorante. Alceste est une sorte de Don Quichotte de la pureté morale confronté aux désirs de la chair. On rit de ce héros caricaturé, prisonnier de sa jalousie et des quiproquos auxquels il s'expose constamment. On rit aussi de sa liaison avec une Célimène dont les débordements amoureux n'ont d'égal que sa soif insatiable d'attention. Sur scène, la complicité entre Bénédicte Décary (Célimène) et François Papineau (Alceste) est parfaite et nous plonge dans l'ambivalence du cœur humain. Mais une fois qu'on a bien rit, on reste avec ce besoin de réfléchir à cette ambivalence, dont nous sommes tous porteurs. C'est, sans doute, un des traits caractéristiques de la profondeur de Molière, générer, par delà sa comédie, le possible d'une réflexion anthropologique pour qui voudra bien s'y adonner.

On a trop souvent dépeint un Alceste désabusé, aux postures trop nietzschéennes, dans les mises en scène récentes. Ici, on ne cède pas à ce biais. Cela a pour effet d'apprécier à leur juste valeur les rôles en contrepoint des autres personnages. Encore là, la distribution de la production du Rideau-Vert frappe dans le mille. Catherine de Léan (Éliante) et David Savard (Philinte) forment un couple, à la fois, improbable et irrésistible. Stéphane Jacques (Oronte) et Isabelle Vincent (Arsinoé) sont, tout à tour, au-dessus de la mêlée et au cœur des intrigues, fascinant ! Luc Bourgeois (Acaste) et Frédéric Pierre (Clitandre) incarnent de façon magistrale ces prétendants à la fois précieux et ridicules.

Bref, cette production relève du grand art. Michel Monty a su rencontrer M. Poquelin et nous passons un très agréable moment en leur compagnie !

Le misanthrope de Molière : au Théâtre du Rideau vert jusqu'au 28 février 2015.

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