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L'éclipse climatique

L'enjeu climatique, s'il veut en finir avec les climatosceptiques, doit démontrer ses effets sur le quotidien de la population. La lutte pour le climat en soi n'est pas un argument porteur.
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Il existe, dans le milieu journalistique, une expression décrivant, par analogie à un célèbre phénomène astronomique, un évènement ou un sujet qui écarte toute concurrence. C'est ce qu'on entend par éclipse médiatique.

Une adaptation de ce concept est possible par rapport à tout ce qui touche l'environnement. Lorsqu'il est temps de parler d'enjeux environnementaux, tous les sujets qui ne traitent pas du climat passent à la trappe. C'est l'éclipse climatique.

L'enjeu climatique, s'il veut en finir avec les climatosceptiques, doit démontrer ses effets sur le quotidien de la population. La lutte pour le climat en soi n'est pas un argument porteur.

Il faut, par exemple, marteler que l'électrification des transports ne réduit pas seulement les émissions de gaz à effet de serre (GES), mais améliore grandement la qualité de l'air. Que l'amélioration des normes du bâtiment ne réduit pas seulement les GES, mais aussi notre facture en énergie. Que des villes imaginées et construites pour réduire le bilan carbone peuvent améliorer la qualité de vie. Voilà ce qui doit être le credo du climat.

Présentement, le Québec produit 0,2 % des émissions mondiales de GES, est engagé dans une réduction de ses émissions de GES de 20 % sous le niveau de 1990 d'ici 2020 et de 37,5 % sous 1990 d'ici 2030 ; et a une production électrique à 99 % renouvelable. Le Québec n'est pas l'endroit le plus à risque en matière de changements climatiques. La hausse du niveau de la mer pourrait inonder certaines zones riveraines, mais le Québec est dans l'ensemble plutôt à l'abri des évènements climatiques extrêmes.

Ceci n'est pas un appel à la déresponsabilisation, mais un appel à l'action environnementale autour de critères humains. Les enjeux climatiques sont capitaux, la lutte de notre génération. Une lutte mondiale qui demande une réponse du concert des nations. Le concert des nations indépendantes, ce que le Québec n'est pas. Nous pouvons nous bercer d'illusions et croire que nous faisons le poids dans la diplomatie du climat, mais le statut provincial du Québec nous pousse à la marginalité. La présence internationale du Québec à la COP21 a d'ailleurs été grossièrement déformée par la place naturelle que la France fait au Québec.

Alors, pourquoi agir? L'action est nécessaire parce que le Québec fait face à des risques, n'est pas isolé de la planète, et parce que nous avons une dette écologique à rembourser en tant que société post-industrielle.

C'est toutefois un peu mince pour oublier tous les autres enjeux environnementaux, surtout considérant notre statut provincial et que la lutte pour le climat sera gagnée ou perdue par les gros pollueurs comme la Chine et les États-Unis. Un manque de lucidité frappant pousse à l'écart tous les enjeux ayant souvent des impacts humains importants. N'oublions pas l'économie verte, la gestion des matières résiduelles, la biodiversité, les eaux usées et les eaux potables, l'aménagement durable du territoire, la souveraineté alimentaire, le développement durable et la qualité de l'eau, de l'air et du sol.

Parlons de l'être humain confronté à des polluants atmosphériques. Du citadin qui, dès qu'il sort de chez lui, respire un air impur. Un air vicié par le chauffage au bois qui expulse des particules en quantités effarantes dans l'atmosphère. Un air vicié par les particules d'hydrocarbures, de goudron et de métaux lourds des routes. Pis encore, les valeurs de l'indice de la qualité de l'air - plus c'est haut, moins c'est bon - descendent rarement en bas de 10 à Montréal. Année après année, la piètre qualité de l'air cause des problèmes respiratoires dans la population. Parlons de notre air pollué.

Parlons aussi de l'être humain confronté à des perturbateurs endocriniens et des contaminants émergents, ces produits aux effets inconnus et dont on commence à peine à saisir l'ampleur de leurs impacts. De l'alimentation et des poulets engraissés aux médicaments et aux hormones. Des contaminants non réglementés, aux effets inconnus, qui se retrouvent dans l'eau, dans le sol et dans les aliments. Des contaminants persistants dans l'environnement et dans la chaîne alimentaire, comme les pesticides et les métaux lourds. Des nitrates et des phosphates qui étouffent à petit feu nos cours d'eau. Parlons de notre alimentation toxique, de notre eau usée et de nos sols contaminés.

Parlons enfin de l'être humain confronté à une kyrielle de nuisances visuelles, auditives et olfactives. Des déchets plastiques et des mégots de cigarettes qui s'accumulent en bordure de rue et qui polluent nos milieux de vie. Du va-et-vient incessant des camions, des voitures, des trains et des avions qui nourrissent les villes et les usines qui nourrissent les femmes et les hommes qui nourrissent un environnement anxiogène, asphyxiant et aliénant. Parlons de nos villes étouffantes et de notre mode de vie kamikaze.

Il est donc impératif de replacer l'être humain au centre de nos priorités environnementales. L'être humain est une fin en soi pour militer en faveur de l'environnement, voir une fin plus mobilisatrice que la protection de la Terre et de la vie. La cause environnementale souffre pendant ce temps du désintéressement de ses militants les plus farouches à l'égard des femmes et des hommes. Certains considèrent que l'écologisme, dans ses formes dites radicales, est un antihumanisme.

Il est temps de nous replacer au centre des préoccupations environnementales, de dénoncer l'éclipse climatique et de fonder notre engagement sur un humanisme fort et assumé.

De dire : je suis écologiste et humaniste.

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