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Pour une reconnaissance du droit de grève étudiant

Un encadrement législatif aurait l'avantage de garantir que les grèves étudiantes seraient déclenchées après un processus démocratique rigoureux. Une fois ce processus respecté, il n'y aurait plus d'injonctions et plus de policiers à la porte des cégeps et universités pour forcer les lignes de piquetage.
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Le droit de grève des travailleurs n'a pas toujours été reconnu. À une certaine époque, grévistes et briseurs de grève s'affrontaient, souvent violemment, sur les lignes de piquetage. Pour pacifier les relations industrielles, l'État a reconnu et encadré le droit de grève des travailleurs. Désormais, le Code du travail empêche l'employeur de faire appel à des briseurs de grève à l'intérieur de l'établissement visé par la grève. En échange, les travailleurs doivent respecter un certain processus démocratique et respecter un calendrier qui leur permet de faire la grève à la suite de l'expiration de leur convention collective. Ces dispositions ont permis au Québec d'avoir une relative paix industrielle depuis ce temps. La même logique doit s'appliquer aux grèves étudiantes.

Certes, les étudiants ne sont pas des travailleurs. Cela n'empêche pas que les étudiants font la grève de manière sporadique depuis plus de 50 ans au Québec en guise de moyen de pression. Que le gouvernement refuse de prononcer le mot «grève» ne change pas cet état de fait. La grève étudiante de 2012 aura cependant été un moment décisif. Pour la première fois, on assistait à une vaste judiciarisation du conflit. Des dizaines d'injonctions ont été accordées partout au Québec pour empêcher les lignes de piquetage et forcer les établissements à offrir les cours. Ces injonctions ont créé des tensions importantes dans les cégeps et les universités du Québec en montant les étudiants les uns contre les autres et en mettant les enseignants et les directions d'établissement dans une situation très délicate. À titre d'exemple, des événements tristement spectaculaires se sont déroulés au Cégep Lionel-Groulx. Qui peut accepter que des parents, des enseignants, des étudiants et des policiers antiémeutes s'affrontent devant un cégep ou une université?

La situation ne sera pas meilleure à l'avenir. Si les injonctions ont pris quelques semaines à apparaître en 2012, des injonctions ont été demandées avant même certaines assemblées en 2015. Des «kits» ont même été préparés par certains étudiants récalcitrants à la grève ! Si rien n'est fait, un climat de tension et d'affrontements similaires à 2012 apparaîtra à chaque mouvement de grève étudiant. Que faire pour pacifier les relations entre les étudiants, leur établissement et les enseignants ?

Il faut reconnaître aux étudiants le droit de faire la grève en intégrant ce droit dans la Loi sur le financement et l'accréditation des associations d'élèves et d'étudiants. Un débat législatif permettrait de débattre du processus démocratique préalable au déclenchement d'une grève légale. Par exemple, le droit de vote secret pourrait être garanti comme c'est le cas dans le Code du travail. Le gouvernement refuse cette proposition, car il nie le droit des étudiants de faire la grève. Ce raisonnement ne peut durer. Le gouvernement a la responsabilité d'assurer le bon fonctionnement des établissements d'enseignement, mais il a également le devoir d'assurer une certaine «paix académique» sur les campus ainsi que la liberté d'expression et la liberté association des étudiants. L'inaction du gouvernement encourage le climat de tensions et les affrontements.

Un encadrement législatif aurait l'avantage de garantir que les grèves étudiantes seraient déclenchées après un processus démocratique rigoureux. Une fois ce processus respecté, il n'y aurait plus d'injonctions et plus de policiers à la porte des cégeps et universités pour forcer les lignes de piquetage. Cela forcerait également étudiants et gouvernement à discuter pour trouver des solutions aux litiges qui les opposent, car la grève étudiante serait désormais légitime. Inspirons-nous des relations entre employés et employeurs pour adopter une loi qui pacifiera le climat sur les campus en temps de grève étudiante. Un tel débat législatif pourrait mener à certains sacrifices du côté étudiant, notamment sur les modalités permettant de déclencher la grève. Le jeu en vaut cependant la chandelle. Les grands changements nécessitent une dose de courage et d'audace. Que ce soit en 2015 ou en 2025, l'enjeu entourant la grève étudiante ne disparaitra pas. Étudiants et députés oseront-ils ce débat difficile ?

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