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Le bonheur? À la guerre comme à la guerre!

La morale dans tout ça, le lieu de toute guerre est en nous et le bonheur est une armure pour mener le bon combat. Alors, à la guerre comme à la guerre : soyons heureux!
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Je me suis levé vendredi matin plutôt de belle humeur. Et puis, le bruit sourd des opinons dont nous frappe le quotidien de la vie s'est fait entendre : « La guerre, toujours la guerre... »; « La religion, encore la religion et toujours la guerre... »; « La guerre à cause de la religion, mais comment est-ce possible en 2014? », sur le blogue du Figaro : « Mais, surtout, à voir l'extrême violence avec laquelle juifs et musulmans s'entretuent aujourd'hui pour un lopin de prétendue "terre promise", fût-ce au nom de Yahvé ou d'Allah, du judaïsme ou de l'islam, j'aurais plutôt tendance à croire, pour ma part, que Dieu n'existe pas. »

L'ami Bock-Côté commente la menace superfétatoire d'une troisième guerre mondiale. En s'interrogeant sur les causes, il en vient à dresser le profil ironique de l'homme nouveau : « Dans l'imaginaire progressiste, la figure de l'homme nouveau, purgé de ses préjugés, aux passions asséchées, seulement occupé à son bonheur privé, mais désireux d'une harmonie globale, porte tous les espoirs. » Bien dit! Nous baignons dans ce paradis artificiel du bonheur privé, tourné sur soi et plutôt insignifiant...

Mais voilà ma belle humeur menacée, il y a péril en ma demeure, serais-je vaincu par la ritournelle du malheur immédiat? Alors d'instinct, je saisis un exemplaire des propos sur le bonheur d'Alain (Émile Chartier) et j'aspire quelques bouffées de grand air, d'une sagesse féconde soignant un peu les blessures de l'opinion.

Je partage quelques lignes avec vous, sur le bonheur lui-même d'abord :

« M'est avis, donc, que le bonheur intime et propre n'est point contraire à la vertu, mais plutôt est par lui-même vertu, comme ce beau mot de vertu nous en avertit, qui veut dire puissance. Car le plus heureux au sens plein est bien clairement celui qui jettera le mieux par-dessus bord l'autre bonheur, comme on jette un vêtement. Mais sa vraie richesse il ne la jette point, il ne le peut ; non pas même le fantassin qui attaque ou l'aviateur qui tombe ; leur intime bonheur est aussi bien chevillé à eux-mêmes que leur propre vie ; ils combattent de leur bonheur comme d'une arme ; ce qui a fait dire qu'il y a du bonheur dans le héros tombant. Mais il faut user ici de cette forme redressante qui appartient en propre à Spinoza et dire : ce n'est point parce qu'ils mouraient pour la patrie qu'ils étaient heureux, mais au contraire, c'est parce qu'ils étaient heureux qu'ils avaient la force de mourir. »

Le bonheur est vertu! Voilà qui n'est pas à la mode... Mais à bien y songer, Alain propose de prendre notre destin en main, de nourrir notre âme pour mieux agir. Le bonheur est un acte et non une sorte d'entité que l'on recherche à l'aveugle et qui nous fuit sans trop savoir pourquoi. Le bonheur est une arme, dont on se vêt par le recours à des moments de réflexion consentie et par l'éducation libérale. La femme et l'homme heureux se reconnaissent par la force morale dont ils témoignent à la guerre et dans la vie de tous les jours...

Et Dieu dans tout cela? Pour l'homme nouveau et progressiste, Dieu est gênant et absent. Que dire alors contre l'opinion qui a réglé la question souvent avant même de la poser ? Voici encore Alain, la sagesse d'un agnostique intelligent :

« On rit de celui qui enseigne qu'il faut tendre l'autre joue. Toutefois, cette idée mystique a la vie dure. On la voit toujours revenir. Je crois que c'est François d'Assise qui courait après le voleur, disant : Vous ne m'avez pas tout pris. On dira que c'est un saint, qui croyait à des choses qui ne sont pas. C'est justement, à mes yeux, parce qu'il croyait à des choses qui ne sont pas, que son témoignage a une valeur. Car enfin, les hommes ont inventé la religion de leur propre fonds. Et le commun des hommes, qui s'arrange si bravement du ciel et de l'enfer, n'aurait pas nommé saints, mais plutôt fou, les inspirés et illuminés, s'il n'y avait reconnu une étincelle de l'homme tel qu'il se voudrait. Et, au reste, les légendes sont fausses quant aux faits ; il reste à savoir pourquoi on les invente telles et non autrement.

Plus près de nous, encore légendaire, et dans le fait très lue, est l'histoire de l'évêque Bienvenu, qui, rencontrant un forçat très suspect, le traite premièrement comme on doit traiter un homme, c'est-à-dire selon le respect et l'amitié. Et advienne que pourra. Cette sagesse n'est point tant au-dessus de nous ; elle brille parmi nous, ici et là, comme un éclair. Il y a des médecins d'arriérés qui se font une joie de tirer quelque marque d'affection ou seulement d'attention, de faces à peine humaines. Et l'on ne peut presque pas instruire sans supposer toute l'intelligence possible dans un marmot. Je ne sais pas quelle amitié il pourrait y avoir en ce monde des hommes si l'on était quelquefois disposé à pardonner tout. Et je n'étais pas loin du bon sens, quand je disais à un garçon qui s'indignait de ce que son ami l'avait volé : " S'il est voleur ou non, cela dépend de vous ; c'est vous qui avez à dire si ce qu'il a pris était à vous ou à lui. "

Il y a un secret mouvement qui nous avertit que l'équitable jugement sur les autres dépend autant de nous que de l'autre, et qu'enfin être seulement juste avec le juste, ce n'est pas justice. Vous dites que de telles idées vont contre les faits. Oui. Exactement contre les faits ; et voilà la morale. Vous dites qu'il n'y a point de morale ? Très exactement la morale n'est pas. C'est à cela qu'on la reconnait. Si elle était à la manière du blé ou de l'arbre, ce ne serait plus la morale. Et ce que je remarque en ceux qui renoncent à ce qu'ils nomment illusions, c'est une profonde misanthropie qui enferme tous les hommes en eux-mêmes, et une colère qui descend toujours plus bas. En quoi ils sont terriblement punis, et par leur propre jugement, comme Platon voulait. »

La morale contre les faits! Encore une idée démodée... Mais à bien y penser, les âmes généreuses existent toujours. Le pardon est un choix possible, même l'amour au risque de tout perdre reste un phare brillant, éclairant nos possibles. Alors si Dieu n'existe pas, la proposition de vie sainte tient ; si Dieu existe, elle se répand en produisant encore des saints. Être heureux ne peut échapper au devoir de choisir un idéal à la mesure de l'homme, une mesure frisant la démesure...

La recette du bonheur? Trouver du temps de réflexion ; lire Platon, Augustin, Shakespeare... ; ne pas se dérober aux grandes questions sur le divin et la justice... C'est une hygiène salutaire, à la portée de tous et chacun et c'est pratiquement gratuit!

La morale dans tout ça, le lieu de toute guerre est en nous et le bonheur est une armure pour mener le bon combat. Alors, à la guerre comme à la guerre : soyons heureux!

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