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Cinq paris à relever avant de redresser la courbe des coûts de la santé au Canada

Un élément déterminant fait obstacle à la réforme de la santé : il nous faut décider quels changements précis nous désirons opérer.
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Les économistes canadiens ont reçu une agréable surprise cette année : la croissance des dépenses publiques en matière de santé au Canada semble finalement ralentir. Par contre, on ne sait pas avec certitude si ce phénomène est attribuable à une baisse durable des coûts ou aux mesures à plus court terme adoptées en réaction à la faible croissance économique ou à l'avenir des transferts fédéraux en matière de santé.

Doit-on l'interpréter comme un phénomène passager ou comme le début d'une tendance?

Si l'on tient compte du vieillissement de la population, de la diffusion des nouvelles technologies médicales et de la pression croissante exercée sur les dépenses publiques dans d'autres secteurs, on peut s'attendre à ce que les coûts de la santé continuent d'accaparer l'énergie des gouvernements pendant encore des années à venir. L'objectif de redresser (ou de briser) la courbe des coûts restera un perpétuel défi. En voici les raisons.

  1. Il s'agit d'une démarche de longue haleine, qui nécessitera bien plus qu'un rapide exercice de compression des dépenses ou qu'une énième « ré-désorganisation ». Or les électeurs sont impatients de voir des changements. Les gouvernements disposent d'un horizon temporel limité; on voudrait qu'ils réalisent en quatre ans à peine des améliorations substantielles.
  2. En ce qui a trait au contrôle des dépenses, il faudra mettre l'accent sur les prix, outre le volume de soins ou les effectifs. En effet, les mesures adoptées jusqu'ici ont visé principalement le nombre de services et d'intervenants, alors que les « prix » (c'est-à-dire les honoraires versés à ces derniers pour chaque service) demeurent un territoire inexploré. Toutefois, puisqu'en matière de santé, les dépenses de l'un correspondent au salaire de l'autre, il est probable que la limitation des honoraires soit dénoncée vigoureusement par les principaux intéressés (les médecins et les prestataires de soins), et ce, même si l'on peut faire la preuve indéniable du bien-fondé d'une telle mesure.
  3. La question de la pérennité du système de santé concerne autant les revenus (les recettes fiscales dont dispose chaque province) que les dépenses, mais la plupart des gouvernements provinciaux semblent résolus à ne pas augmenter l'impôt sur le revenu. Cette décision semble motivée par une aversion généralisée de la population à l'égard des hausses d'impôt et par la nécessité de maintenir un régime fiscal concurrentiel. Le paradoxe, c'est qu'on veut des services de santé toujours plus nombreux et efficaces, tout en réclamant des baisses d'impôt.
  4. Les orientations devraient être fondées sur des données probantes plutôt que sur des convictions, mais le domaine de santé est si complexe qu'il est difficile d'appliquer des solutions avérées à l'échelle du système. Le plus grand défi consiste précisément à améliorer en qualité et en quantité les décisions guidées par des données probantes, afin de réussir à élaborer systématiquement des politiques qui permettront de contrôler les coûts.
  5. Même si les données comparatives sont essentielles à l'analyse des problèmes en matière de politiques, il ne suffit pas, pour réduire les coûts, de grappiller des réformes adoptées ailleurs dans d'autres cadres politiques et sociaux. En dernière analyse, les solutions doivent être conçues en fonction de chaque contexte politique, économique et décisionnel. On ne peut pas se contenter de greffer des mesures qui semblent avoir produit des miracles ailleurs, car elles risquent d'engendrer de nouveaux problèmes à la place de ceux qu'elles étaient censées régler.

Un élément déterminant fait obstacle à la réforme de la santé : il nous faut décider quels changements précis nous désirons opérer. Même s'il est encore possible de réaliser quelques gains en matière d'efficience et de rendement, redresser la courbe du coût exigera une transformation en profondeur de l'administration et de la prestation des services de santé. C'est une réalité que bon nombre de Canadiens ne semblent pas se résoudre à admettre.

Un autre défi consistera à convaincre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de s'entendre sur les valeurs fondamentales et les principes à préserver au moment de repenser les orientations, les structures et les cadres réglementaires dans le domaine de la santé au Canada.

Ce sont là deux obstacles de taille, mais qu'il est possible de surmonter pour assurer la pérennité du réseau public à l'échelle du pays.

Ces défis reposeront principalement sur les épaules de nos responsables provinciaux et, bien entendu, de leur électorat. Néanmoins, le gouvernement fédéral a lui aussi la possibilité et la responsabilité de jouer un rôle essentiel. Une chose est certaine : peu importe qui remportera les élections fédérales en 2015, les vainqueurs devront attaquer le problème de front.

Ce billet est cosigné par Greg Marchildon, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en politique publique et en histoire économique (niveau 1) à la Johnson-Shoyama Graduate School of Public Policy à l'Université de Regina, et Livio Di Matteo, professeur d'économie à l'Université Lakehead. Tous deux sont experts conseils auprès du site EvidenceNetwork.ca et ont codirigé un ouvrage qui vient de paraître : Bending the Cost Curve in Health Care (University of Toronto Press).

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