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Mini-Miss au Québec: non merci!

Verra-t-on bientôt au Québec nos Jasmine, Chloé ou Camille faire une moue coquine pour gagner un concours avant la maternelle? Il semble que oui: l'organisme National Canadian Girl et sa directrice Liz MkCinnon planifient un concours à Laval le 24 novembre prochain. Il faut s'en inquiéter.
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Ce texte est cosigné par Léa Clermont-Dion, féministe; Alain Vadeboncoeur, médecin; Ianik Marcil, économiste; Paul Ahmarani, comédien; Dre Marie-Frédérique Allard, psychiatre; Dominic Champagne, dramaturge; Bernard Émond, cinéaste; Jérome L. Boucher, chroniqueur; Véronique Cloutier, animatrice; Louis-Jean Cormier, auteur-compositeur-interprète; David Desjardins, chroniqueur; Vincent Graton, comédien; Aurélie Lanctôt, étudiante en droit; Louise Latraverse, comédienne; Guy A. Lepage, animateur; Marie-Soleil Michon, animatrice; Gabriel Nadeau-Dubois, étudiant en philosophie; Marie Plourde, animatrice; Dominique Poirier, journaliste et animatrice; Jocelyne Robert, auteure et sexologue; Véronique Robert, avocate et chargée de cours; Guylaine Tremblay, comédienne; Gaëlle Vekemans, pédiatre et auteure; Laure Waridel, éco-sociologue.

«Je m'appelle Jasmine, j'ai cinq ans et j'aime les paillettes», lance une gamine dans Mini-Miss, émission américaine diffusée sur les ondes de la chaîne Musimax.

Verra-t-on bientôt au Québec nos Jasmine, Chloé ou Camille faire une moue coquine pour gagner un concours avant la maternelle? Il semble que oui: l'organisme National Canadian Girl et sa directrice Liz MkCinnon planifient un concours à Laval le 24 novembre prochain. Il faut s'en inquiéter.

Toddler & Tiaras et autres télé-réalités sur TLC sont loin de faire l'unanimité: des fillettes portent le talon haut, arborent le froufrou, font des sourires mièvres et roulent des prunelles, jouant aux séductrices, déhanchements en prime, sur le catwalk. Sous l'oeil des parents enthousiastes.

Des questions surgissent. Comment se perçoivent ces gamines à travers ces concours? Veut-on, comme société, valoriser le superficiel dès la jeune enfance? Sommes-nous esclaves de ces modèles féminins pourtant remis en question dans l'univers adulte?

Au moment où le Québec s'ouvre au phénomène, pourtant la France... l'interdit: le Sénat vient d'y adopter, à large majorité, un amendement au projet de loi sur l'égalité des hommes et des femmes: on empêchera dorénavant les concours de beauté pour moins de seize ans. La sanction: deux ans de prison et 30 000 euros. « À cet âge, les enfants doivent se concentrer sur l'acquisition de connaissances », affirme la députée Chantal Jouanno.

Pour le gala de Laval, on prétend que c'est autre chose: "C'est vraiment la personnalité et les réponses aux questions sur scène qui sont évaluées. Il n'y a pas de maquillage permis et les filles s'habillent dans des robes qu'elles porteraient à des mariages ou à l'église" confiait madame McKinnon à TVA. Maquiller l'idée pour mieux la faire passer ne change rien sur le fond: ces fillettes n'auront rien à envier à la jeune Honey Boo Boo. Les petites recevront d'ailleurs chacune une couronne... comme une princesse!

De tels concours renforcent l'obsession généralisée de l'image corporelle, établissant plus ou moins directement un lien entre jeux de séduction, volonté de plaire et nécessité de consommer. Sexualiser à outrance les plus jeunes est pourtant insensé.

Conditionnées à plaire trop tôt, les fillettes voient les parents survaloriser leur apparence, ce qui n'est pas sans conséquence: plus de 40% des adolescentes canadiennes de niveau secondaire sont insatisfaites de leur image corporelle et voudraient en conséquence la modifier (1). Les troubles alimentaires ne sont pas en croissance pour rien: 80% des femmes suivront un régime avant l'âge de 18 ans, ce qui peut déclencher des problèmes alimentaires encore plus graves.

Encourager ces concours est aussi un recul pour les femmes - comme pour les hommes. L'actualité regorgeant de discussions pertinentes sur la condition féminine, souhaitons-nous vraiment revenir au triomphe du miroir, qui nous dit « quelle est la plus belle »? La beauté n'a rien à voir avec l'endoctrinement des enfants.

Il ne faut pas négliger l'aspect économique: la prolifération de ces concours s'inscrit dans la logique d'une industrie lucrative, ciblant les tweens (contraction de «teen» et «between»), marché développé au début des années 90. De l'achat de cosmétiques à La Senza Girl, les fillettes - ou surtout leurs parents - contribuent à un marché fort lucratif, tout en préparant le terrain pour celui, encore plus considérable, de la femme adulte.

Pas surprenant que les magasins Wal-Mart offrent dorénavant Geogirl, marque de maquillage ciblant les 8 à 12 ans. Croyant faire plaisir à leurs fillettes, les parents perpétuent un modèle de plus en plus difficile à remettre en question. Et dans cette obsession précoce pour l'apparence, comment développer son esprit critique? Nous devrions plutôt répondre: plaire à tout prix, non merci.

Même si les promoteurs du gala de Laval se targuent de permettre au contraire l'épanouissement des enfants et suggèrent qu'il ne faut pas se comparer au modèle américain, il est tout à fait sain de se questionner sur la question. Et d'agir, comme la France l'a fait.

Rejeter ces concours enverra un message clair et important. En tant que citoyens soucieux de la jeunesse et de l'avenir, nous dénonçons vivement leur arrivée au Québec.

Pour signer la pétition contre la tenue d'un concours «mini-miss» à Laval, c'est ici.

[1] Conseil des ministres de l'Éducation. Étude sur les jeunes, la santé sexuelle, le VIH et le SIDA au Canada : facteurs influant sur les connaissances, les attitudes et les comportements, Toronto, le Conseil, 2003, 162 p. (p. 34-35).

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