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Éthique et corruption: rappel historique

Pour les plus âgés qui peuvent se souvenir, comme pour les historiens, ce que nous vivons en ce début de période électorale peut rappeler les dernières années du règne de Duplessis. L'élection de 1956 avait donné lieu à un raz de marée en faveur de l'Union Nationale. L'achat massif des votes, le patronage donnant-donnant érigé en système incontesté, la création d'un ennemi imaginaire (le communisme) partout dissimulé et prêt à introduire le chaos dans la rue et dans les entreprises, la complicité active ou silencieuse de la majorité du clergé, etc., faisaient du vote une mascarade.
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Le thème de l'éthique politique québécoise est l'un de ceux qui a le don de faire honte aujourd'hui. Qu'on se rappelle le tollé général qui a accueilli la page couverture du Maclean's il y a quelques mois. La valise du Bonhomme Carnaval débordant d'argent salle était tout simplement intolérable. Réaction première: nous ne sommes pas les seuls à tolérer la corruption au cœur du fonctionnement de l'État ou encore, ce n'est pas si pire que ça! Mais pour plusieurs, sinon la majorité, nous savions que cela était de pratique courante. Les recherches privées de certains parlementaires et surtout des journalistes d'enquête, tendaient vers une conclusion accablante. La fraude économique et la transgression des règles d'impartialité visant la justice et l'équité au sein de l'appareil d'État étaient devenues systémiques au Québec. La déception, la honte et la révolte citoyennes ont jailli de nos consciences. Quelque chose de sacré était trahi.

Pour les plus âgés qui peuvent se souvenir, comme pour les historiens, ce que nous vivons en ce début de période électorale peut rappeler les dernières années du règne de Duplessis. L'élection de 1956 avait donné lieu à un raz de marée en faveur de l'Union Nationale. L'achat massif des votes, le patronage donnant-donnant érigé en système incontesté, la création d'un ennemi imaginaire (le communisme) partout dissimulé et prêt à introduire le chaos dans la rue et dans les entreprises, la complicité active ou silencieuse de la majorité du clergé, etc., faisaient du vote une mascarade. Petit ouvrier du textile devenu petit aubergiste, mon père, par exemple, devait chaque année remplir une enveloppe de beaux billets et la remettre au patroneux de l'Union Nationale sous peine de perdre sa licence. Quelle humiliation!

C'est dans ce contexte qu'en mai 1956 les abbés Dion et O'Neil décidèrent d'en décrier le symptôme éclatant d'un catholicisme québécois en pleine décadence. « Les élections (...) ont donné lieu à l'étalage public de principes et d'attitudes qui touchent à la morale chrétienne », écrivent-ils dans un texte destiné d'abord à un auditoire restreint de prêtres, mais dont Le Devoir s'emparera et qui sera commenté partout au Canada et même à l'étranger (« Lendemains d'élection »). C'est ce même texte qui sera au cœur de Le chrétien et les élections, paru six semaines avant l'élection de juin 1960. Ce best-seller politique édité par Jacques Hébert (33 400 copies) contribuera à la victoire historique des libéraux aux dépens de l'Union Nationale. Il contribuera puissamment à affermir une éthique politique dont s'inspireront toutes les lois balisant le fonctionnement de l'État québécois contemporain et notre système électoral actuel.

À quoi peut bien servir ce rappel historique? À nous remettre en mémoire un héritage critique essentiel. Le détournement de nos institutions communes en instruments d'exploitation de la majorité au profit d'une minorité est partout et toujours un processus gravissime. Au nom de quoi affirmer cela? Parce que ces institutions, conquises et créées par des luttes populaires visant l'enchâssement de la liberté et de la justice pour tous et toutes, sont garantes de ce qui dépasse chaque personne, la poursuite d'une vie bonne en commun. Il s'agit d'une finalité historique et transcendante à la fois.

La commission Charbonneau ne règlera pas la corruption politique actuelle. Elle en mesurera partiellement l'ampleur. Elle risque fort de demeurer sans suite en l'absence d'une revalorisation de toutes nos institutions démocratiques. Cela implique la manifestation publique d'un réveil de notre éthique citoyenne afin d'appuyer les changements à venir dans nos règles communes. Nous en voyons les signes avant-coureurs. Un mouvement social puissant et complexe le porte déjà.

En choisissant le 4 septembre comme date de l'élection, les libéraux veulent évidemment se soustraire à un jugement populaire informé par une connaissance précise des faits. Une première action citoyenne s'impose donc pour empêcher une nouvelle dégradation de nos mœurs et de nos institutions. Il s'agit d'une condition nécessaire mais non suffisante. Elle permettra à un nouvel horizon politique de pouvoir se dessiner. Nous demeurerons responsables de la suite.

Jean Charest - Parti libéral du Québec

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