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Obama et le mariage gai: audace et risque calculé

La déclaration du Président Obama en faveur du mariage gai, ce mercredi, 9 mai, constitue une percée historique dans l'histoire des droits civils aux États-Unis. Sans doute, il ne s'agit que d'un simple avis sans aucune conséquence légale. Il faut noter aussi que le président réagit à des initiatives de son entourage.
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La déclaration du Président Obama en faveur du mariage gai, ce mercredi, 9 mai, constitue une percée historique dans l'histoire des droits civils aux États-Unis. Sans doute, il ne s'agit que d'un simple avis sans aucune conséquence légale. Il faut noter aussi que le président réagit à des initiatives de son entourage : l'imprudente affirmation du vice-président Biden dans une entrevue à l'émission «Meet the Press», le dimanche précédent, des prises de position d'autres membres du gouvernement, dont le ministre de l'Éducation, Arne Duncan. Il n'en reste pas moins que le président s'engage résolument en exprimant son opinion. Il aurait préféré s'en tenir à un appui à une union civile qui confère aux couples d'homosexuels les mêmes droits que ceux dont jouissent les couples mariés, mais il prend conscience de l'importance symbolique du mariage, même à une époque où cette institution est en déclin. Il témoigne d'une évolution qui l'amène à croire que les droits fondamentaux des homosexuels doivent inclure celui de s'engager mutuellement et civilement par le mariage.

Évolution de l'opinion publique

Les propos du président reflètent aussi une évolution significative de l'opinion publique américaine. De récents sondages révèlent en effet que plus de la moitié des Américains approuvent désormais la légalisation du mariage des homosexuels. Cela pourra paraître étonnant aux yeux de ceux qui sont demeurés rivés aux déclarations des candidats à l'investiture républicaine au cours de cette rocambolesque campagne qui aura occupé les médias durant de longs mois. On a fait grand état du conservatisme de la population américaine, de la forte influence d'une droite religieuse intransigeante. On occultait par là une évolution irréversible de la mentalité américaine vers une plus grande libéralisation des mœurs. Ainsi les autorités religieuses ont pu faire les gorges chaudes sur la question de la contraception tandis que la grande majorité des femmes américaines n'y portaient guère d'attention.

Le Président Obama se sent donc en territoire sûr quand il ose se prononcer sur la question du mariage gai. En cette année électorale, il compte que sa déclaration ne lui coûtera pas trop de votes dans la mesure où ceux qui condamnent fermement l'union des homosexuels devaient appuyer le candidat républicain de toute façon. Il compte par ailleurs que son engagement lui vaudra de nouveaux appuis, notamment dans les milieux artistiques de Hollywood susceptibles de lui octroyer de généreuses contributions à sa campagne électorale.

Une habile stratégie?

Plusieurs voient aussi dans la déclaration du président une stratégie qui consiste à ramener son adversaire Mitt Romney sur le terrain du conservatisme moral où il s'est embourbé durant les primaires. En effet, le candidat républicain, désormais assuré de son investiture, cherche maintenant à s'éloigner de l'atmosphère étouffante des guerres culturelles et à courtiser un électorat du centre qui s'intéresse bien davantage aux questions économiques et au bilan peu reluisant du président en matière d'emplois et de niveau de vie. Qu'il le veuille ou non, Romney devra réagir aux pressions de la droite religieuse et s'opposer à Obama qu'on veut dépeindre comme un antéchrist et un ennemi de la religion et de la morale. Compte tenu de l'évolution de la mentalité américaine, le président ne pourrait que sortir gagnant d'une telle lutte. La droite religieuse exerce beaucoup d'influence sur les républicains, mais elle demeure minoritaire dans l'ensemble de l'électorat.

Un risque politique

Il n'est pas sûr que tout aille aussi bien pour le président. D'abord, il faut toujours prendre en compte que l'élection présidentielle se fait dans le cadre d'un collège électoral. Il ne s'agit pas tellement de gagner des votes individuels, mais d'obtenir la majorité dans le plus grand nombre d'États. Or il y a maintenant 31 États qui ont banni le mariage des homosexuels, le plus souvent au moyen de clauses de leur constitution. Le dernier de la liste est la Caroline du Nord, où 60% de la population vient d'appuyer un amendement constitutionnel à cet effet. C'est là un de ces « swing states » où Obama l'a emporté en 2008 et qui devrait lui demeurer fidèle s'il devait accéder à un second mandat. Par ailleurs, il n'y a que 7 États qui ont légalisé le mariage gai.

On peut compter aussi sur l'hostilité déclarée des autorités de l'Église catholique et de la plupart des autres Églises chrétiennes. Obama avait reçu l'adhésion d'une majorité de catholiques en 2008. Il pourrait bien perdre cette majorité en novembre prochain. Il pourrait aussi perdre des appuis parmi la communauté hispanique déjà susceptible de l'appuyer en masse en raison des politiques républicaines en matière d'immigration. Les latinos ne sont pas très favorables au mariage homosexuel. Il en va de même des Afro-Américains qui ont aussi manifesté de fortes réticences sur cette question.

Bien sûr, le mariage gai ne sera pas l'enjeu majeur de l'élection. Mais dans un contexte de lutte serrée où rien n'est assuré, la déclaration du Président Obama demeure une audace, un pari dangereux en même temps qu'un moment historique de l'évolution des droits civils aux États-Unis.

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