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Entre jeunesse et désuétude

Je suis en colère parce qu'on ne nous considère pas. Je ne suis pas en colère parce qu'on nous ignore, mais bien parce qu'on nous prend pour des gamins. Nous, les jeunes, sommes les enfants d'une société qui n'a réponse à rien et qui nous reproche de ne pas participer à trouver une solution.
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Réponse à l'article Un débat qui ne leur appartient pas de Lisa-Marie Gervais

Dans un article du Devoir paru le 1er février dernier, on pouvait lire que les jeunes ne s'intéressaient pas au débat sur la Charte et que, quand ils le faisaient, ils marchaient sur des œufs. Pire encore, on les y accuse d'individualisme et d'obstination à se frotter au politiquement correct lorsqu'ils prennent position. Eh bien, j'écris aujourd'hui à titre de «jeune», justement.

Bien que le titre de l'article m'ait fait sourciller à lui seul, je dois dire que la suite ne m'a pas plu davantage. On constate également qu'aucune source n'est citée lorsque vient le temps d'avancer que les jeunes sont individualistes ou biaisés dans leurs propos. Plus haut dans le texte, on explique ce qu'est un sophisme d'autorité. Eh bien, je crois que la palme du plus bel exemple se retrouve à la fin, lorsqu'on interroge Michel Venne, sociologue et directeur de l'Institut du Nouveau Monde, qui nous apprend que les jeunes sont, justement, individualistes, puisque le débat ne les touche pas directement. Vraiment? Voici mon petit grain de sel ce débat qui voit les coups lancés de plus en plus bas. Je précise d'ailleurs, avant de commencer, que je ne désire pas mettre tout le monde dans le même panier. Ceux et celles qui se reconnaissent porteront ce chapeau avec dégoût. Aux autres qui ne semblent pas se reconnaître dans mes propos, je souhaite une bonne lecture.

Frais de scolarité

Pour appuyer sa thèse de l'individualisme, Michel Venne soutient que les frais de scolarité avaient mobilisé une grande partie des jeunes, notamment parce que le sujet les touchait directement. Les jeunes, voyant que leurs sessions à venir allaient coûter plus cher, auraient sauté sur l'occasion pour lever pancartes et sonner l'alarme. Tout cela, pour que leur petit confort personnel ne soit pas atteint.

Cette façon de voir les choses est consternante pour plusieurs raisons. D'abord, plusieurs étudiants impliqués en étaient à la fin de leur cheminement scolaire et n'auraient probablement même pas été affecté dans l'immédiat par cette hausse de frais. Ensuite, la grande majorité des étudiants se sont mobilisés pour les générations futures, celles qui auraient souffert réellement de cette tarification. Cet argument peut sembler désuet, puisqu'entendu trop de fois. Mais voici la preuve qu'il n'a pas été répété assez souvent, puisque certaines personnes ne semblent toujours pas avoir compris. Étions-nous entendus lorsque nous brandissions nos pancartes et scandions nos slogans pendant plus de six mois? C'est désolant comme argumentaire.

Médias

Une autre grande raison de notre invisibilité lors de ce débat est probablement le choix de certains médias dans la sélection d'invités à interviewer. Effectivement, dans le cas de la Charte, certaines chaînes de radio ou de télévision ont peut-être davantage tendance à faire appel à l'opinion d'un vieux péquiste, puisque lui semble avoir le bagage nécessaire pour avoir une opinion claire et tranchée. Les médias savent ce qu'ils veulent, et ça ne se trouve pas dans la tête d'un étudiant en sciences humaines à l'UQAM. C'est triste, mais c'est la réalité.

Pourquoi, lors du printemps 2012, y avait-il autant de jeunes mobilisés? Tout simplement parce que c'est eux qui étaient en grève. Arrêtons de chercher trop loin. Ceux qui menaient le combat étaient ceux qui étaient le plus suivis dans les médias. Quel hasard! Notez, bien entendu, la teinte de sarcasme.

Nous en sommes donc à un point où les jeunes que l'on dépeignait comme éveillés politiquement il y a plus ou moins deux ans, sont maintenant individualistes et désintéressés. Je vois mal comment cela a pu arriver en si peu de temps. On peut alors sous-entendre qu'on nous reproche le statu quo, l'indifférence. Je ne comprends pourtant pas tout à fait.

Nous avons autant une opinion sur la question que les plus vieux, mais on ne nous la demande pas. Les médias font souvent le choix de questionner des personnalités connues du public ou des personnes qui sont impliquées directement dans un projet. Il est normal, bien que dommage, qu'il y ait moins de jeunes qui se soient élevés, à leur âge, au statut de super-vedette. De ce fait, il y en a moins qui sont appelés à donner leur opinion sur la voie publique.

L'opinion des jeunes

Le texte finissait en exposant une drôle de réalité chez les jeunes. D'une part, on nous accuse de ne pas avoir d'opinion sur la question, d'autre part, on nous dit que l'on est enclin à se conformer dans un genre de spectre homogène d'anti-Charte.

Le «spécialiste de la jeunesse» qui est cité explique également que les femmes qui sont abordées pour traiter de la question ont tendance à se dire contre la Charte, sous prétexte qu'elles ont peur d'affirmer leurs réelles revendications. Je suis prêt à le croire si on m'expose les faits, les statistiques, le nombre de femmes interviewées, le milieu duquel elles proviennent, etc. Je ne crois pas que le terme «spécialiste de la jeunesse» donne un quelconque poids à cet argument.

Je trouve aussi quelque peu aberrant que l'on discrédite l'opinion des jeunes sous prétexte que l'on rechercherait le «politiquement correct» à tout prix. Pouvons-nous, simplement, penser que la charte n'est pas nécessairement le meilleur moyen de respecter les libertés religieuses de tous et de chacun? Je trouve condescendant d'en venir à penser que nous sommes emprisonnés dans un moule imposé par nos pairs. Nous avons notre opinion et non, ce n'est pas la vôtre.

Un petit conseil pour terminer

Vous aurez donc compris que je suis en colère. Je suis en colère parce qu'on ne nous considère pas. Je ne suis pas en colère parce qu'on nous ignore, mais bien parce qu'on nous prend pour des gamins. Nous, les jeunes, sommes les enfants d'une société qui n'a réponse à rien et qui nous reproche de ne pas participer à trouver une solution. Le pire dans tout cela, c'est qu'on nous humilie en atténuant nos propos et en questionnant notre manque d'expérience.

J'aimerais terminer en rappelant que nous, jeunes, étudiants, travailleurs, étions à la base de la mobilisation politique et sociale la plus importante de l'histoire du Québec depuis la Révolution tranquille. J'aimerais également vous rappeler que lors de ce printemps, vous nous avez regardés en vous disant: «Mais qu'elle est éveillée cette jeunesse! Qu'elle est pertinente et engagée!»

Pendant ce temps, nous, les jeunes, ne vous avons jamais regardés, vous, les vieux, en vous demandant où vous étiez. Il a fallu attendre que le mouvement des casseroles vous sauve la peau pour que vous sautiez dans l'arène, quand c'était clair que l'opinion publique était de notre bord. Bravo le courage. Bravo le militantisme plein d'expérience.

Oubliez votre âgisme mal placé et concentrez-vous sur la création d'un monde meilleur, comme vous le faisiez quand vous étiez jeunes.

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Avril 2018

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