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L'addiction sexuelle existe et il faut la traiter

La terminologie «addiction sexuelle» a fait récemment l'objet de débats entre spécialistes. Si presque tous reconnaissent l'existence de ce trouble, ils ne s'entendent pas sur le nom de la pathologie. Mais peu importe le terme, cette pathologie est bien réelle et non un effet de marketing scientifico-clinique.
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On a tendance à mettre le mot addiction un peu partout. Sur le modèle des drogues ou de l'alcool, les comportements sont également les cibles de cette maladie de la récompense cérébrale avec ses composantes physiques, psychiques et sociales. Parmi ces comportements, on retrouve finalement tout ce qui nous entoure dans la vie quotidienne: Internet, jeux de hasard et d'argentjeux vidéos, achats, sport, bouffe, travail et... le sexe.

La thématique de l'addiction sexuelle a été récemment médiatisée via certaines personnalités du milieu du cinéma, de la musique, du sport et de la politique. Elle a fait l'objet d'un certain nombre de reportages, de documentaires, de films comme Choke (2008), l'excellent Shame (que je recommande à mes patients) (2011), Don Jon (2013) ou encore Nymphomaniac (2013). Les patients, pensant être touchés par ce problème addictif lié à leurs comportements sexuels, utilisent Internet pour essayer d'avoir des informations, s'autodiagnostiquer et trouver des lieux de soins et/ou d'écoute pour ce problème. Si ce n'est pas eux directement, leurs conjoints, leurs époux les envoient en consultation spécialisée dans la majorité des cas.

Dans les années 1970, des membres des Alcooliques Anonymes avaient fait un parallèle entre leur addiction à l'alcool et leur comportement sexuel excessif sans aucun contrôle. Le concept d'addiction sexuelle est décrit pour la première fois par Patrick Carnes au début des années 80. Son livre Out of the Shadows - Understanding Sexual Addiction avait défrayé la chronique à l'époque. Cet ouvrage décrit parfaitement le sex addict et donne certaines clés pour s'en sortir.

La terminologie "addiction sexuelle" a fait récemment l'objet de débats entre spécialistes, avec notamment la publication du DSM-5 (classification américaine des maladies psychiatriques) en mai 2013. Si presque tous reconnaissent l'existence de ce trouble, ils ne s'entendent pas sur le nom de la pathologie. Money parlait d'"hyperphilie" en 1980, d'autres évoquaient un "trouble lié à la paraphilie", de "trouble sexuel impulsif et compulsif", de "trouble sexuel avec perte de contrôle" ou de "trouble hypersexualité" dans les années 2000. Peu importe le terme, le profil de la maladie partage les caractéristiques cliniques de la maladie addictive. Cette pathologie est bien réelle et non un effet de marketing scientifico-clinique.

L'industrie du sexe, qu'il ne faut pas diaboliser, est le principal vecteur des addictions sexuelles. Cette grosse entreprise lucrative, génératrice de milliers d'images et de services, ne délivre aucun message de prévention sur les sites à caractère pornographique, à l'inverse de qui existe pour les jeux de hasard et d'argent.

Actuellement, il n'existe aucune donnée chiffrée sur le problème de l'addiction sexuelle. Le ratio hommes/femmes varie de 2 à 5 pour 1. Cette proportion est probablement sous-estimée, les femmes ne venant pas encore consulter pour ce problème.

L'addiction sexuelle doit d'emblée être différenciée des perversions sexuelles sources d'excitation exclusive (sadomasochisme, fétichisme, frotteurisme, pédophilie...) et du risque de devenir un agresseur sexuel. Cette addiction se caractérise à la fois par l'impossibilité répétée de contrôler un comportement de consommation et par la poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives (sociales, psychologiques, physiques). La consommation sexuelle est excessive et repose sur différents supports sexuels, bien qu'Internet prédomine. Il n'y a aucun curseur pour le nombre quotidien d'orgasmes. La « défonce » sexuelle s'accompagne d'une perte de contrôle, de temps (au moins une à deux heures par jour) liée à la préparation du comportement, à sa réalisation ou à la récupération de ses effets. Les dépenses d'argent font partie intégrante de cette maladie et peuvent être importantes. Combien de patients vus en consultation ont dépensé des milliers d'euros par mois pour des services tarifés virtuels ou en live !

Ces sujets malades deviennent les otages de leurs propres préoccupations sexuelles. Le sexe prédomine leur vie et le moindre événement est interprété à travers un filtre sexuel qui s'impose à la personne. La moindre situation, la moindre rencontre sont envisagées et mentalement scénarisées sexuellement.

Le sex addict essaie de résister à ses pulsions sexuelles. Une tension interne croissante l'envahit avant de commencer à consommer sans limites. Du plaisir ou un soulagement est ressenti pendant l'acte sexuel, et ce, quelle que soit sa nature. Il essaie de diminuer, contrôler ou arrêter son comportement addictif. Difficile ! Il peut être en manque comme un alcoolique ou un drogué s'il ne peut pas consommer ou continuer à consommer. Une envie irrépressible de consommer se répète de nombreuses fois par jour. Progressivement, le sujet a besoin d'augmenter sa consommation pour en ressentir les effets des premières fois. Après l'acte, il existe toujours la même triade d'émotions négatives à savoir une culpabilité, le désespoir, la honte. Puis tout se stabilise jusqu'au prochain facteur déclenchant la consommation sexuelle excessive. Cette dernière phase peut persister quelques dizaines de minutes, quelques heures, parfois plusieurs jours.

Le sex addict a une vie cachée. Il craint en permanence que ses activités sexuelles "secrètes" soient découvertes. Cette facette de sa vie est toujours dissociée de l'amour. Indifférent vis-à-vis de ses partenaires ou de ses objets virtuels sexuels, il les met de côté une fois le comportement fini. Il préfère le sexe anonyme et est en permanence insatisfait. Il consomme pour ne pas souffrir, pour ne plus souffrir. Sa vie quotidienne en pâtit : couple, famille, enfants, travail, hobbies...

Les conséquences de cette addiction peuvent être psychologiques (dépression, anxiété, risque suicidaire...), physiques (risque de contracter une infection sexuellement transmissible comme le VIH, la gonococcie, la chlamydiose...).

Avec Satan Jokers, groupe de hard rock mené par Renaud Hantson, nous avons en 2011 sorti un projet musical accompagné d'un livre numérique intitulé "AddictionS" qui se veut un projet de sensibilisation et de prévention des addictions aux substances. Ce projet a d'ailleurs été validé par la MILDECA.

Nous remettons le couvert avec le premier projet musical qui traite de l'addiction sexuelle et du cycle infernal de cette maladie. L'album construit sous la forme d'un Opéra Rock s'intitule "Sex Opera" (disponible en support CD et téléchargement légal depuis le 2 décembre 2014, jour du 200e anniversaire de la mort du Marquis de Sade). Il narre l'histoire d'un sexaholic qui s'enfonce dans la maladie avec des supports de tout type: femmes, transsexuelles, hommes, porno sur internet, MILFS... Il se répère sans cesse cette phrase: "Promis, demain j'arrête", mais en vain...L'histoire finit mal. De nombreux invités dont Brigitte Lahaie, animatrice célèbre sur RMC, participent à ce conte musical tragique.

L'addiction sexuelle existe, peu importe le nom qu'on lui donne. Il existe encore peu de centres où l'on peut évaluer, diagnostiquer et traiter les patients souffrant de cette pathologie avec des techniques psychothérapeutiques individuelles et de groupe, des approches médicamenteuses. Il ne faut pas méconnaître des troubles psychologiques sous-jacents. Les groupes d'auto-support comme DASA (dépendants affectifs et sexuels anonymes) font partie du traitement.

Evaluez-vous avec l'outil PEACCE (adaptation en langue française par Laurent Karila)

  1. Trouvez-vous que vous êtes souvent préoccupé par des pensées sexuelles? (Pensées)
  2. Cachez-vous certains de vos comportements sexuels à votre entourage (partenaire de vie, famille, amis proches...)? ((Entourage)
  3. Avez-vous déjà recherché de l'aide pour un comportement sexuel que nous n'appréciez pas de faire? (Aide)
  4. Est-ce que quelqu'un a déjà été heurté émotionnellement à cause de votre comportement sexuel? (Conséquences)
  5. Vous sentez-vous contrôlé par votre désir sexuel? (Contrôle)
  6. Vous sentez-vous triste après être passé à l'acte sexuellement (rapports sexuels, internet, autres)? (Emotions)

Si vous obtenez un score supérieur à 3 : une évaluation pour addiction sexuelle est recommandée.

Laurent Karila est l'auteur du livre "Accro!", écrit avec la journaliste au HuffPost Annabel Benhaiem

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