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Dans 10 ans, ces grandes questions seront-elles toujours sans réponse?

LE MONDE EN 2025 - Pour comprendre le fonctionnement du monde qui nous entoure, le travail de la science consiste à se poser les bonnes questions. Ces questions, qui ne trouveront peut-être jamais de réponses, définissent le cadre des recherches pour plusieurs décennies, voire davantage.
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Ce billet fait partie d'une série de blogues célébrant les 10 ans du HuffPost, série pour laquelle nous avons invité des experts à réfléchir sur la prochaine décennie dans leurs domaines respectifs. Pour découvrir leurs blogues, visitez notre section Le monde en 2025.

Pour comprendre le fonctionnement du monde qui nous entoure, le travail de la science consiste à se poser les bonnes questions. Ces questions, qui ne trouveront peut-être jamais de réponses, définissent le cadre des recherches pour plusieurs décennies, voire davantage. De nouvelles découvertes inattendues viennent affiner ou modifier ces questions au cours d'un processus qui se poursuit avec succès depuis plus de 400 ans et ne montre aucun signe d'essoufflement.

Il est toutefois important de distinguer les questions auxquelles on peut en principe répondre, celles qui resteront sans réponse et celles qui seront élucidées à court ou moyen terme. C'est souvent parce qu'ils sont animés du fervent désir de découvrir une théorie expliquant absolument tout que les étudiants en physique intègrent des écoles supérieures. Mais, comme se plaît à le dire mon ami Frank Wilczek, lauréat du prix Nobel, tester une théorie expliquant au moins une chose serait déjà remarquable!

À la demande de la rédaction du Huffington Post, j'ai donc dressé ci-dessous une liste de quelques-unes des questions brûlantes qui régissent les champs de la cosmologie et de la physique des particules. Les deux premières font actuellement l'objet d'expériences qui pourraient révolutionner nos connaissances dans les dix ans à venir. Les deux dernières concernent des problèmes cruciaux dont la résolution pourrait être rapide, si nous sommes extrêmement chanceux, ou bien prendre des siècles, si tant est qu'elle survienne un jour. Tout dépend en effet du bon vouloir de Dame Nature au cours de nos expériences. Les bonnes idées étant cependant plus rares que les bonnes expériences, les paris restent ouverts. Après tout, entre les travaux de Newton et ceux d'Einstein, il nous aura fallu plusieurs siècles pour tester la théorie de l'attraction universelle.

De quoi est composée la matière noire?

Depuis les années 1970, quand on a établi que la masse de notre galaxie, et de toutes les autres par extension, était essentiellement composée d'autre chose que des gaz chauds et des étoiles, la question de la nature de cette « matière noire » a joué un rôle central dans la cosmologie et la théorie des particules. Le temps passant, il est devenu évident que ladite matière domine non seulement les galaxies, mais aussi les amas de galaxies et qu'elle est dix fois plus abondante que toute la matière visible de l'univers.

Du fait de cette abondance, la compréhension de l'origine des éléments légers dans le Big Bang nous amène à penser que cette substance ne peut être composée de matière normale, c'est-à-dire de protons, de neutrons et d'électrons, éléments constitutifs de tous les atomes. En revanche, si elle est faite d'un nouveau type de particule élémentaire qui n'interagit pas de manière électromagnétique, on peut l'assimiler à un gaz diffus ou à des particules se répandant à travers les galaxies, y compris la nôtre. Par conséquent, elle ne se trouve pas seulement tout autour de nous, mais en nous, dans chacun d'entre nous, dans notre planète tout entière et dans l'ordinateur dont je me sers pour écrire cet article.

Cette possibilité représente à la fois un défi et un atout. Comme nous ne connaissons pas la nature exacte de la matière noire, il faut, pour la détecter directement sur Terre, supputer ce qu'elle peut être. Estimons-nous déjà heureux qu'il soit peut-être possible de la détecter directement ! Ceci pourrait non seulement révéler la nature de ce qui constitue la matière dominante de l'univers, mais aussi nous donner des indications fondamentales sur les particules et les forces élémentaires.

Or, cela tombe bien, deux approches permettent de détecter la matière noire : d'une part, des détecteurs souterrains capables de déceler d'infimes signaux provenant de particules de matière noire susceptibles de s'éparpiller autour d'un noyau atomique en produisant de l'énergie ; d'autre part, le Grand collisionneur de hadrons (LHC) qui a repris du service. En recréant l'espace d'un instant les conditions dans lesquelles ces nouvelles particules élémentaires ont été créées aux premiers temps de l'univers, il pourrait en produire suffisamment pour les rendre détectables lors de collisions.

Ces deux méthodes se livrent actuellement une course effrénée à la détection de la matière noire. On peut donc s'attendre à l'annonce d'une découverte dans les dix ans à venir. À moins que nous ne nous soyons trompés sur sa nature, ce qui nous obligerait à revoir notre copie.

Pourquoi l'interaction faible est-elle, justement, faible?

Bien entendu, le LHC ne se contente pas de chercher la matière noire. Il nous a déjà permis de découvrir le boson de Higgs, pièce manquante du modèle standard de la physique des particules. Or, dans ce domaine, toute découverte génère davantage de questions. Le boson de Higgs confère leur masse aux particules porteuses d'interaction faible, qui déterminent à leur tour la nature de cette interaction. Mais pourquoi a-t-il cette taille ? Pourquoi l'interaction faible est-elle beaucoup plus faible que l'interaction forte, par exemple ? Pourquoi toutes ces interactions, et notamment l'électromagnétisme, sont-elles plus fortes que la gravité ?

Nous espérons que le LHC, dont les capacités progressent depuis sa récente mise à jour en matière d'énergie et d'intensité du faisceau, nous permettra d'y voir un peu plus clair à ce sujet. Il est d'ailleurs intéressant de noter que la matière noire pourrait aussi avoir un rôle à jouer. Peut-être que la faiblesse de cette interaction suggère-t-elle la possibilité de l'existence d'une autre symétrie dans la nature, la supersymétrie. Ceci permettrait d'envisager l'existence d'une toute nouvelle série de particules élémentaires encore invisibles. La plus légère d'entre elles, si elle était parfaitement stable, pourrait expliquer de quoi est faite la matière noire. Si le LHC découvre cette particule, nous pourrons non seulement élucider le mystère de la matière noire, mais aussi faire la lumière sur la supersymétrie et, au-delà, sur le principe universel de toutes les interactions. Nous attendons donc avec impatience les résultats du LHC d'ici un an ou deux.

Existe-t-il d'autres univers?

L'une des questions fondamentales en physique, celle à laquelle Einstein lui-même réfléchissait quand il se demandait si "Dieu" avait eu le choix de créer, ou non, l'univers (métaphoriquement parlant, évidemment), est probablement de savoir si celui-ci est unique et si les lois de la physique elles-mêmes sont singulières et inamovibles. La simple altération d'une seule de ces constantes fondamentales entraînerait-elle l'effondrement de tout l'édifice?

Cette question, quoiqu'essentielle, peut sembler totalement absconse. Après tout, étant donné que nous n'avons accès qu'à notre univers, spéculer sur d'autres mondes relève de la pure métaphysique. Évidemment, cela n'empêcher pas la conjecture. Il se trouve même que la plupart des extensions du modèle standard de la physique des particules laissent penser que notre univers n'est probablement pas unique et que la nature des particules élémentaires et des champs que nous observons pourrait être le fruit du hasard.

Plus intéressant encore, nous pourrions obtenir des indices expérimentaux de l'existence d'autres univers, même si nous ne pourrons sans doute jamais les observer directement. Récemment, les participants à l'expérience Bicep 2, au pôle Sud, disent avoir détecté des ondes gravitationnelles datant du tout début de l'univers. Il semblerait malheureusement que le signal soit dû à des bruits provenant de notre propre galaxie. Cependant, si de futures expériences venaient à établir l'existence de tels bruits, nous aurions la preuve d'un processus, l'inflation, qui expliquerait de nombreuses caractéristiques observables à grande échelle et la création générique de nombreux autres univers peu après le Big Bang. Si nous pouvions mesurer précisément ces ondes, nous serions en mesure de mieux appréhender la nature de cette inflation et, ce faisant, d'explorer les propriétés physiques qui ont mené à la naissance de notre univers observable. Sans jamais avoir accès à d'autres univers, il serait néanmoins possible de recueillir des preuves indirectes de leur existence.

De quoi est fait le vide intersidéral?

Je n'ai pu résister à l'envie de garder celle-ci pour la fin. Après tout, c'est le sujet de mon livre le plus récent ! Mais je ne veux pas m'attarder ici sur des définitions controversées. Je me réfère simplement à l'espace vide et à la remarquable découverte, il y a quinze ans environ, du fait qu'il recèle la plus grande partie de l'énergie présente dans l'univers, pour des raisons que nous ne comprenons pas du tout. L'accélération de l'expansion de l'univers provient de cette énergie qui sera, au bout du compte, déterminante pour l'avenir de notre univers. Des observations astrophysiques sont en cours pour tenter de percer le mystère de cette "énergie noire", mais nous ne sommes pas plus avancés que nous ne l'étions à l'époque. S'agit-il vraiment d'une "énergie quantique du vide" ou est-elle associée à quelque nouveau champ invisible se propageant dans tout l'espace? À moins qu'il soit question de quelque chose d'encore plus exotique?

Je pense qu'en l'absence d'une théorie complète sur la gravité quantique, nous ne serons pas capables de résoudre ce problème. Cela pourrait prendre des siècles. Mais je me suis déjà trompé et peut-être que l'une des explorations à venir sur l'expansion de l'univers révélera une nouveauté qui nous orientera dans la bonne direction. C'est la raison pour laquelle nous devons continuer d'essayer. On ne sait jamais où cela peut nous mener.

Ce blogue, publié à l'origine sur Le Huffington Post (États-Unis), a été traduit par Catherine Biros pour Fast for Word.

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