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Je ne me tairai plus (jamais)

Je ne peux plus supporter que chacun de mes mots d’indignation soit perçu comme de l’émotivité, ou le syndrome du SPM dans toute son horreur.
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« Tous les hommes ne sont pas comme ça ». Cette phrase, d'une évidence pratiquement ironique, m'a toujours donné l'impression qu'elle servait à faire taire les femmes qui osaient énoncer les actes odieux qui auraient été posés contre elle. En outre, elle prouve plutôt l'incompréhension de quiconque la formule dans un contexte où une femme ou, potentiellement, un homme, ayant subi une micro-agression de la part d'un homme ose partager son histoire et braver le silence. Ce n'est pas en s'affirmant contre le patriarcat qu'on sous-entend que tous les hommes sont les mêmes.

Je me suis tue trop longtemps, potentiellement. J'ai oublié, à force de voir constamment renforcée cette image de la femme sans aucune courbe, qui n'élève ni la voix ni son statut social, le nombre d'hommes et de femmes qui ont voulu m'imposer ma féminité comme un obstacle : toutefois, jamais je ne saurais effacer de ma mémoire le premier d'entre eux. J'étais à peine une adolescente et, déjà, il m'apprenait tout ce que je devais savoir sur mon rôle de femme en devenir, commentant mon poids, mes vêtements, me conseillant une manière de marcher, de m'habiller et d'attirer les garçons (ou, clin d'œil clin d'œil, les messieurs). Je le voyais chaque jour et, avec le temps, j'ai appris à craindre cet homme qui aurait dû me protéger et m'apprendre à m'armer contre les stéréotypes. Souvent, la manière de penser en elle-même est plus nocive que l'individu qui la propage, parce qu'elle est si facile à intégrer et à perpétuer, et qu'elle lui a souvent été imposée par un manque d'éducation aux rôles de genre. Je n'ai jamais osé manifester mon désaccord face à son point de vue, agir et m'éloigner. À force de me faire dire que je n'avais pas de voix, que j'étais faible, trop timide, trop isolée, j'ai fini par le croire; et c'est en répétant qu'on ne m'entendrait pas que je suis devenue muette et invisible.

Or, en tant que femme, et comme future enseignante, je sais que plus jamais, je ne pourrai me taire et permettre à mes élèves, garçons ou filles, de croire que leur genre prédétermine leur avenir et qu'on peut les étiqueter en raison de stéréotypes dépassés. Je n'aurai plus le loisir de me tapir dans un coin et de sembler de glace, quand une femme affirme devant un large auditoire que « Nous, les femmes, on aime se faire remettre à notre place par notre mari », et de ne pas me faire remarquer par mon indignation quand, dans un milieu d'éducation, on tente de dénigrer des étudiantes qui s'offusquent contre des propos sexistes tenus en classe.

Je ne veux plus me taire, et laisser croire à tous ces jeunes (et moins jeunes!) messieurs qui m'envoient de gracieuses photos de leur viril membre de fer que je trouve leur acte sympathique, ou que de me faire appeler « Beubé » n'est pas dénigrant. Je ne peux plus permettre à ces enseignants qui, en classe, nous imposent des images mysogines, hétéronormatives ou stéréotypées, d'appeler leurs indignantes actions « de l'instruction ». Comme enseignante, j'ai fréquenté des milieux très respectueux des différences : comme étudiante, parfois moins. Je me suis rendu compte que, généralement, il suffit d'un individu pour imposer des visions malsaines des genres et du spectre de genres, et qu'une institution ne peut prendre la responsabilité entière de cet individu. Je veux pouvoir protéger garçons et filles des rôles qu'on leur impose toujours; je veux que les adolescents puissent pleurer et montrer leurs émotions, et que les adolescentes cessent d'être sexualisées et enfermées dans cette spirale infinie de critique corporelle. Je veux que nous osions, en tant que femmes, être fermes envers les hommes qui font des commentaires sur nos seins, et crier haut et fort contre le sexisme toujours présent dans les médias. Je veux l'utopie, la disparition de la masculinité toxique, l'égalité et la possibilité, pour tous, de devenir ce qu'ils veulent.

Je ne me tairai plus, quand vous me direz de le faire; je ne peux plus supporter que chacun de mes mots d'indignation soit perçu comme de l'émotivité, ou le syndrome du SPM dans toute son horreur. Je ne me laisserai plus dire que je suis grosse, idiote, ou que je ne comprends pas, et je ne vous laisserai plus crier contre toutes ces femmes qui, elles aussi, croient qu'elles ne peuvent se défendre contre vos paroles réductrices.

Je veux être comme Camylle, qui s'est fâchée contre cet homme deux fois plus massif qu'elle qui a osé la « catcaller ». Je veux être comme Aurélie, qui ne laissera jamais un homme lui dire quoi faire, sous simple prétexte de genre. Je veux être comme Alexandrine, qui sait défendre sa fière condition de femme, et comme Noémie, femme de sciences. Je veux être comme Maud, qui n'impose aucune étiquette, et comme Josée, Sylvie et Hélène, femmes de tête qui m'ont inspirée et qui m'apprennent chaque jour. Je voudrais ressembler à Charlotte, qui maintient ses opinions envers et contre tous, à Audrey, qui est aussi forte que n'importe quel homme, et à Camille, qui n'a jamais eu besoin du regard d'autrui pour définir sa perception d'elle-même.

Je veux être Lauriane, qui saura être une femme à sa façon.

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