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Le pacte de transition écologique comme religion civique...

Les intérêts motivant les abus comme les négligences de tout un chacun laissent entrevoir un problème dont la racine semble bien plus anthropologique qu'écologique.
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Climat d'urgence, danger imminent, l'heure est à la conversion des cœurs en faveur d'une parousie programmée pour 2020.
valentinrussanov via Getty Images
Climat d'urgence, danger imminent, l'heure est à la conversion des cœurs en faveur d'une parousie programmée pour 2020.

La polémique est lancée autour du Pacte de transition écologique initié par Dominic Champagne. Signera, ne signera pas? Telle est la question de l'heure.

Pour ma part, je ne signerai pas.

Un pacte est une forme très solennelle d'engagement. C'est une sorte d'alliance scellée devant témoin. On fait une profession de foi. Ce n'est pas une pétition qu'on nous demande de signer, c'est un pacte. Du moins, je conçois la démarche de M. Champagne et de ses acolytes dans cette logique. L'intention semble noble: il y a péril en la demeure, il faut bouger!

Climat d'urgence, danger imminent, l'heure est à la conversion des cœurs en faveur d'une parousie programmée pour 2020.

J'entends l'écho de Jean-Jacques Rousseau retentir en arrière-plan. Vous souvenez-vous du contrat social? «Les hommes sont parvenus à ce point où les obstacles qui nuisent à leur conservation l'emportent presque sur leur résistance à les vaincre.»

Climat d'urgence, danger imminent, l'heure est à la conversion des cœurs en faveur d'une parousie programmée pour 2020 («on se donne rendez-vous, collectivement, en 2020, au sommet mondial sur le climat»). N'y a-t-il pas comme un relent de retour du religieux, dont on ressent le titillement? Ne sommes-nous pas dans un climat de paranoïa similaire au bogue de l'an 2000?

Rousseau avait bien compris que le rejet du christianisme comme agent d'influence du politique ne pouvait pas ne pas être remplacé. La nature n'a-t-elle pas horreur du vide? «Il y a une profession de foi purement civile [écrivait-il], dont il appartient au souverain de fixer les articles comme sentiments de sociabilité. Sans pouvoir obliger personne à les croire, il peut bannir de l'État quiconque ne les croit pas; il peut le bannir, non comme impie, mais comme insociable, comme incapable à son devoir.»

Personne n'est obligé de signer le pacte, mais ne pas le faire a quelque chose d'irresponsable.

Le credo de la religion civile du bon Jean-Jacques a cet arrière-goût moralisant de tolérance intolérante! Voyez-vous ce que je veux dire? Personne n'est obligé de signer le pacte, mais ne pas le faire a quelque chose d'irresponsable. Ce serait un manquement grave au devoir civique. On a l'impression d'être passible de bannissement de la communauté de la bien-pensance. Le citoyen impénitent risque l'excommunication de la communauté des esprits avisés, imprégnés de solidarité.

Ça m'agace, plutôt.

Pas de religion sans promesse, et celle du pacte est d'offrir des prairies verdoyantes à nos descendants au nom d'un engagement avéré.

On a tort d'être méchant envers les instigateurs en reprochant leurs incohérences. En ces matières, qui peut lancer la première pierre? Mais on a tout de même raison d'adresser le reproche, car la solennité du pacte l'exige.

Pas de religion sans promesse, et celle du pacte est d'offrir des prairies verdoyantes à nos descendants au nom d'un engagement avéré. L'acte de foi repose sur une révélation, celle de la science. Elle fixe les échéances de la fin des temps. Son verbe et sa toute-puissance semblent incontestables. Je ne me prononce pas ici sur la pertinence du contenu, mais sur le ton péremptoire employé dans le pacte. La «vérité de la science» a remplacé la «vérité d'Évangile». Il faut écouter, on se doit d'écouter!

Je crois imprudent de suspendre le jugement critique au nom d'une urgence programmée par ceux-là mêmes qui sont en bonne partie responsables du problème. L'unanimité arguée ne s'impose pas derechef. La raison scientifique est plus complexe à discerner que ce que ses apôtres non scientifiques le supposent. C'est bien au nom de la raison qu'il faut demeurer prudent devant les prophètes de malheur.

Au nom du respect de la science, je ne signerai pas le pacte et le premier ministre Legaut fait bien de ne pas le signer non plus. Il n'est pas bon pour lui ni pour nous d'associer sa fonction de chef de l'État à la figure d'un grand-prêtre représentant une nouvelle forme de religion civile.

Les intérêts motivant les abus comme les négligences de tout un chacun laissent entrevoir un problème dont la racine semble bien plus anthropologique qu'écologique.

Quant aux efforts personnels pour réduire mon empreinte écologique, je fais déjà ma part et j'entends bien faire mieux encore. Mais que l'on m'épargne le prêchi-prêcha de mauvais goût.

Le genre humain doit respecter l'environnement, dont chaque individu fait partie, c'est un truisme. Mais les intérêts motivant les abus comme les négligences de tout un chacun laissent entrevoir un problème dont la racine semble bien plus anthropologique qu'écologique.

Rousseau, Le contrat social, livre II, ch. IV, éd. Hatier, p. 21-22.

Rousseau, Le contrat social, livre II, ch. V, éd. Hatier, p. 40-41.

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