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Je pensais vouloir congeler mes ovules et un voyage a tout changé

«Je me suis rendu compte que mon amour pour les enfants ne se limite pas à mes capacités biologiques.»
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Tout le monde définit la famille à sa manière et je peux tout à fait comprendre les femmes qui décident d’investir dans la préservation de leurs ovules.
Lindsay Tigar
Tout le monde définit la famille à sa manière et je peux tout à fait comprendre les femmes qui décident d’investir dans la préservation de leurs ovules.

"¿Por qué tus ojos son azules?" m'a demandé la petite fille. Elle m'a regardé, en plissant les yeux dans les rayons du soleil qui perçaient les nuages accrochés aux montagnes nous surplombant, ici, au beau milieu des bidonvilles de Bogota, en Colombie.

"Elle m'a bien demandé pourquoi j'ai les yeux bleus ?" ai-je vérifié auprès de mon amie, bilingue espagnol. Celle-ci a acquiescé et j'ai affiché le même sourire affectueux qu'elle en prenant les mains de la fillette pour lui expliquer, dans mon espagnol bancal, que c'était un cadeau de mes parents.

Mes yeux sont l'une des nombreuses choses dont je suis reconnaissante, en plus d'une famille aimante: une enfance heureuse et confortable, une éducation qui a posé les bases de ma passion affamée et insatiable pour le journalisme, et la chance de savoir exactement ce que je voulais être en grandissant. Une journaliste, mais aussi une épouse et, plus que tout au monde, une mère.

J'ai grandi en jouant à la poupée. Je m'amusais à les habiller, à les bercer et, pour le plus grand plaisir de ma mère, à les gronder. Avec les années, j'ai commencé à faire du babysitting pour gagner un peu d'argent de poche. En entrant dans la vie active, j'étais toujours la première volontaire pour organiser les journées "Emmenez vos enfants au travail" ou bien celle à qui on demandait de porter le dernier nouveau-né du service pour le présenter à tout le monde. Je n'ai jamais douté un instant de faire un jour une mère formidable mais je me suis souvent demandé si j'en aurais un jour l'occasion.

Avant ce moment clé en Amérique du Sud, j'avais passé sept ans à New York. Ou, plus précisément, j'avais passé sept ans à avoir rencontrer des mecs à Manhattan. Ce n'est pas une mince affaire de trouver l'âme sœur dans une ville réputée pour son libertinage et sa culture du célibat. Ce n'est pas non plus une priorité pour les professionnels zélés et hautement motivés, qui préfèrent grimper les échelons plutôt que de valser jusqu'à l'autel.

Il y a deux ans, alors que j'approchais des 28 ans, j'ai envisagé la congélation de mes ovules par mesure de sécurité. Sur le plan physique et, à vrai dire, affectif. Après tout, à l'approche de la trentaine, les femmes sont poussées (par leurs grand-mères ou leur médecin) à songer à leur fertilité. C'est une peur tenace qui pèse lourd et suffit à submerger celles qui souhaitent désespérément devenir mère. Le devis de la clinique où je me suis rendue démarrait à 5000$. J'ai décidé de repousser mon projet à plus tard.

À la place, j'ai dépensé mon argent pour un projet complètement différent: mon envie d'ailleurs.

C'est comme ça que j'ai commencé mon périple, depuis la "Grosse pomme" jusqu'à la Colombie.

Je me suis rendu compte que mon amour pour les enfants ne se limite pas à mes capacités biologiques.

J'ai démissionné de mon plein-temps dans une startup de fitness pour tenter ma chance comme indépendante à plein temps et j'ai rejoint Remote Year, un programme qui permet aux professionnels non sédentaires de parcourir le monde pendant un an, en travaillant à distance depuis une douzaine de pays. Pendant 365 jours aussi épuisants qu'enivrants, je me suis installée en Croatie, au Portugal, en Thaïlande et dans sept autres pays. Dire que l'expérience m'a transformée ne suffirait pas. En plus de me rendre plus résistante, plus courageuse et plus ouverte d'esprit, elle a changé mon point de vue sur la maternité.

En me déplaçant tous les mois, en découvrant de nombreuses cultures et histoires, j'ai évidemment rencontré des enfants de tous les horizons: obéissants et impeccables dans leurs uniformes, en train de se promener en groupe dans les rues de Kyoto, ou chahuteurs et enthousiastes, comme ces jeunes bilingues argentins dont les rires retentissaient dans mon quartier. C'est là que je me suis rendu compte que mon amour pour les enfants ne se limite pas à mes capacités biologiques.

Il est aussi grand que ce que mon cœur peut contenir.

Avec le jeune Thaïlandais qui s'efforçait de faire quelques phrases pour me parler de sa collection de bijoux, comme avec le nourrisson portugais qui s'est arrêté de pleurer quand je lui ai fait la grimace dans un café, nul besoin d'être liés par le sang pour être en lien.

Malgré tout, j'ai dû attendre le 11 mois de mon voyage, et la question de cette petite curieuse sur la couleur de mes yeux, pour sentir le déclic.

Je ne veux pas congeler mes ovules. Si je ne peux pas avoir d'enfants le jour où je me trouve un compagnon et où nous décidons de nous construire une vie ensemble, je préfère de loin dépenser mon argent pour adopter.

Tout le monde définit la famille à sa manière et je peux tout à fait comprendre les femmes qui décident d'investir dans la préservation de leurs ovules. C'est un choix personnel qui ne devrait jamais être pris à la légère. Mais moi, c'est avant tout le besoin immense d'adoption que j'ai découvert à l'étranger qui m'a persuadée de suivre cette voie.

Tandis que je perçais des trous et que j'enfonçais des clous pour Yugen Build, un projet bénévole de mon groupe Remote Year, je suivais d'un œil fasciné les enfants de cette communauté colombienne. Ils tenaient des parapluies au-dessus de nos têtes quand nous ramassions des pierres sous la pluie pour les fondations et ils empilaient leurs propres cailloux, rien que pour nous aider. Ils nous ont apporté des bracelets faits main, tirés de leurs propres collections, un cadeau qui a effacé toutes nos différences d'origine ou de nationalité. Ils chantaient des chansons et adoraient jouer: ils nous demandaient encore et toujours de les faire tourner dans nos bras. Je savais déjà que je me destinais à être mère, mais en les regardant, j'ai compris que mon argent serait bien plus utile pour offrir une vie confortable à ceux qui fondent une famille.

Si j'ai toujours voulu avoir une fille, un fils, ou les deux, il y a d'innombrables enfants qui rêvent d'une mère. Rien qu'aux États-Unis, plus de 400 000 orphelins attendent d'être adoptés. Et ce nombre est bien plus grand à l'échelle mondiale. Le coût de la préservation des ovules et de l'adoption varie beaucoup d'un cas à l'autre, selon de nombreux facteurs. Mais si la question devait se poser, je préfèrerais utiliser mes économies pour offrir un foyer à un enfant qui en a besoin.

Le coût de la préservation des ovules et de l'adoption varie beaucoup d'un cas à l'autre, selon de nombreux facteurs. Mais si la question devait se poser, je préfèrerais utiliser mes économies pour offrir un foyer à un enfant qui en a besoin.

C'est en voyageant qu'on apprend à se concentrer sur ce qui nous permet de surmonter nos différences plutôt que de les occulter. C'est aussi en voyageant qu'on découvre ces qualités universelles: la colère, la tristesse, le bonheur et, bien sûr, l'amour. Le voyage nous rappelle que nous sommes tous des enfants du monde et que c'est en s'aidant les uns les autres qu'on peut progresser. Nous devrions passer plus de temps à nous interroger sur la couleur de nos yeux et sur la manière de trouver les plus gros cailloux, et moins à nous inquiéter du temps qu'il nous reste avant que nos ovules n'atteignent leur date de péremption.

La chance d'être parent, elle, n'a pas besoin d'être figée pour rester une possibilité. Tout comme les itinéraires à suivre ou les horaires d'avion, le chemin vers la création d'une famille est imprévisible et jalonné de surprises. Tout ne fonctionne pas toujours comme prévu mais j'aime penser que je suis arrivée à un point où je me sens sereine, prête à accepter d'aller où la vie me mènera. Peut-être tout droit vers ce quartier rayonnant, pour ramener à la maison un enfant qui n'aura pas grandi dans mon ventre.

Ce blog, publié à l'origine sur le HuffPost américain, a été traduit par Lison Hasse pour Fast ForWord.

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